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Mahamadi Kouanda : "Que le ministre Palm arrête de m’insulter !"

Publié le lundi 19 juin 2006 à 07h47min

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Mahamadi Kouanda

Membre influent du Comité national de la révolution (CNR), et plus tard du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), El Hadj Mahamadi Kouanda est reconnu être un grand mobilisateur de foules au Burkina. On le croyait mort, sur le plan politique, après son départ de l’Assemblée nationale. Mais l’homme reste égal à lui-même.

Il n’a pas la langue dans sa poche et se défend quand il reçoit un coup. Cet entretien avec la rédaction, le vendredi 9 juin dernier, a été l’occasion pour El Hadj Mahamadi Kouanda, d’aborder certains points de l’actualité politique et du sport burkinabè qui, selon lui, étaient restés flous jusqu’à ce jour.

Kouanda, responsable d’entreprise et président de la Coordination nationale de soutien aux Etalons, parle ici de son aventure politique, de sa vie professionnelle et de la fameuse crise qui l’oppose au ministre des Sports et des Loisirs, depuis l’émergence du projet de création d’une entité unique de supporters de l’équipe nationale de football. Pour lui, "on ne peut pas créer des supporters par décret".

"Le Pays" : Que devient El Hadj Mahamadi Kouanda ?

Mahamadi Kouanda : Je suis avant tout agent de l’Etat. Je suis aussi chef d’entreprise. Avec la réforme de l’Etat, beaucoup d’agents sont devenus contractuels, et le gouvernement encourage les Burkinabè salariés à développer des initiatives. El Hadj Mahamadi Kouanda a aussi ses affaires. Sur le plan politique, je demeure un membre fondateur du CDP. Je viens d’être nommé conseiller municipal à Zitenga.

Dans quel domaine exerciez-vous précisément, quand vous travailliez dans la Fonction publique ?

Je suis précisément à la direction générale des Infrastructures et du Désenclavement. Je suis conseiller du directeur général des TP. Vous savez que Kouanda est de la classe ouvrière. Je travaille depuis 1974. Si le grade existait toujours, je devrais être chef d’antenne des TP (Travaux publics). Mais il se trouve que ce service n’existe plus. Il a été vendu depuis 1993 à la Banque mondiale. La direction a disparu. Nous avons aujourd’hui beaucoup de collègues qui se trouvent aux ministères de la Santé et de l’Information.

Ils ont changé de métier, mais le salaire reste, heureusement, le même. A ce moment-là, moi j’étais en poste à Riad, à l’ambassade du Burkina. J’y avais été détaché officiellement au compte de la présidence du Faso. Mais je reste toujours agent des TP. Après mon mandat de député, je suis aujourd’hui conseiller municipal et directeur général d’entreprise.

Comment arrivez-vous à gérer tout cela ?

Avoir ses biens dans une société ou une entreprise n’empêche pas d’avoir une autre fonction à côté. Je défends mes intérêts.

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale ne vous manque-t-elle pas ? Avez-vous gardé des contacts avec les autres députés qui y siègent ?

L’Assemblée nationale, c’est la maison officielle des politiciens mandatés par le peuple burkinabè. Je pense que, comme les basketteurs l’ont dit, je ne suis pas député à l’Assemblée nationale aujourd’hui, mais je suis député auprès du peuple. Quant à mes contacts avec mes anciens collègues, je dirai qu’ils tiennent toujours. Nous gardons de bonnes relations.

Il n’y a pas de problème. Je participe à certaines rencontres qu’ils organisent. Il y a aussi le fait que je suis le délégué général des anciens députés du Kadiogo. Il y a eu un congrès au cours duquel nous avons mis en place le comité exécutif des anciens parlementaires. On y notait la présence de représentants de la France et de pays voisins. C’est là que mes collègues du Kadiogo m’ont fait l’honneur de me confier la direction des anciens députés du Kadiogo.

Le Comité des supporters a adhéré à l’appel du ministre des Sports et des Loisirs à créer une seule union autour des Etalons. Pourquoi n’en a-t-il pas été de même pour la Coordination ?

Permettez-moi de revenir en arrière pour situer les lecteurs. La Coordination nationale de soutien aux Etalons a été créée le 24 août 2003. Nous avons souffert avant d’être reconnue, le 8 mars 2006. Pourtant, chaque Burkinabè est libre de s’organiser afin de créer une telle entité et de demander ensuite à être reconnu. Mais nous avons connu l’injustice, du début jusqu’à la reconnaissance de la Coordination. Quant au projet du ministre des Sports et des Loisirs, qui consiste en la mise en place d’une structure unique pour les supporters, je crois que c’est vraiment important de m’expliquer devant la presse.

