LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

FITD 2004 : Contre la pauvreté par le théâtre

Publié le mercredi 18 février 2004 à 06h10min

PARTAGER :                          

Du 18 au 27 février 2004, se tiendra à Ouagadougou, la IXe édition du Festival international de théâtre pour le développement (FITD). Son directeur Prosper Kompaoré, nous situe sur l’enjeu de cette manifestation.

Sidwaya (S.) : Quel est le thème de cette IXe édition du FITD ?

Prosper Kompaoré (P.C.) : Il n’y a pas pour les éditions du FITD de thématique particulière au sens de thème autour duquel se feraient toutes les créations. Cependant, il y a toujours un thème spécifique sur lequel nous discutons. Nous allons avoir un colloque sur "Théâtre et lutte contre la pauvreté". Ce sera l’enjeu de cette édition. Une édition qui correspondra au 25e anniversaire de l’Atelier théâtre burkinabè (ATB) et au 15e anniversaire du festival, un grand rendez-vous pour tous ceux qui s’intéressent au théâtre pour le développement en Afrique mais aussi hors d’Afrique.

S. : Pourquoi ce thème spécifique ?

P.K. : Nous avons décidé de réfléchir sur ce thème parce que nous avons depuis longtemps, perçu l’intérêt stratégique du théâtre dans le processus de développement, notamment dans celui de la communication pour le changement social. Nous voudrons capitaliser l’ensemble des expériences qui ont été réalisées dans ce domaine afin de pouvoir présenter au public, aux différents partenaires, aux médias et aux autres ensembles artistiques, le fruit du travail que le théâtre accomplit dans tous les pays d’Afrique. Ceci, pour aider à améliorer le sort, la condition de vie des gens.

Aujourd’hui, nous constatons qu’au Burkina Faso, il y a beaucoup d’actions qui sont menées pour sortir de la pauvreté. Il y a des actions d’investissements, des réalisations diverses, des actions de sensibilisation et de communication pour le développement. Car, nous nous sommes rendus compte que pour que le développement s’enracine dans l’esprit, il faut que les populations soient d’abord sensibilisées, ensuite qu’elles s’approprient la finalité des actions de développement. Le théâtre et plus particulièrement le théâtre pour le développement, contribue de façon significative à cette action de sensibilisation.

Que l’occasion soit alors donnée à la fois aux partenaires (ONG, associations, institutions...) mais aussi à certains bailleurs de fonds, aux médias et décideurs de collaborer pour la bonne gestion du théâtre.

S. : Quelles sont les grandes innovations de cette édition ?

P.C. : Le fait de tenir une édition du FITD est déjà en soi une grande nouveauté. Pour cette édition, nous allons avoir une grande diversité d’ensembles artistiques venant de presque tous les pays de la sous-région (Togo, Bénin, Mali...) mais aussi de Centrafrique, du Cameroun, de la RDC...

Il y a aussi des ensembles artistiques venant d’Europe. Il y aura également des invités spéciaux du Canada, de la Grande Bretagne et probablement de la Palestine. En somme, nous avons près d’une trentaine de troupes, de compagnies théâtrales qui viendront d’environ 20 pays. Et 10 jours durant, ces troupes démontreront au public ce dont elles sont capables.

C’est le 1er volet appétissant pour que le public fasse le déplacement. Il y aura également des ateliers de création, des rencontres de discussion autour des spectacles que nous appelons "le cabaret théâtre", tous les soirs durant le festival. Beaucoup d’animations en musique et en danse sont prévues dans le programme. Nous ferons donc en sorte que cette période soit vraiment festive surtout avec des veillées récréatives thématiques et des nuits bien particulières (nuits de dérèglement total où les artistes feront des choses drôles).

