LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Politique nationale : Conflit de "paternité" au CDP

Publié le mardi 23 mai 2006 à 06h08min

PARTAGER :                          

Les élection municipales du 23 avril dernier ont donné une large victoire au Congrès pour la Démocratie et le Progrès ( CDP. Si ce parti peut se satisfaire de cette victoire, il reste qu ’en son sein on assiste à une bataille de positionnement.

Ca y est ! La communalisation intégrale a pris forme avec les élections municipales qui viennent de sécréter ses conseillers municipaux et ruraux. Si la tenue régulière des élections était le seul indicateur pour apprécier l’effectivité de la démocratie, c’est sûr que le Burkina n’hésiterait pas à revendiquer « son » statut de pays à démocratie « haut débit ».

Malheureusement ou heureusement, c’est selon, la démocratie à l’image du développement humain s’apprécie sous le prisme de plusieurs indicateurs qui vont de la régularité des élections à la qualité de la gouvernance en passant par le degré d’épanouissement des populations.
Bref ! Les élections sont finies et la vie est censée reprendre son cours normal. Plus d’une quinzaine de partis politiques siégeront dans les différents conseils municipaux.

Encore une fois, le CDP est sorti vainqueur de ces consultations électorales, suivi de très loin par les partis se disant proches du Président Compaoré tels l’ADF/RDA et l’UPR. Ceux qui se souciaient de l’application effective du « Progrès continu pour une société d’espérance » du Président Compaoré peuvent avoir le cœur net. Parce qu’environ deux tiers des élus locaux qui siégeront dans les collectivités revendiquent d’avoir contribué à la victoire du candidat de la majorité et se reconnaissent par voie de conséquence dans ce programme. Point d’angoisse donc ! En principe !

Quant à l’opposition -en ce qui concerne son aile dite dure- ses composantes ont connu des fortunes diverses lors de ce scrutin. Il est vrai que tous ceux ou presque qui participent à l’animation de la vie publique ont réussi à engranger quelques sièges de conseillers au village comme en ville. Mais la moisson reste de loin insignifiante face à la récolte du parti du pouvoir et de celle de ses mouvanciers.

Pour l’opposition donc et même pour le pouvoir, l’esprit est désormais tourné vers l’avenir. De quoi demain sera-t-il fait ? Quel avenir politique la nature et les événements réservent-ils à telle ou telle structure, à tel homme et à tel militant ? Ce sont là autant de questions qui taraudent les uns et les autres. Pour certains, il est clair que le réalisme leur oblige à réduire leurs ambitions à l’échelle de la survie tandis que chez d’autres la bataille est celle pour le positionnement. Et cette dite bataille s’annonce rude et, particulièrement au niveau du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP).

Conflit de paternité ?

En effet, plus le temps avance, plus les ambitions se dessinent et plus les contradictions se révèlent. Et il y a des signes qui ne trompent pas dans le camp présidentiel.

Comme chacun sait, entre les différents cercles qui composent le régime, la logique de prépondérance qui y est instituée fait que les uns et les autres ne s’aiment que dans l’hypocrisie la mieux partagée. Ils y sont nombreux, les militants qui n’entretiennent entre eux que des relations d’adversité à peine voilée. Et cette guéguerre semble être permanente sur toute l’échelle soit de la base au sommet, soit du sommet à la base.

N’est-il pas du reste une certitude que ce qui se passe au niveau de la base n’est qu’une translation de ce qui se vit au sommet ? Et certains observateurs ont fini par se convaincre que la période post- municipale connaîtra une fébrilité particulière au niveau du méga parti qui, actuellement, a du pain sur la planche pour choisir ses maires pour les communes tombées dans son escarcelle.

Et comme presque toujours les choses commencent d’abord dans la presse, il ne serait pas inutile d’observer ce qui s’y écrit et qui s’y lit. « Nous avons senti une véritable pression. Les gens se sont réveillés un beau matin, parce qu’il y a la stabilité, le développement, la paix en se disant : " vous êtes fatigués, il faut débarrasser le plancher, pour que nous puissions prendre la place auprès de Blaise Compaoré, parce que nous sommes les nouveaux dignes et loyaux fils du président ". Ces gens-là oublient que Blaise Compaoré, c’est un compagnon de lutte. Nous ne sommes pas avec lui sur la base d’une ligne courtisane. Notre approche n’est pas de déifier Blaise Compaoré. Nous sommes avec lui dans le cadre d’un projet de société. Les courtisans n’aiment pas ce pays. Cette victoire est celle des cadres du parti, dont beaucoup travaillent dans le dénuement total. Mais ce sont des militants conséquents qui sont avec le parti depuis l’origine ». Extrait d’une interview de Salif Diallo, dans L’Evénementn° 91 du 10 mai 2006.