Moi, en tant que coordonnateur national d’une structure de supporters, je n’ai jamais été contacté officiellement, ni de près ni de loin, par le ministre des Sports et des Loisirs par rapport à ce projet. Il y a un adage qui dit que "le mensonge a beau courir, il sera rattrapé un seul jour par la vérité." Aujourd’hui (NDLR : vendredi 9 juin 2006), c’est un grand jour pour moi. En dehors de la période de la Révolution, pendant laquelle j’ai été l’invité de la rédaction de Carrefour africain, je n’ai jamais été invité, comme aujourd’hui, dans une rédaction. C’est donc une fierté pour moi. C’est le lieu de tout dire. Je n’ai jamais été convoqué ni contacté par le ministère en charge des Sports. Je n’ai jamais reçu de correspondance de ministère me signifiant qu’il y avait une union qui se mettait en place.

C’est moi qui suis allé chez le ministre à domicile, une semaine avant sa nomination. On était ensemble à la station Total du Camp fonctionnaire, à côté de chez lui. Nous étions avec le Dr Edouard Traoré. Il a été nommé quelques jours après. Le 4 septembre, c’est-à-dire la veille de sa nomination au gouvernement, nous étions ensemble lors du match Etalons contre République démocratique du Congo. Après sa nomination, je suis allé chez lui, naturellement, pour le féliciter. Nous avons causé.

Et depuis lors, nous ne nous étions plus vus jusqu’à ce que les membres de la Coordination se regroupent pour aller en Ouganda. Je l’ai appelé sur son téléphone portable pour l’informer que nous partions en Ouganda. Nous y partions avec le responsable d’une radio de la place. Je l’ai informé que nous ne pouvions prendre en charge que 4 billets. Et je lui ai dit qu’en tant que nouveau ministre, il pourrait offrir un billet à chaque groupe, et que de toutes façons, la victoire des Etalons était d’abord la sienne. Il a accepté ma proposition et a demandé que je passe le voir. Il a promis de voir le DAAF (ndlr Directeur administratif et financier) du ministère pour pouvoir dégoupiller la situation. Avant que nous nous séparions ce jour-là, il m’a dit que c’était mieux que son département nous aide à mettre en place un seul groupe de soutien aux Etalons, au lieu des deux qui existaient.

Selon lui, cela allait permettre d’éviter un certain nombre de problèmes. Je lui ai fait savoir que sa proposition était la bienvenue, et j’ai donc proposé que nous convenions d’une période pour en parler. Je lui ai dit que le problème était sérieux et que c’était mieux qu’on y réfléchisse davantage. Et j’ai ajouté que lui était militaire de profession, et moi politicien professionnel. C’est la politique qui m’a fait quitter les TP.

Aujourd’hui, la Coordination joue un double rôle pour moi. Elle permet de regrouper les gens autour des Etalons, en même temps qu’elle me permet de conserver mon chapeau de mobilisateur. Mon travail aujourd’hui, mis à part mon entreprise, c’est la mobilisation des populations autour du parti au pouvoir et des Etalons. J’amène les gens à suivre la politique du chef de l’Etat. Je lui ai dit que je ne pouvais rien faire d’autre, à part la mobilisation. Donc supprimer la Coordination, c’est me dépouiller de tout.

Le ministre m’a alors proposé de prendre la tête de la Fédération de basket parce que je m’y investis aussi. Je lui ai dit que pour ce qui concernait ce domaine, j’étais président d’honneur, et je donne les moyens. Je suis dans le football et le basket. J’ai été judoka, mais j’ai choisi de ne m’investir que dans ces deux domaines. Et dans mon bureau (la Coordination), chacun a son boulot. Il y a des basketteurs, des footballeurs, etc.

Je me suis arrangé pour avoir des sportifs de tous les domaines dans mon équipe. Le ministre m’a dit qu’il allait contacter Noufou Ouédraogo afin qu’on réfléchisse ensemble sur le sujet. Il a appelé Noufou en ma présence. Je lui ai dit que Noufou refuserait la proposition s’il nous voyait ensemble. J’ai ajouté, en plaisantant, que "Noufou, c’est un vieux bandit". C’est à ce moment que j’ai utilisé le mot "bandit".

Malgré cela, il a appelé Noufou. Je suis parti avant l’arrivée de ce dernier. Quelques heures plus tard, j’ai appelé le ministre et je lui ai demandé s’il avait vu Noufou. Il a répondu par l’affirmative et m’a fait savoir que Noufou m’appelerait ultérieurement. Trois jours se sont écoulés après leur rencontre, et Noufou ne m’avait toujours pas appelé.