Par ailleurs, la IXe édition du FITD englobe non seulement la dimension festive mais aussi, celle compétitive

En ce qui concerne ce dernier volet, il est prévu le CAPO (Concours artistique du primaire de Ouagadougou) qui va mettre en compétition pour la 3e fois, les ensembles artistiques des établissements d’enseignement primaire de la ville de Ouagadougou. Nous avons environ une centaine d’établissements qui vont y prendre part. Tous les matins durant le festival, les enfants vont donner des spectacles (musique, danse, théâtre, play black, art vestimentaire). Cette animation va drainer au moins 2000 enfants. Pour l’instant, au niveau des établissements, les élèves sont en train de s’activer pour avoir la meilleure participation lors de ce festival. Car il est prévu des prix conséquents.

Ainsi, tous les après-midi de 17h à 19h, environ 35 troupes vont compétir. Les meilleures seront désignées pour la finale. Il s’agit d’un concours international.

S. : Le théâtre forum contribue-t-il à la sensibilisation des populations ?

(P.K.) : C’est effectivement l’ATB qui a initié le théâtre forum au Burkina Faso. Et de nos jours, nous sommes fiers de constater qu’il est pratiqué par les gens sur tout l’ensemble du pays. Nous nous sommes appuyé sur les réalités culturelles de notre pays où le public n’est généralement pas passifs. Celui-ci a envie de dire ce qu’il pense. C’est pourquoi nous avons initié le théâtre-forum pour lui permettre de dire à haute voix ce qu’il pense sur scène. Aussi avons-nous voulu que le théâtre forum se repende sur tout le continent. C’est ainsi qu’à la faveur du FITD, nous organisons régulièrement les sessions de formation dans ce domaine à l’intention des nationaux et des non burkinabè. Nous avons même été dans plusieurs pays (Tchad, RCI, Togo...) pour initier des gens en théâtre forum. C’est un moyen de communication à la portée du public. Il permet aux populations de s’exprimer et de rechercher des solutions aux problèmes qu’elles vivent.

De cette manière, on peut, sans se tromper dire qu’il s’est implanté dans notre pays et a réussi à modifier le comportement de certaines personnes. Il a également donné le goût de la participation au débat à d’autres citoyens pour le développement de leur pays. Il a contribué quelque part, à une culture démocratique du Burkina Faso.

S. : Le IVe art connaît-il une certaine vitalité au Burkina Faso ?

P.K. : Le théâtre, tout comme les autres arts du spectacle doit faire face à un certain nombre de difficultés conjoncturelles liées à la situation économique et au développement des autres moyens de communication. Si bien que de nos jours, les arts du spectacle ont souvent du mal à avoir un public payant. Nul ne doute que le public d’une manière générale aime bien le spectacle. En témoignent les manifestations théâtrales que nous organisons dans les villages. C’est tout une foule qui se déplace pour les voir. Chaque spectacle forum draîne entre 500 à 1000 personnes. Quelles que soient les conditions, celles-ci suivent les spectacles. Cela, parce qu’ils leur procurent du plaisir. Le peuple aime donc le théâtre. Cependant, il n’accepte pas de débourser de l’argent pour voir un spectacle. Et cela constitue un autre débat, un autre enjeu. Il s’agit pour nous de sensibiliser les populations sur le fait que l’art nécessite que l’on mette les moyens pour pouvoir soutenir les artistes. De ce fait, chaque spectateur doit accepter de sortir 200, 300 ou 500 F pour aller voir un spectacle. Ce combat pourrait être gagné. Seulement, il ne s’agit pas d’une petite affaire surtout quand on sait que beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts.

S. : D’où viennent vos financements ?

P.K. : Nous faisons appel à la bonne volonté de nos partenaires qui n’hésitent pas à nous apporter un appui financier. Ce qui nous permet d’organiser nos différentes manifestations. Ainsi, le FITD est régulièrement soutenu par l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) mais également par un certain nombre de partenaires propres à l’ATB. Il y a aussi l’Etat qui nous soutient ; un soutien surtout moral.

Aïssata BANGRE
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel