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Politique : La fièvre du nomadisme

Publié le samedi 10 juin 2006 à 08h44min

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Cyril Goungounga, démissionnaire de l’ADF/RDA

Depuis un certain temps, depuis que la flamme de la grogne s’est ravivée sur le front social, l’atmosphère politique du Faso paraît viciée, et les silences du président de tous les Burkinabè semblent avoir plongé le pays dans une rivière de rumeurs, d’incertitudes et d’intrigues diverses régulant l’existence des formations politiques...

Depuis la confection des listes de candidatures pour les élections municipales, la fièvre de la bougeotte a atteint un stade suffisamment chronique pour passionner l’opinion. Au Faso, le nomadisme politique s’est véritablement forgé un royaume très prospère. Une situation qui apporte plus d’incompréhensions qu’elle n’apporte de réponse à l’indispensable conjugaison des efforts dans l’objectif commun du développement.

Pour de nombreux militants plus en quête d’intérêts personnels que d’un avenir quelconque du pays, l’essentiel est de bien savoir tirer parti des failles constatées dans la direction des bureaux politiques pour prendre la ’’clé des champs’’. Ainsi a-t-on assisté à une certaine hémorragie au sein du parti majoritaire, hémorragie dont on n’a pas encore fini de mesurer les conséquences...

Si le phénomène de la pléthore de partis politiques est à déplorer parce que vecteur du virus du nomadisme, celui-ci n’est vraiment pas nouveau au Faso, où l’on pourrait même dire qu’il constitue le péché originel le plus regrettable que l’on ait connu, une tare que la classe politique burkinabè gagnerait à vite bannir de ses murs.

En effet, depuis l’apprentissage des Voltaïques à s’autodéterminer, des partis comme le RDA, le PRA, le MDP, le PSEMA, etc. ont connu leurs lots de tribulations et de transfuges. Du reste, le premier gouvernement ne s’est pas formé sans crocs-en-jambe et retournements de veste...

De nos jours, la notion de trahison en politique a-t-elle encore un sens ? Jamais il ne viendrait à l’idée de personne de considérer comme traître un homme politique qui aurait changé d’avis, voire de camp. En général, ce n’est pas lorsqu’ils ont mille raisons de le faire que des militants se détournent de leurs partis, mais lorsque l’expression de leur désaccord est de nature à leur rapporter quelque gain...

S’il est une affaire qui alimente en ce moment les débats, c’est le divorce du député Cyril Goungounga d’avec l’ADF-RDA dont il était l’un des vice-présidents.
De nombreuses questions se posent au sujet de cet homme dont on souligne l’efficacité professionnelle : il aura largement contribué à donner une vocation panafricaine à l’École nationale des régies financières du Burkina. Aura-t-il pensé qu’il payait inutilement les violons pour faire danser les autres ?

D’abord militant du parti majoritaire, l’homme l’avait quitté pour créer un parti dont le sigle rappelle curieusement ces jeux de hasard dont sont friands les Burkinabè. En effet, le PARI est né de cette rupture qui conduira ensuite à une alliance avec l’ADF-RDA, version Hermann Yaméogo, pour atterrir dans l’escarcelle de l’ADF-RDA formule Gilbert Ouédroago. Aujourd’hui, le PARI recouvre sa liberté en se défaisant de la trompe de l’éléphant...

De sources bien informées, pour certains cadres de l’ADF-RDA, cette rupture ne constitue guère une surprise, car, souligne-t-on, en politique il faut toujours se méfier des leaders qui se conduisent en apprentis marins, qui naviguent à vue. S’y attendaient-ils donc ?

Certains observateurs notent que le vernis de courtoisie politico-diplomatique perçu à travers la lettre de démission, que chacun a pu lire, n’empêchera pas la vérité d’éclater sur les raisons profondes et réelles de ce départ.
Cette démission passionne d’autant plus l’opinion que lors de la campagne pour la présidentielle de novembre dernier, certains écrits montraient déjà que l’harmonie s’écorchait dans l’univers des éléphants.

Pour les uns, il était normal - comme conseille ce proverbe français de « tendre la voile selon le vent » -, pour d’autres détracteurs et peut-être envieux inconscients du leader du PARI, le doute devait être de rigueur à l’égard de ceux-là pour lesquels les calculs de probabilités n’ont plus aucun secret.
Toutes ces opinions, pensons-nous, reflètent au moins une chose : l’importance que l’on accorde à la place des intellectuels dans la vie politique du pays, quoiqu’ils gagnerait plus à conjuguer leurs efforts pour parvenir à la création de blocs de réflexion, plutôt qu’à disperser leurs énergies...

Pourquoi sont-ce les ’’grands’’ partis ou ceux dits ’’importants’’ qui connaissent le plus de secousses politiques internes ? C’est une question à laquelle l’on n’a jamais jugé bon de trouver réponse, et pour cause : sous les tropiques, la gestion des partis incombe soit à un individu, soit à un cercle de fidèles d’un individu, ce qui laisse souvent peu de place à une démocratie interne

La récente défection, dans ce registre, est celle de Fidèle Hien de l’UNDD de maître Hermann Yaméogo. L’homme, dit-on, répondait parfaitement à son prénom et jouissait d’une certaine notoriété auprès des militants. Il s’en est allé, pour ’’convenances personnelles’’, a-t-il dit ! Chacun sait cependant ce que ce terme peut cacher d’ennuis, de rancurs et de déceptions...

Comme l’on pourra le constater dans un avenir très proche, l’épidémie du nomadisme gagnera de nombreux partis politiques. C’est dire que les Burkinabè ne sont pas du tout au bout de leurs surprises. Tout laisse à penser, en effet, qu’à quelques encablures des législatives chacun sera forcé d’ôter son masque et d’abattre ses cartes.

A. Pazoté

Journal du jeudi

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