Alors, j’ai rappelé le ministre pour le lui signifier. Je lui ai dit que nous attendions les mesures d’accompagnement de son département pour notre voyage sur l’Ouganda. Il m’a dit que le DAAF me rappelerait. Quand ce dernier m’a contacté, il a demandé le coût du billet. Je lui ai répondu que nous étions à quelques jours du voyage et que c’était mieux de prendre lesdits billets le plus tôt possible. Ils nous ont remis 662 500 F CFA comme contribution du ministère des Sports et des Loisirs.

A notre niveau, nous avions déjà les billets, mais malheureusement, quand nous sommes allés pour leur confirmation, le prix avait changé. Il était à plus d’un million cinq cent mille F CFA. Nous avons donc décidé d’aller à trois. Malheureusement, j’ai été victime de vol à Bruxelles. J’ai tout perdu. 4 jours plus tard, le ministre des Sports et des Loisirs a fait sa sortie au stade du 4-Août. C’était la première rencontre avec les membres fédéraux, et il n’a pas été fait de cadeau aux deux bureaux de soutien aux Etalons, dont celui que je dirige.

C’est ainsi que l’affaire a commencé. La veille de cette sortie, j’avais demandé au ministre Palm (Jean Pierre Palm, ministre des Sports et des Loisirs, ndlr) de m’adresser une correspondance officielle afin qu’on se rencontre et qu’on réfléchisse sur sa proposition de mettre en place l’Union. Il a dû sentir que j’étais au courant de ses projets et de ce qui se tramait.

Mais il ne m’a jamais appelé. Telle est la situation. Nous sommes dans un Etat de droit, où la liberté individuelle et collective est reconnue par la Constitution burkinabè. J’ai d’ailleurs été un des architectes de cette Constitution, ayant été un élément de la partie civile qui a contribué à la mise en place de ces textes. On ne peut pas venir me faire des injustices sous ce régime, aujourd’hui. Personne ne peut m’intimider.

Je connais mes droits et je ne laisserai personne venir me déranger sur mon propre terrain. C’est mon droit d’être indépendant ! Si je n’avais pas de relations personnelles aujourd’hui, si je n’avais pas pris d’engagements devant Dieu, si ce n’était pas pour le président Blaise Compaoré, qu’est-ce que je ferais au CDP ? Je serais allé créer mon parti

Mais il se trouve que je suis un homme d’honneur. Je respecte mes engagements. Ils peuvent dire tout ce qu’ils pensent de moi, mais je sais où je mets les pieds. Combien étions-nous à commencer le voyage avec le président Blaise Compaoré ? Combien l’ont trahi ? J’ai eu des problèmes, mais je suis resté aux côtés du président. C’est un homme d’honneur, un homme qui connaît son pays, un homme digne. C’est ce qui nous lie. Et je le soutiendrai jusqu’au bout.

Seriez-vous partant pour cette union si le ministère vous adressait de façon officielle, une correspondance dans ce sens ?

Je ne suis pas contre le fond. C’est plutôt la forme qui est venue mettre le fond en cause. La Coordination est officiellement reconnue, mais le bureau de Noufou, lui, ne l’est pas. Celui-ci n’avait pas d’autre choix que de soutenir la décision du ministre. Moi, je suis foncièrement contre la division du peuple en deux groupes. Aujourd’hui, le ministre Palm utilise les directions régionales des Sports pour mettre l’Union en place. Ce sont des agents de l’Etat qui y travaillent.

Quand on érigeait les directions régionales des Sports, on ne leur avait pas donné les moyens pour mettre en place une structure comme l’Union. Aujourd’hui, ces directions doivent chercher les moyens pour le faire. C’est notre argent à tous qu’ils utilisent pour cela. Cet argent appartient à l’Etat.

Nous sommes tous l’Etat. Je paie à l’Etat plus de trois millions de F CFA d’impôts par an. Certaines personnes parlent beaucoup mais je suis certain qu’elles ont des entreprises mais ne paient pas plus de 5 000 F CFA à l’Etat par an. On pouvait bien suivre le mouvement, mais certaines personnes nous ont traités d’escrocs, de délinquants, de gens qui profitent de cotisations pour s’acheter des voitures ; c’est dommage ! Nous ne pouvons pas travailler avec des gens qui nous insultent.

Dans des journaux de la place, certains ont dit que des gens allaient à pied avant la CAN 98, et que subitement après, ils avaient des voitures neuves et même payées à l’usine. Je pense qu’il faut être honnête. Le ministre Palm est une autorité de l’Etat. Il est d’abord gendarme avant d’être ministre. S’il dit des choses qui ne sont pas vraies, c’est dangereux pour notre démocratie.

Vous sentez-vous visé à travers ces propos ?