S’il était une évidence même pour les profanes que ceux qui se réclament de la mouvance sont guidés par des considérations plus souvent autres que le militantisme et la camaraderie, la chose en ait désormais plus qu’éclaircie entre les « courtisans » et « les camarades ».

Reste à savoir quelle est la proportion dominante ; mais les situations conflictuelles jadis latentes qui deviennent de plus en plus ouvertes ne manqueront de situer les choses d’ici là. Il y a des contradictions qui ne se cachent que très difficilement. Et celles-ci prennent une certaine allure lorsqu’elles ont trait à des partages de rôle et de responsabilité.

L’Evénement n° 91 a titré sa « Une », « Salif Diallo, l’artisan de la victoire du CDP ».
L’interview de Salif Diallo dans cette livraison semble avoir eu la réplique dans L’Hebdomadaire du Burkina (n° 369 du 12 au 18 mai 2006).

Pour L’Hebdo, la victoire du CDP s’explique autrement. Il s’insurge pratiquement du fait que « ... la force du parti majoritaire n’est pas vue par certains sous l’aura de son père spirituel ni même dans sa solidité organisationnelle dont le mérite revient aux qualités d’homme de consensus et de grande sérénité de son président, Roch Marc Christian Kaboré, mais plutôt dans l’agitation pusillanime de quelques-uns qui se croient devenus indispensables à l’équilibre du système ».
Y aurait-il un conflit de paternité qui opposerait des gens quelque part ?

On est davantage situé lorsque le journal précise : « Même parmi ceux qu’on prenait pour les plus avertis à la direction du parti, aiment à exhiber leurs pectoraux, leurs relations nationales et internationales, leur science politique innée qui les autorisent à décréter qui soutient vraiment le président Compaoré et qui n’est que vil courtisan ».
Y aurait-il de la suspicion dans l’air ? Rien n’est moins sûr !

La guerre deviendrait- elle ouverte ?

Ces différents extraits que nous avons mis en exergue campent bien, mais donnent surtout le ton de la situation qui prévaut au sein du CDP. On a bien l’impression qu’il y a un pugilat dans l’air et que les gens se « guettent » comme dirait l’autre. Et L’Hebdomadaire du Burkina (n° 369 du 12 au 18 mai 2006) qui est bien avisé d’indiquer : « "Et flatteurs d’applaudir" selon la fable, les animaux malades de la peste. Ici, c’est le vizir malade de la publicité. Celle qu’offre les grands évènements, occasion de grandes interviews où de petites questions intelligentes permettent à un héros solitaire de dire qui veut la peau de qui et à quel prix ? C’est ce qui s’appelle glisser subtilement des peaux de banane sous les pieds de l’adversaire.

Tant mieux si la glissade fait d’une pierre deux coups : la chute et les têtes qui se cognent. Par exemple celle du maire Simon Compaoré et celle du discret frère cadet du président que nous de la presse nous aimons à projeter en pleine lumière et de préférence sous aiguillonage "des camarades du président", zorros infatigables sans lesquels le CDP ne serait qu’un ramassis de courtisans ».

Les échéances électorales et les exigences de la politique accordant peu de répit à ceux qui se nourrissent d’ambitions, l’heure ne serait-il pas à la préparation pour les législatives de 2007 et surtout pour l’après Blaise (s’il n’y en aura ! !) ? Il ne serait donc pas étonnant qu’au niveau des différents clans et des coteries qui « accompagnent » le président actuel dans sa mission, les antagonismes s’accentuent au fur et à mesure que le temps passe.

Il ne serait également pas étonnant qu’on assiste d’ici là, à des pluies de tracts, à des épurations -au besoin à des « kafcidentages »- tout comme cela ne devrait surprendre personne qu’une structure de la taille et des méthodes de ce parti présente une telle configuration.
Sauf que comme le dit l’adage, lorsque des éléphants se battent ou font l’amour, c’est l’herbe qui en pâtit.

Par Bangba Nikiema

Bendré

P.-S.

Lire aussi :
Municipales 2006

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique