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Crise à la BRAKINA : La direction générale tire la sonnette d’alarme

Publié le vendredi 20 février 2004 à 08h51min

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Suite à notre article sur la crise que connaissent les Brasseries du Burkina (BRAKINA) ces derniers jours, le directeur général de cette entreprise, M. Jean-Luc Gibert réagit... Dans l’interview que celui-ci nous a accordée, il réfute les accusations portées contre lui. M. Gibert nous donne sa version des faits et se dit prêt à des négociations pour le bon fonctionnement de cette entreprise qui apporte beaucoup à l’économie nationale. D’autant plus qu’il a un vaste programme de développement de l’entreprise qui tienne compte des intérêts des travailleurs.

Jean-Luc Gibert, directeur général de BRAKINA :
Vous avez constaté qu’à BRAKINA, on ne travaille pas aujourd’hui. Il y a une grève qui nous a touché depuis hier soir à minuit et qui est prévue pour durer jusqu’à vendredi. Un certain nombre de collaborateurs voulaient venir travailler, mais ils ont été empêchés par les grévistes disposés aux alentours de l’usine. Ils ont exercé des pressions physiques sur eux pour qu’ils ne viennent pas. Sur plus de trois cents personnes que la BRAKINA et la SODIBO emploient, cette minorité agit en faveur du désordre et je ne sais pour quelle raison.

Ce désordre constitue un fond de commerce pour eux. Nous avons toujours privilégié certains grands axes, notamment le respect des hommes, le respect des textes en vigueur au Burkina et le respect des institutions. Nous nous sommes rendu compte très vite que le respect des hommes à la BRAKINA passe par le respect de chacun. Un ouvrier doit respecter un autre. Quand un ouvrier ne travaille pas, ou travaille mal, c’est son collègue de l’équipe qui va travailler un peu plus pour assurer la production. Le respect des textes de lois, c’est se conformer aux textes de lois qui existent au Burkina.

En ce qui nous concerne, le texte qui préoccupe le plus c’est le code de travail. A propos du code de travail, nous avions eu au mois d’octobre un débrayage qui s’était fait en dehors de toute légalité sans concertation préalable, sans que des négociations puissent se tenir. C’est inquiétant lorsque dans une structure industrielle, les gens ne respectent pas les textes. Encore moins les institutions. Nous participons très activement à l’économie du pays par les impôts, par les taxes que nous payons, par les salaires que nous versons aux gens.

Et priver les gens de salaires, priver l’Etat de ces ressources, c’est véritablement manquer de respect à l’économie et au pays.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que vous reprochez concrètement à ceux qui sont allés en grève ?

Jean-Luc Gibert (J.L.G.) : Je ne leur reproche rien. Ce sont eux qui me reprochent quelque chose.

S. : Mais cette grève est due justement aux sanctions que vous avez prises à l’encontre de certains d’entre eux ?

J.L.G. : C’est exact. Cela suite aux événements qui se sont passés le lundi 9 février où les gens ont débrayé à 9h20. J’étais dans mon bureau et j’ai été attaqué par un ensemble de 30 à 40 personnes. Celles-ci ont investi mon bureau, m’ont interdit de téléphoner. Elles m’ont ordonné de ranger mes affaires et de partir. Elles m’ont pris par la suite pour me faire sortir de la pièce et m’ont interdit de partir en voiture. Elles m’ont accompagné ainsi jusqu’à la nationale 3 sous des insultes et des menaces. Ces actes, c’est quasiment des actes de terrorisme. J’estime qu’il y a d’autres façons de parler ou de négocier que la violence. Je pense personnellement que lorsque le syndicalisme privilégie la menace et le terrorisme à la négociation, c’est un syndicalisme qui n’a pas d’avenir.

S. : Les travailleurs semblent vous reprocher une très mauvaise gestion administrative ...

J.L.G. : Ce ne sont pas tous les travailleurs. C’est une minorité de travailleurs avec à leur tête, M. Cyprien Nanéma. Objectivement, je ne pense pas qu’un magasinier, puisse porter un jugement sur l’action d’une direction générale.

En ce qui concerne la réorganisation administrative que nous avons faite, il y a ce qui touche le privé et ce qui touche à l’entreprise. Je ne pense pas qu’il y ait des raisons de s’immiscer les uns dans la vie privée des autres.

Pour ce qui concerne le directeur des ressources humaines, c’est une affirmation sur laquelle on est surpris parce que le directeur des ressources humaines est parti de façon volontaire dans des conditions tout à fait exceptionnelles, puisqu’il bénéficie non seulement de l’ensemble de ses droits mais aussi de certains autres avantages. Il voulait se retirer pour se lancer dans le transport. Le chef du personnel de Bobo est admis à la retraite. Nous ne voyons donc pas la nécessité de le remplacer très rapidement parce qu’à Bobo, nous n’avons qu’une centaine d’employés. C’est une gestion interne. A Bobo, nous avons un directeur technique, un directeur financier, un chef comptable. Nous ne voyons donc pas la nécessité d’ajouter un directeur des ressources humaines d’autant plus que celui de Ouaga peut diriger cette structure. En ce qui concerne la séparation d’avec ma secrétaire de direction, je ne vois pas l’intérêt de la critique dans la mesure où nous avions en plus de la secrétaire de direction, une assistante juridique.