A la CAN 98, c’est Kanazoé qui était président de la Coordination. J’étais le quatrième vice-président. J’étais le chef d’orchestre. Et c’est aussi moi qui ai eu une voiture la même année. Il se trouve qu’à cette époque j’étais député et que j’avais pu acquérir une voiture, tout comme les autres ; un véhicule hors taxes, hors douane. Le groupe de l’Assemblée était divisé en trois.

Chacun était libre - selon Mélégué Maurice Traoré, président à l’Assemblée à l’époque, et Roch Marc Christian Kaboré, premier vice-président - d’aller payer sa voiture là où il le voulait. J’étais chef d’un groupe de députés. Nous avons remis nos bons à qui nous voulions, et les véhicules sont arrivés. Et aujourd’hui, ce sont des dénigrements. Ce n’est pas bien ! C’est un disque rayé. Ce genre de pratiques ne doivent pas venir de lui (du ministre en charge des Sports, ndlr). Sous la Révolution, le seul moyen de couler son ennemi, c’était de dire qu’il avait un dossier.

C’est aujourd’hui une méthode dépassée. Même si j’avais détourné les sous du ministère des Sports et des Loisirs, il faut reconnaître que le ministre Palm ne pourrait pas m’arrêter. Il doit commencer par envoyer le dossier à la Justice, qui fera ensuite son travail. Il est ministre des Sports et non gendarme pour arrêter les gens. Son travail consiste à unir les gens, non à les diviser.

Qu’est-ce qui vous oppose à Noufou, concrètement ?

Personnellement, rien ne m’oppose à Noufou. Le problème, c’est sa méthode de travail. Faites une comparaison entre nos deux bureaux. Ce sont les méthodes de travail qui nous opposent. Sinon, nous nous rendons régulièrement visite. On s’est vu tout récemment avant son départ pour les Pays-Bas. Il ne va pas à l’Union de son propre chef. Il subit des pressions. On a organisé une cérémonie à l’hôtel Relax pour remettre 300 000 F CFA au boxeur Irissa Kaboré (champion d’Afrique, ndlr).

On nous a empêché de remettre l’argent. La Fédération de boxe nous a fait savoir qu’on l’avait menacée de suspendre les soutiens du ministère des Sports si elle prenait part à la cérémonie. Mais moi, je n’ai pas peur ! Je ne dois à personne. Personne ne peut m’empêcher de continuer de vendre du sable et des cailloux. C’est aussi mon domaine.

Leur objectif, c’est de détruire la renommée des honnêtes citoyens. Même les bandits seront mieux aimés que nous. C’est ce qu’ils veulent. J’ai risqué ma vie lors du match contre le Burundi. J’ai été décoré en 2002 pour mon apport au sport. On ne peut pas me dire aujourd’hui que je n’ai rien fait pour le sport ! Je ne peux pas travailler avec des gens qui me traitent d’escroc. Chacun de nous a une dignité à préserver. J’ai des enfants majeurs. Ils n’accepteront jamais de voir des gens traiter leur père de tous les noms. Il faut qu’on se respecte afin de vivre dans un climat de paix.

Supprimer la Coordination aujourd’hui, ne serait- ce pas, en quelque sorte, vous dépouiller de tout ?

La politique m’a retrouvé dans le sport. J’ai été président de tournois interquartiers, de 1974 à 1980. J’ai plusieurs fois dormi dans les filets à cause du "wack", et tout cela afin de permettre à l’Etoile filante de Ouagadougou de battre l’ASFA-Y, sa rivale de toujours. On a pris tous ces risques par amour.

Et ce n’est pas aujourd’hui qu’on nous dira qu’on veut gagner de l’argent dans le football. Dans la vie, il faut être modeste. Aujourd’hui, au niveau de la Coordination, je dépense au minimum, et de ma propre poche, 500 000 F CFA par match. Il y a au minimum 90 animateurs. Ils doivent manger et boire. Il faut un car pour les transporter. Personne ne m’en donne les moyens.

Si quelqu’un trouve qu’on a détourné les sous qu’il aurait investis dans la Coordination, je lui demande de me convoquer devant les autorités compétentes. Le dénigrement ne doit pas avoir droit de cité dans notre domaine. Je pense que nous devons nous référer aux dires du Premier ministre lors de l’émission "Tapis rouge", le samedi 3 juin : "Nous ne pouvons pas gérer un Etat sur la base de rumeurs, de calomnies, de mensonges, etc."

Je demande au ministre Jean Pierre Palm de méditer cette phrase. Et s’il n’a pas suivi l’émission, qu’il demande à suivre la cassette. Un ministre des Sports et des Loisirs doit créer les conditions de cohésion, d’unité et de loisir. Si aujourd’hui, il n’était pas responsable, il n’oserait pas me parler ainsi. A-t-il une fois essayé de parler de moi quand il n’était pas ministre ? Je le respecte parce qu’il est un ministre de Blaise Compaoré.

