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Le Naaba Koanga de Kaya : « Au CDP, il y a toujours des gens qui ne m’acceptent pas »

Publié le vendredi 16 juin 2006 à 08h27min

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Transfuge du PDP/PS depuis 1998, le Naaba Koanga de Kaya qui a lâché son « maître », le Dima de Boussouma, dit n’être toujours pas accepté au CDP par certaines personnes (qui se reconnaîtront sans doute) nostalgiques du passé.

Candidat aux municipales du 23 avril dernier dans son fief du secteur 6, « juste pour être dans la danse », il rappelle à ceux qui voient d’un mauvais œil l’intrusion des « bonnets rouges » dans la mêlée partisane, qu’avant l’arrivée du colonisateur, c’est la chefferie coutumière qui gérait le pays politiquement, économiquement, militairement...et que « la raison d’être des chefs traditionnels, c’est d’abord la politique ».

Cela dit, le Boussouma et lui, assure-t-il, ne se trompent pas de terrain et savent faire la part des choses. C’est ce qu’il nous a confié dans cet entretien que nous avons réalisé le 7 juin dernier à Kaya, à la faveur d’un séminaire organisé par la Commission nationale des droits humains du Burkina, et auquel il a participé aux côtés d’autres autorités religieuses.

Quelle a été l’ambiance des dernières municipales à Kaya ?

• Les municipales se sont bien déroulées dans notre région en général et dans le Sanmatenga en particulier. Nous n’avons pas eu de problèmes majeurs. Il faut cependant avouer que sur le terrain, les forces n’étaient pas égales. Beaucoup de candidats de partis sont entrés en compétition, mais la majorité étaient sans envergure, comparés à ceux du CDP auquel j’appartiens.

Avez-vous été candidat ?

• Oui, j’étais candidat au secteur 6, c’est-à-dire au siège de mon trône. Et heureusement j’ai été élu. Il n’aurait plus manqué que je me fasse battre pour essuyer la honte. En principe, s’il y a compétition dans mon siège, c’est un devoir pour moi de tout enlever. Je me réjouis d’ailleurs d’avoir fait du 100% dans mon fief.

Qu’est-ce qui vous a motivé à être candidat ?

• C’est un peu compliqué. Il y a naturellement plus âgé que moi, mais si je ne suis pas trop vieux à 68 ans, on n’est tout de même plus enfant. Donc, en principe, je devais m’abstenir de toute compétition politique étant donné que le dicton dit que « l’ânesse met bas pour que son dos puisse se reposer ». Aujourd’hui j’ai autour de moi de jeunes frères et sœurs tout comme des enfants qui devaient normalement prendre la relève. Mais la politique est plus compliquée que cela ; malgré ces difficultés, j’étais plus ou moins obligé de me positionner pour être tranquille.

Vous étiez menacé ?

• Je n’ai pas voulu que des semblants d’adversaires puissent me contraindre, ou poser des actes qui, si j’étais présent, n’auraient pas eu lieu. C’était pour donc parer à d’éventuelles difficultés que je me suis positionné.

Des adversaires internes ou externes au CDP ?

• Malheureusement, ils appartiennent au CDP. Bien que militant depuis 1998, il y a des nostalgiques du passé qui ne m’acceptent toujours pas. La solution sûre pour moi était de me positionner.

Est-ce à dire qu’il y a des guerres de clans au CDP ?

• Au Sanmatenga, cela n’est pas manifeste, mais il y a des luttes d’influence. Du reste, c’est peut-être normal en politique.

En tant qu’autorité coutumière, que pensez-vous de l’implication des chefs traditionnels dans la politique ?

• Le chef coutumier est aussi citoyen du Burkina Faso. Dans notre Constitution, aucun chapitre, aucun article ne fait allusion à la chefferie coutumière. Tant et si bien que les chefs coutumiers demeurent citoyens pleins comme tous les autres. En conséquence, ils ont le droit de jouir de toutes leurs prérogatives citoyennes.

N’y a-t-il pas de risque de ternir ou de galvauder l’image de l’autorité coutumière, censée être au-dessus de la mêlée partisane ?

• Il faut savoir faire la politique. Même sans être responsable coutumier, vous pouvez ternir votre image si vous ne savez pas faire la politique. Pour ma part, il s’agit d’une compétition républicaine. Ce qu’il faut, c’est bien parler pendant la campagne pour avoir le maximum de voix. Mais tout citoyen conscient a le devoir de mesurer ses propos pendant les joutes électorales. Après cela, il faut chercher à se réconcilier avec soi-même et avec tout le monde. En d’autres termes, je considère que la politique devrait être comme la parenté à plaisanterie.

