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Filippe Savadogo, ambassadeur du Burkina à Paris : "Il s’agit d’une dynamique entreprise depuis une douzaine d’années"

Publié le jeudi 15 juin 2006 à 07h42min

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L’ambassadeur Filippe Savadogo

Le président du Faso, Blaise Compaoré, a séjourné du 29 mai au 5 juin 2006 en France. La visite du chef de l’Etat s’est prioritairement déroulée dans le pays profond où il a rencontré et échangé avec les acteurs de la coopération décentralisée. Son Excellence Filippe Sawadogo, ambassadeur du Burkina à Paris, dans l’interview qui suit, nous parle de la nouvelle forme de coopération que les deux pays entendent entretenir à l’issue de cette visite.

Sidwaya (S.) : Dans quel cadre se situe la visite du chef de l’Etat en France et que peut-on retenir succinctement de ce séjour ?

Filippe Sawadogo, ambassadeur du Burkina à Paris (F. S.) : Le voyage du président du Faso en France était une visite d’amitié et de travail qui s’est effectuée en priorité dans la France profonde afin de rencontrer les acteurs de la coopération non gouvernementale appelée communément "coopération décentralisée".

Mais il a séjourné aussi dans la capitale où, il a rencontré le président de la République française, Jacques Chirac, pour faire le point sur un certain nombre de questions intéressant l’Afrique et la France, le Burkina et la France et aussi la Francophonie. Il a assisté à la signature du document cadre de partenariat entre le Burkina et la France.

C’est donc un voyage qui se situe dans une dynamique que le président du Faso a entreprise depuis une douzaine d’années et qui consiste à jeter un regard croisé sur les acteurs de la coopération décentralisée une fois en France et une autre fois au Burkina, ce qui permet de faire le point des préoccupations et de consolider les acquis.

S. : La coopération décentralisée a été beaucoup évoquée durant ce voyage. Quelle est son importance pour le Burkina ? Y a-t-il des perspectives pour son élargissement à toutes les contrées du pays ?

F. S. : Bien souvent nous avons entendu dire que la coopération décentralisée, géographiquement, n’est pas dans toutes les régions du Burkina. Il faut savoir que la coopération non gouvernementale a une histoire. Tout est parti de 1973 où, à cause de la sécheresse, plusieurs associations et ONG sont arrivées au Burkina. Leurs premières préoccupations, c’était d’abord de donner de l’eau aux populations du Nord.

Ce qui naturellement a fait qu’elles ont jeté leur dévolu sur le Plateau central et le Nord, où beaucoup de personnes avaient tout perdu. Plus tard, il y a eu ce nouvel intérêt de la coopération décentralisée pour d’autres questions comme la bonne gouvernance, l’appui aux collectivités locales afin qu’elles puissent se prendre en charge... Ce qui fait que la création d’un ministère délégué aux Collectivités locales répond à la question que vous posez.

La création de ce département va permettre aux acteurs locaux des collectivités décentralisées, de prendre en charge pleinement leurs responsabilités et aussi, une déconcentration des structures de l’Etat afin d’organiser les provinces pour parvenir à une harmonie et un fonctionnement plus ou moins équitable.

S. : Un document cadre de partenariat a été signé au cours de ce séjour. Qu’est-ce qu’il va apporter de nouveau dans les relations de coopération entre le Burkina et la France ?

F. S. : En 2000 s’est tenue une session de la commission mixte entre la France et le Burkina. A cette occasion, on intégrait pour la première fois les associations à la dynamique de la coopération décentralisée dans les textes concernant cette nouvelle forme de coopération.

Nous sommes parmi les cinq premiers pays africains ayant des relations privilégiées avec la France, à signer ce nouveau cadre de partenariat qui est en fait régulé sur cinq ans. Donc de maintenant à 2010-2011, nous aurons une feuille de route avec des priorités définies par les Burkinabè et les Français.

S. : En termes chiffrés, quel est le montant de l’enveloppe et quels sont les domaines qui vont être prioritairement concernés ?

F. S. : Il faut d’abord parler des domaines prioritaires. Nous avons évidemment les infrastructures et la communication, la santé avec tous les aspects qui concernent les préoccupations liées au VIH/Sida, l’agriculture et de manière plus élargie, l’environnement. Ce sont-là les priorités auxquelles s’ajoutent l’éducation et les domaines transversaux que nous retrouvons autour des autres ministères.

C’est donc un cadre renforcé et en termes chiffrés, vous savez que c’est lorsqu’il y a une bonne entente et une bonne coopération que les choses peuvent aller de l’avant. Mais on peut déjà dire qu’il y a environ 300 millions d’euros qui vont être injectés dans cette coopération en ajoutant celle des autres pays du Nord qui œuvrent au Burkina.

La particularité de ce document cadre était de ne pas faire la même chose que les autres partenaires mais de définir des priorités en vue de laisser les autres questions à d’autres partenaires du Nord où d’autres institutions comme celles de Bretton Woods. En un mot, le domaine de la coopération, qui est devenu aujourd’hui multilatérale, doit comprendre des secteurs clés par pays et par institution, afin qu’il n’y ait pas ce qu’on appelle une abondance de préoccupations dans un domaine au détriment d’un autre.

S. : A combien peut-on estimer le nombre des Burkinabè de la diaspora en France et dans quels domaines exercent-ils ?

F. S. : Je dis souvent qu’il y a autant de Français au Burkina que de Burkinabè en France. Nous sommes évalués entre 4 000 et 5 000 âmes car il ne faut pas oublier qu’il y a les binationaux. Beaucoup de Burkinabè ont la double nationalité, et ils sont souvent comptabilisés en plus ou en moins. La plupart des Burkinabè qui sont arrivés en France il y a une trentaine d’années sont venus avec leurs patrons de la Côte d’Ivoire. Et le plus souvent, ils exercent dans les domaines de la cuisine, de maître de maison et enfin dans un dernier domaine qui est celui de s’occuper des affaires de ces personnes lorsqu’elles ne sont pas sur place.

Mais il faut retenir que la communauté burkinabè est à sa troisième génération. Vous avez constaté que la plupart des questions qui ont été posées à la rencontre avec le chef de l’Etat, l’ont été par des jeunes de très haut niveau. Ce sont des jeunes qui ont tous le niveau du troisième cycle. Ce sont aussi des jeunes qui ont de nouvelles préoccupations permettant de comprendre qu’ils n’ont pas oublié d’où ils venaient. Leurs parents qui sont arrivés il y a plus de trente ans ont surtout été, au départ malheureusement, analphabètes. Ce qui a été quelquefois un handicap pour eux. Mais il faut avouer que la communauté burkinabè en France est insérée dans le tissu social et professionnel français.

Ils travaillent tous, ont souvent une résidence secondaire ou un appartement. Ils sont assez bien côtés, et cela s’est vu parfois, par des distinctions qu’ils reçoivent, par les questions de sécurité qui, lorsqu’elles concernent les Burkinabè, sont moins typées que d’autres. Je dirai enfin que les Burkinabè sont éparpillés dans toute la France. Bien évidemment, il y a un grand nombre à Paris et ses agglomérations, mais nous en avons sur la Côte d’Azur, au Nord de la France vers Lille, nous en avons à Clermont, à Montpellier et d’autres régions.

Nous avons à peu près une trentaine d’associations qui sont en relations épistolaires avec l’ambassade. Ce qui fait que nous sommes toujours à leur écoute. Nous l’avons toujours dit, la première porte du Burkina c’est l’ambassade et nous sommes payés pour nous préoccuper de la communauté. Nous travaillons à résoudre leurs préoccupations afin de leur redonner confiance. Nous avons une liste de plus de 2 000 Burkinabè. Ce qui n’était pas possible avant parce que bien souvent, le manque de confiance amenait les gens à penser que nous voulions leurs fiches pour les identifier et les suivre pour d’autres objectifs.

S. : Vous êtes l’ambassadeur du Burkina en France depuis une décennie. Comment appréciez-vous l’évolution des rapports entre les deux pays depuis votre prise de fonction jusqu’à nos jours ?

F. S. : La feuille de route qui m’a été donnée, lorsque j’ai pris fonction, était évidemment de poursuivre et d’approfondir l’amitié entre les Français et les Burkinabè. Ce qui, dans le cadre de la coopération décentralisée, est un travail important que nous faisons avec la création d’une direction de la coopération décentralisée à l’ambassade depuis 1997. C’est aussi de consolider les relations politiques entre les deux pays à travers les questions liées au développement. C’est pourquoi l’aide publique au développement, qui reste importante est plus importante que l’aide non gouvernementale, est une question qu’on n’évoque plus, parce que tout fonctionne bien.

Nous avons également reçu pour mission, de faire en sorte que les hommes d’affaires français fassent du Burkina leur priorité. Vous avez vécu la rencontre du président du Faso avec les hommes d’affaires français. Ils étaient une soixantaine (nous avons refusé du monde) qui dès 8 heures étaient présents. C’est parce que le risque, au Burkina économiquement n’est pas important, et leur permet d’y investir sans se soucier à cause de la stabilité, à cause des répondants et à cause des critères qu’on met en exergue lorsqu’on veut faire des affaires.

S. : Comment Son Excellence meuble-t-il une journée de travail à l’ambassade ?

F. S. : Une journée de travail à l’ambassade est une journée d’au moins 14 heures dans la mesure où, bien souvent, les heures d’ouverture sont des heures que nous occupons à accueillir et à discuter avec les personnes qui arrivent, et Dieu seul sait que chaque jour beaucoup de personnalités arrivent du Burkina : des fonctionnaires et même des commerçants qui sollicitent parfois une aide urgente.

Le fait que la coordination des dix services de l’ambassade travaille en bonne intelligence et en parfaite harmonie, est une dynamique quotidienne au point qu’une lettre ne peut plus dormir dans les tiroirs à l’ambassade. Nous travaillons à répondre à toute personne qui nous écrit pour une préoccupation quelconque afin, de veiller à l’image du Burkina à travers la presse, les questions liées à la bonne gouvernance, les droits humains, le développement tout court.

Propos recueillis à Paris par Etienne NASSA
Envoyé spécial

Sidwaya

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