Je ne l’insulterai jamais, en tout cas, tant qu’il sera ministre. Mais je lui demande, au nom de Dieu et de ceux qui l’ont nommé, d’arrêter de m’insulter dans la presse, d’arrêter de dire du mal de la Coordination, de s’occuper de son Union, dont je ne partage pas la manière dont elle a été mise en place. Il combat le même mode qu’il utilise. Il utilise les moyens de l’Etat pour accomplir son projet d’union.

Est-ce que votre attitude ne met pas à mal l’union sacrée tant prônée dans le domaine du sport, et surtout autour des Etalons ?

Je crois que cette question n’est pas juste. L’union n’est pas une fin en soi. La Coordination a été créée avant l’Union. Le créateur de l’Union, s’il voulait qu’on travaille avec lui, devrait nous convaincre et nous amener à le suivre dans sa lancée. Non seulement nous n’avons pas été contactés, mais en plus, on nous insulte. Je crois que l’avenir de l’Union est sombre. Il est sombre parce qu’on ne crée pas un supporter. Le supporter fait du bénévolat. C’est un milieu de passion. On ne peut pas créer de supporters par décret. Ça ne marchera jamais.

L’avenir de l’Union est sombre, et ce pour deux raisons essentielles. Elle s’appuie sur les biens de l’Etat. Le président Compaoré a été élu pour un programme. Il n’est pas élu seulement pour le sport. Et dès qu’il a été élu par le peuple, ce n’est plus le programme du CDP, encore moins d’un ministre. C’est celui de tous les Burkinabè. On dit que l’Etat met l’Union en place mais que sa gestion est assurée par le Comité national olympique des sports burkinabè.

Ceux qui connaissent bien ce comité, sa configuration, son statut, sa devise, qui est "unir les hommes", ces textes constateront qu’il ne doit pas s’occuper de cette Union. Son travail ne consiste pas à gérer une partie des Burkinabè. Cela signifierait que nous sommes exclus du programme de Blaise Compaoré. Mais qui peut m’exclure aujourd’hui de ce programme ? Malgré cette crise, avez-vous entendu parler d’une quelconque démission dans la Coordination ? Nous nous sommes réunis hier (le 8 juin 2006, ndlr), et nous avons décidé d’envoyer des missions dans les provinces.

Je vous informe que nous avons aujourd’hui 39 bureaux dans les 45 provinces du pays. C’est quand même important ! Nous allons organiser une assemblée générale afin de voir ce que nous allons décider de faire. Nous allons réfléchir sur les matchs des Etalons prévus à partir de septembre. Allons-nous acheter des billets pour aller les soutenir ? Allons-nous arrêter d’aller sur les terrains ? L’assemblée décidera. Ce n’est pas moi qui suis contre l’Union. Elle est tout simplement mal née.

De quoi souffre le sport burkinabè ?

Vous serez peut-être déçu, mais il faut que je le dise, le mal de notre sport, c’est la presse sportive. Il faut appeler un chat un chat. Quand le ministre des Sports est arrivé, il a dit qu’il n’ y aurait pas deux structures de supporters des Etalons.

Et pendant ce temps, il y a deux structures de sport dans la presse. L’une est dirigée par Alexis Konkobo, et l’autre par Gabriel Barrois. On m’a attribué la paternité de la structure de Barrois. Et je dis publiquement que c’est vrai. Je l’ai aidé autant que je le pouvais. Mais aujourd’hui, je le dis, les plus grands griots du ministère des Sports et des Loisirs, ce sont certains journalistes sportifs. S’ils le nient, je suis prêt à présenter les preuves.

Je sais de quoi je parle. Il y a un ministre de l’Information. Il y a une direction de la Communication. On ne doit pas envoyer un journaliste en mission, au nom d’une structure, sans l’avis de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses responsables. Si le ministre reconnaît à ces deux structures le droit d’exister, il doit reconnaître également la Coordination et le Comité. On en veut à un individu pour rien. Il n’y a rien. C’est lui (le ministre des Sports, ndlr) qui a créé cette bagarre inutile.

On a publié notre lettre confidentielle dans la presse. Le ministre n’a pas répondu à nos préoccupations, préférant envoyer la lettre dans les journaux de la place.

Si on vous appellait au gouvernement aujourd’hui, au titre du ministère des Sports, accepteriez-vous l’offre ?

Je vous remercie de penser à cela . C’est la volonté de Dieu et du chef de l’Etat. L’essentiel n’est pas d’avoir fait l’école ou non. En tout cas si un jour Dieu et le président pensent à moi, je l’accepterai. Et je vous donne mes cinq priorités : la transparence dans la gestion. La responsabilisation de la fédération vis-à-vis du ministère :le budget du ministère des Sports et des Loisirs est voté à l’Assemblée.

Il faut donc reverser à la fédération tout ce qui lui revient. Et tout déblocage est soumis à des bilans et comptes rendus. Cela va éviter les bagarres inutiles. Il faut revoir aussi la configuration des maisons de Jeunes. Ce sont des structures autonomes qui peuvent mieux gérer les tournois interquartiers. Nous sommes dans un pays où sur quinze millions d’habitants, pas plus de trois millions ne sont allés à l’école. Il n’y a pas plus de deux millions d’élites. On sélectionnera ainsi les meilleurs joueurs dans les quartiers.

On peut recruter les meilleurs joueurs sur le tas. Prenons le cas Dagano : si on tenait compte du fait qu’il n’ait pas été à l’école, jouerait-il en France ? Il est sorti du tas. Et l’histoire a démontré que les meilleurs joueurs burkinabè sont sortis du tas. il faut revoir cela. Il faut également réveiller le sport scolaire. Il faut créer les conditions d’unité. Il faut assainir également l’environnement du sport. Pour ce faire, il faut commencer par la presse. Il faut que la presse sportive soit unie. On ne peut pas être d’une entreprise donnée et vouloir régler tout seul les problèmes du sport, sans passer par ses supérieurs. Cela crée le conflit de compétences. Il faut des primes de résultat.

Si je suis ministre des Sports, je donnerai les moyens à chaque fédération. Si l’Etoile filante ou l’ASFA-Y arrive en quart de finale d’une coupe des clubs champions, par exemple, on doit voter un budget pour la soutenir. Et le ministre ira défendre ce budget devant l’Assemblée nationale. Il fera du lobbying et profitera de ses relations. C’est du lobbying que les ministres doivent faire à l’Assemblée. Un ministre qui parle mal ne peut rien avoir à l’Assemblée. Un ministre qui n’a pas de bons rapports avec les députés ne peut rien obtenir d’eux.

Si on ampute certains volets du budget, c’est mauvais. Il faut avoir le courage de réunir tous ceux qui aiment le sport. Il faut organiser des assises nationales, dégager un code de bonne conduite et demander à tous ceux qui veulent s’organiser comme supporters pour accompagner l’équipe de se réunir. Il faut ajouter le fait que tous ceux qui veulent accompagner une quelconque fédération de sport sont libres d’agir, pourvu qu’ils soient reconnus par le MATD (ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, ndlr). Une fois que tu es reconnu, tu es libre d’agir dans ta structure.

Mais le ministère des Sports demandera à ces structures de faire des comptes rendus financier et moral par an. Une direction des sports de compétition liée au Comité des comptes se chargera de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas les règles et qui ne géreraient pas bien leurs structures. Le commissaire aux comptes du ministère des Sports a le droit de jeter un regard critique sur les comptes. Il vérifiera le rapport, et celui qui sera pris sera rappelé publiquement à l’ordre, la première fois. S’il récidive, sa structure sera suspendue et il ne bénéficiera plus de financement. Le ministère ne doit pas se mettre au travers du chemin des structures de soutien. On doit réglementer à partir de la loi. Les humeurs d’un homme ne conduisent pas à de bons résultats.

A vous entendre parler, tout porte à croire que vous êtes au CDP juste parce que Blaise Compaoré y est. N’est-ce pas une sorte de culte de la personnalité que vous entretenez ?

Blaise Compaoré est président du Burkina. J’ai toujours été un homme politique. Je suis un meneur d’hommes. Je suis venu à la politique par un accident de l’histoire. Et si c’était à recommencer, je n’oserais plus le refaire. Je regrette d’être entré dans la politique. Je le regrette mille fois. J’ai commencé le commerce avec des gens qui sont aujourd’hui milliardaires. Je partais au Nigeria, au marché de Alaba, un lieu très dangereux. Kouanda était un agent de l’Etat au niveau des TP. J’étais animateur à la maison des Jeunes.

Le 17 mai 1983, j’ai choisi volontairement d’aller à Pô. Personne ne m’y a forcé. C’est depuis ce temps que j’ai fait mes premiers pas dans la politique. Si je suis dans la politique, c’est parce que j’ai été utile, et je le suis toujours aujourd’hui. Sur cent élus du Kadiogo, je vous assure que plus de quatre- vingt-dix sont passés à l’école CDR de Kouanda pour devenir meneurs et mobilisateurs. Aujourd’hui, je pouvais être nommé expert en mobilisation ou en contacts humains. L’inter CDR a formé des maires, des ministres, des conseillers, etc. Certains ne le reconnaîtront pas aujourd’hui, mais l’histoire est là.