Je tiens à vous rappeler qu’avant l’arrivée du colonisateur, c’est la chefferie coutumière qui gérait ce pays-là, politiquement, économiquement, socialement, militairement et dans tous les domaines. Alors la raison d’exister de la chefferie coutumière, en tout cas en pays mossi, c’est d’abord la politique. Maintenant que tout s’est modernisé, il y en a qui voient en nous des adversaires de taille qu’il faut systématiquement éliminer, voire abattre. Le rôle politique de la chefferie coutumière date d’avant la pénétration coloniale.

En conclusion, je dirai que ces problèmes qui se posent aujourd’hui relèvent de trois situations. Il y a une première catégorie de personnes qui sont contre la chefferie dans la politique. Celle-ci est composée d’extrémistes généralement politiciens gauchistes, qui n’acceptent aucune gestion de la cité si ce n’est qu’eux. Malheureusement pour eux, la chefferie traditionnelle mobilise plus qu’eux. Il y a une seconde catégorie de personnes qui, directement ou indirectement sont des déçus de la chefferie traditionnelle, parce qu’ayant été de malheureux prétendants aux trônes.

Ils appliquent plutôt la politique de cet oiseau légendaire qui casse ses propres oeufs à l’approche des prédateurs pour que tout le monde soit perdant. La troisième catégorie, enfin, regroupe des analystes qui ne consentent pas à ce que la chefferie se mêle au désordre créé par la politique, histoire de sauvegarder notre culture. Mais une sagesse du terroir dit qu’on ne peut pas raser la tête sans plier les oreilles. Et pour parler comme nos ancêtres les Gaulois, on dira qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs.

Vous êtes sous les ordres du Dima de Boussouma, qui est aussi dans la politique comme vous. Il est même un opposant (PDP/PS) de taille pour le CDP dans le Sanmatenga. Quel a été votre langage à l’endroit de cet adversaire politique pendant la campagne pour les municipales ?

• Le Boussouma n’est pas un adversaire pour moi. C’est plutôt mon maître. Et heureusement, lui et moi savons faire la part des choses. On ne se trompe pas de terrain. Lorsqu’on est dans les coutumes, je suis intégralement sous ces ordres.

Etiez-vous prétendant à la mairie de Kaya ?

• Pas du tout. De toutes les façons, nous avons déjà installé notre conseil municipal. Je n’ai jamais rêvé d’être maire de Kaya ni avoir un quelconque rôle dans cette municipalité. J’ai tout simplement joué le jeu, juste pour être dans la danse. Il faut cependant retenir que j’ai été élu pour le conseil régional.

Comment appréciez-vous le nouveau maire ?

• C’est un jeune frère. Nous nous sommes mutuellement respectés depuis notre jeune âge. Je suis certes plus âgé que lui, mais c’est un devoir pour moi de le supporter en conseils, et toutes les fois qu’il aura besoin de moi, je serai disponible.

Quelle a été l’ambiance qui a prévalu lors de la campagne ?

• Cool ! Il faut savoir que le CDP a pour pratique habituelle le centralisme démocratique, et qui est, selon ma compréhension, que le sommet décide et la base exécute. Il a sorti une directive qui consistait à avoir une séance préliminaire entre les différentes tendances du CDP pour n’avoir qu’un candidat par poste. Puisque nous sommes majoritaires, il n’était pas question qu’en salle d’élections il y ait plusieurs candidatures CDP pour un même poste. Nous avons donc eu à déblayer le terrain la veille. Il faut avouer que c’était ardu. Car ayant débuté nos concertations à 9 heures, nous n’avons terminé qu’à minuit. Mais tout s’est achevé à la grande satisfaction de tout le monde. Et la mise en place de l’assemblée du nouveau conseil le lendemain s’est passée sans aucun incident.

Avez-vous donc donné votre caution à Mahama Belemviré ?

• Absolument. Voulez-vous que je vous répète que c’est mon petit frère ?

Peut-on dire que c’est votre clan qui a gagné ?

• Non ! Le terme clan n’est pas convenable. Malgré mon ancienneté au CDP, car c’est en 1998 que j’ai quitté le PDP/PS pour rejoindre le CDP, je suis venu trouver Mahama Belemviré avec les fondateurs de l’ODP/MT reconverti en CDP. Ce dernier est donc plus « gradé » que moi au sein du CDP.

Avez-vous un appel à lancer au conseil municipal de Kaya ?

• Je souhaiterais que les uns et les autres sachent qu’ils sont de cette contrée. Qu’ils sachent qu’ils ont été élus pour une mission qui consiste à se sacrifier pour le développement de notre Kaya. Je les invite tous à s’y mettre sérieusement pour l’intérêt de l’ensemble de la population plutôt que de leurs propres intérêts.

Entretien réalisé par Hamidou Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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