L’assistante de direction avait un niveau BAC plus un et l’assistante juridique a un DESS en droit des affaires. Elles n’ont pas du tout les mêmes fonctions. Nous avons engagé cette dame parce que nous avons parfois des problèmes d’ordre juridique. Nous avons un certain nombre de documents qui doivent être traités en conformité avec les normes de l’OHADA, les textes et lois en vigueur.

En ce qui concerne les écrits anonymes, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Il y a une enquête qui est en cours et qui est confiée à la gendarmerie. J’ai reçu une lettre anonyme qui mettait gravement en cause un collaborateur. Ce collaborateur auquel j’avais demandé une explication s’est défendu et a porté plainte. J’attend donc les résultats de cette plainte pour voir le comportement que l’on devrait adopter.

S. : Et l’accusation relative aux acquis sociaux des travailleurs ?

J.L.G. : Là, on est purement sur une question de vocabulaire. Nous avons effectivement ici un accord entre la direction et le personnel qui prévoit la possibilité d’obtenir un prêt de deux-cent mille francs sur fourniture avec justificatif d’un certificat médical. J’ai dit aux délégués qu’il n’y a aucun problème. Je ne suis pas ici pour revenir sur ce qui est acquis. J’ai dis qu’on va maintenir cet acquis. Mais la condition préalable, c’est le certificat médical. Les délégués m’ont dit qu’un certificat de l’infirmier suffit. Je dis non. Je le dis parce que tout le monde sait bien que le médecin prête le serment d’Hippocrate, il est astreint à une certaine discipline, à une certaine éthique. Il a une certaine déontologie. Pour moi donc, le certificat médical et le certificat d’un infirmier sont deux choses complètement différentes d’autant plus qu’il peut y avoir une complaisance très facilement. Chez le médecin également, cela peut se produire mais très difficilement. Je pense que seul un médecin peut véritablement apprécier l’importance d’une maladie. L’infirmier n’ayant pas toutes les compétences requises, en la matière. C’est vrai que les délégués bénéficiaient d’une prime d’un million deux-cent mille francs par an. Effectivement, je leur ai dit que je ne renouvellerai pas cette prime. Il est difficile intellectuellement de subventionner un organisme où les individus vont chercher à vous nuire. C’est un peu comme si j’aimais la personne qui voulait m’agresser en quelque sorte.

S. : Ne pensez-vous pas que les sanctions que vous avez prises ont contribué à envenimer la situation de crise à la Brakina ?

J. L. G. : Par rapport aux types d’actes posés par certains travailleurs, il est certain que des sanctions doivent être prises aussi bien au niveau de notre siège que des hauts responsables de l’administration. Tous les membres du secteur industriel disent que ces genres de choses sont pratiquement intolérables au Burkina Faso. Et tous disent que s’il n’y a pas de sanctions, cela pourrait se reproduire à tout moment par n’importe qui et n’importe quand. A ce propos, nous avions pris les sanctions en conformité avec les textes puisque les délégués syndicaux et les délégués du personnel n’ont reçu que des mises à pied.

Au fond, certains essayent de maintenir une agitation permanente. Ici, il n’y a aucun sens de la discipline, il n’y a aucun sens de la hiérarchie. Je peux vous citer des exemples : il y a des gens qui viennent le matin à 6 heures et à 7 heures ils sont partis, alors qu’ils sont payés pour travailler au moins 8 heures par jour. J’ai également constaté que le 20 du mois, les gens sont pointés jusqu’au 25, alors que certains étaient manifestement absents. Des exemples pareils il y en a beaucoup. Peut-être qu’un des motifs qui a entraîné ce mouvement d’humeur, c’est la mise en place d’une procédure de pointage automatique. Il faut gérer la production, il faut gérer les temps de travail, il faut gérer l’activité des gens. L’avantage du pointage automatique c’est que vous avez un badge qui vous enregistre à l’entrée et à la sortie. Egalement, ce procédé va nous permettre de gérer les agents de maîtrise qui actuellement n’ont qu’un forfait d’heures supplémentaires.

Mais tout ce qu’il faut néanmoins savoir, c’est qu’on n’a jamais refusé les négociations. Mon prédécesseur en février 2003 avait élaboré un document dont le but était d’institutionnaliser tout ce qui concerne les relations entre le personnel et la direction. C’est un document qui rappelle plusieurs articles du droit syndical. Il aborde surtout les problèmes de classification, de la formation professionnelle, les conditions de travail et les rémunérations. C’est un document de référence qui n’a jamais été discuté et négocié.

Actuellement, les délégués veulent discuter des augmentations de salaire. Moi je veux bien, mais il faut qu’on discute d’abord de ce document. Si les deux parties sont vraiment d’accord, on pourrait s’asseoir et discuter. En ce qui concerne la santé des travailleurs, depuis déjà deux ou trois mois, j’ai sollicité une assurance-maladie pour le personnel.

Tout cela, je le ferai savoir viva voce quand le document sera accepté par tous. Il faut que tout le monde soit d’accord pour qu’on obtienne quelque chose de consensuel et profitable à tous.

S. : Peut-on s’attendre à ce qu’une solution soit trouvée dans les prochains jours ?

J. L. G. : Il faudra très rapidement procéder à l’élection d’un nouveau collège de délégués et nous sommes prêt à reprendre la discussion sur tous ces points. Mais, il faut que les choses soient claires pour que tout le monde travaille bien, se sente bien. Mais, je crois que pour résoudre ce problème, la balle se trouve dans le camp des travailleurs.

Entretien réalisé par Ibrahiman SAKANDE & Etienne Nassa

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