J’ai réveillé certaines personnes dans leur lit et je les ai fait voir et connaître par le peuple. Elles sont là aujourd’hui. Ce n’est pas pour me vanter. Si Blaise Compaoré n’est pas là demain, je pourrais arrêter de faire de la politique. Je ne suis pas obligé. La politique n’est pas une fin en soi. Pour preuve, des personnes ont programmé ma mort sur les plans économique et politique, quand j’ai quitté l’Assemblée nationale.

Mais aujourd’hui, Dieu merci, je n’ai jamais demandé d’argent à quelqu’un pour vivre. Je suis capable de gérer ma famille, dans la dignité et la paix. Sur le plan politique, du Kadiogo, je suis allé chez moi, à Zitenga, et j’y ai été élu conseiller. Je me suis présenté pour être maire, je n’ai pas été élu. Mais pour moi, ce n’est pas un problème. Et vous voyez bien qu’il n’y a pas eu de bagarre à Zitenga, contrairement à d’autres localités où il y a eu des casses ! Sinon, il y a eu du tout à Zitenga ! Il fallait quelquefois jurer qu’on ne voterait pas pour Kouanda avant d’aller aux urnes. Mais ça n’a servi à rien. Et j’ai demandé qu’on n’en parle pas. Chaque chose a son temps.

Encore une fois, être lié à un homme, ce n’est pas une affaire de volonté. Etre lié au programme de Blaise Compaoré ne signifie pas être lié à lui. Ce que vous ne savez pas, c’est que certaines personnes ont même dit que Kouanda ne pouvait plus voir le chef de l’Etat. Le chef de l’Etat est si important, si grand pour moi... Je le respecte et je n’ai pas à dire aux gens si je le vois ou pas. Que je le voie ou non, je reste convaincu de quelque chose : le programme de Blaise Compaoré est le meilleur pour le moment dans notre pays. Je le défendrai donc.

Quelle appréciation faites-vous de la politique burkinabè ?

Sur le plan théorique, tout est bien. Nous sommes un des rares pays de la sous-région à avoir mis en place toutes les structures utiles pour la démocratie. Dans la pratique, il faut qu’on accepte que toute oeuvre humaine a ses limites. C’est vrai que notre démocratie n’est pas parfaite. On parle de candidature indépendante. La société civile a aujourd’hui le droit de participer à la gestion de la cité, sans pour autant être avec X ou Y. Avec les apports de la presse, le premier magistrat de ce pays pourrait penser à cette question de candidature indépendante.

Aujourd’hui en tout cas, ce n’est pas Blaise Compaoré qui est contre les candidatures indépendantes. Ce sont surtout les partis politiques. Ces partis et le pouvoir sont tous complices. Je sais de quoi je parle. Emile Paré et moi avons eu des problèmes quand nous étions à la fin de notre mandat. Nous avons voulu, bien que nous ne fûssions pas du même parti, introduire une loi permettant les candidatures indépendantes. Mais nous avons été combattus de tous les côtés. Et en son temps, le PDP/PS et Me Hermann Yaméogo avaient fait savoir qu’il n’en était pas question.

Le problème, c’est entre nous. Le chef d’Etat, quant à lui, n’est pas, pour le moment, candidat à la députation. Il est le président de tous les Burkinabè, même s’il a été présenté par le CDP et soutenu par l’ADF/RDA de Me Gilbert Ouédraogo et d’autres partis. Ceux du pouvoir et de l’opposition qui sont cachés dans les quartiers sont des féodaux. Ils ne veulent pas d’ouverture. S’il y a des ouvertures aujourd’hui, il n’y aura plus de clans qui domineront dans les partis. Les partis de l’opposition, comme celui au pouvoir, se composent de clans. C’est ça, le problème de notre démocratie !

Chacun de nous reconnaît que des efforts sont faits. Nous n’avons pas de pétrole, nous n’avons pas de mer ou autres débouchés naturels. On se débrouille. Les hommes qui sont puissants font des affaires qui génèrent de l’argent. C’est l’aide internationale qui fait vivre notre pays. Tout n’est pas parfait, mais des efforts sont faits. Et c’est pour cela que nous parlons aujourd’hui comme nous le voulons. C’est l’avantage de la démocratie.

Il y a également les abus de pouvoir de certains responsables. Ces actes frustrent. C’est ce genre de comportements qui provoquent la guerre. On traite aujourd’hui des gens honnêtes de menteurs et de voleurs parce qu’ils font partie de la Coordination. Quand on traite une Coordination de voleuse, ce sont tous ses membres qui sont insultés. Je pense que ceux qui ont la chance d’être ministre, directeur général, patron de l’armée, député, maire, etc. doivent éviter les abus de pouvoir. Cela conduit au désordre social, aux guerres civiles. Le Burkina n’a pas besoin de cela.

L’Assemblée nationale a, tout récemment, traité des dossiers relatifs aux indemnités, au droit à la retraite des députés, etc. Quel regard portez-vous sur les questions ? Serez-vous candidat à la prochaine législature ?

Pour ce qui concerne les indemnités, je dirai que ce n’est pas mauvais en soi. Par exemple, à notre temps, une partie du peuple avait déploré le fait qu’on donne trois millions de francs CFA aux députés. Je reconnais avoir reçu cette somme à deux reprises. Ce sont ces sous qui m’ont permis de réaliser des forages pour les populations. Il y a un forage à la grande mosquée. Il m’a fallu chercher 600 000 F CFA que j’ai complété aux trois millions afin d’avoir ce forage. Je crois que cette question de l’indemnité dépend de l’utilisation qu’on fait de l’argent reçu. Il faut également tenir compte des réalisations des personnes qui ont reçu ces sous. J’ai fait le bilan de mon mandat. C’est un bilan qui m’a d’ailleurs causé de nombreux problèmes.

Quant à la question liée à la retraite des députés, vous savez que nous avons été colonisés par la France. Nous sommes tentés de copier tout ce que ce pays fait. Avant de quitter l’Assemblée, je connaissais trois pays voisins, notamment la Côte d’Ivoire, où les anciens députés avaient déjà la retraite . Je pense que la question de la retraite est liée à notre contexte. Ailleurs, ce sont des textes qui codifient la chose avant les élections. Il y a le cas de la Côte d’Ivoire, de la Tunisie et du Maroc. Ce sont des choses qui sont prévues dans leur loi de finances.

Si les gens s’en plaignent, il faut reconnaître que cela est dû à la manière de gérer de certains députés. Les Burkinabè ne seraient pas contents de voir un de leurs anciens députés raser les murs après son mandat ! Mais il ne faut pas non plus qu’on ait des gens qui prennent cet argent pour aller dans de grands restaurants ou retirer les femmes des pauvres.

Chacun doit connaître ses limites. Il faut qu’on appelle ceux qui ne sont pas dans le droit chemin à revoir leurs méthodes et leur style de vie.

Pour ce qui concerne le prochain mandat, je dirai que 2007 est encore loin. Les législatives à venir sont encore loin. C’est Dieu qui décide. Prions Dieu que notre pays vive en paix. Que tous ceux qui font des abus de pouvoir soient rappelés à l’ordre par le président du Faso et le Premier ministre. En 2007, on verra ceux qui seront candidats.

Propos recueillis par la Rédaction et retranscrits par Alain DABILOUGOU

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 19 juin 2006 à 14:54 En réponse à : > Mahamadi Kouanda : "Que le ministre Palm arrête de m’insulter !"

    Détestable, Ridicule, Ecoeurant, Révoltant,...

    Monsieur Kouanda n’a jamais été membre du Conseil National de la Révolution. Je mets "Le Pays" au défi de prouver le contraire. A l’époque, c’est le capitaine Pierre Ouédraogo des CDR qui permettait occasionnellement à Monsieur Kouanda d’avoir accès au Conseil de l’Entente. Il semble qu’il devrait y faire des "rapports" contre les ennemis de la Révolution ; surtout lorsqu’il s’est agit du projet d’aménagement des quartiers Zanguettin - Peuloghin - Tiempalgo.

    Des titres ronflants, des responsabilités fictives ou imaginaires dignes des contes des Milles et Une Nuits,... et que sais-je d’autres...

    Et si chacun acceptait d’être à la place que ses capacités ou prédispositions (physiques, morales, intellectuelles, spirituelles...) lui permettent d’occuper ? Est-ce que le Burkina ne gagnerait-il pas ? Pourquoi, contre vents et marées vouloir être aux commandes alors qu’on n’a pas d’aptitude ?

    Courage au Ministre Palm.

    • Le 20 juin 2006 à 07:01 En réponse à : > Mahamadi Kouanda : "Que le ministre Palm arrête de m’insulter !"

      Dans son livre intitulé :Burkina Faso, les fondements politiques de la 4e république paru en 1995, Bongnessan Arsène Yé publie la liste des membres de la commission constitutionnelle. Il n’y a pas le nom de ce monsieur Kouanda. Quand a t-il représenté au nom de la société civile à la rédaction de la constitution ? Jean

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