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Football : L’inconstance, le péché mignon de nos équipes

Publié le jeudi 18 mai 2006 à 07h47min

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Les résultats du sport burkinabè et singulièrement du football sont en dents-de-scie. Les techniciens appellent cela de l’inconstance. Il est difficile dans ces conditions de collectionner des lauriers.

« N’importe quel joueur peut faire de bonnes choses une fois, deux fois, trois fois, mais un bon joueur fait de bonnes choses tout le temps », disait un ancien entraîneur des Etalons. En sport, la constance est un élément cardinal dans l’obtention de bons résultats. Une équipe qui gagne en dents-de-scie ne peut réussir que des coups d’éclat.

C’est malheureusement une des caractéristiques de beaucoup d’équipes africaines en général et burkinabè en particulier. Si on se réfère à la courbe des résultats depuis une vingtaine d’années, le constat est clair. Il y a eu des grandes victoires comme la participation à la CAN98, et de grosses déceptions en se référant à l’incapacité des clubs à se faire reconnaître sur la scène continentale. Un tel vacillement soulève forcément beaucoup de questions.

Le championnat national

En lisant les résultats du championnat burkinabè depuis le retour de la poule unique, il est difficile de dégager des tendances positives dans l’évolution de la compétition afin de trouver des constances. Il est vrai qu’une équipe n’est pas un automate qui obéit à un tableau de commande. Elle est constituée d’hommes avec leurs qualités et leurs défauts. De la participation de chacun dépend le résultat. C’est justement pour ça que le management est indispensable, le staff technique étant la pierre angulaire.

A ce niveau, il y a une grande insuffisance dans les clubs burkinabè. Prenons l’exemple du recrutement. Quelle que soit la qualité d’un entraîneur, il ne peut obtenir de bons résultats que dans la durée, en sport, il n’existe pas de génération spontanée. Or des patrons de club ont la fâcheuse tendance de croire qu’il suffit qu’un technicien arrive avec sa renommée pour que les bons résultats tombent dès le prochain week-end.

Et même, s’il fait de bons débuts, le moindre faux-pas peut lui valoir quelques cailloux de la part des supporters, si ce n’est un rappel à l’ordre des dirigeants. Il est vrai que dans la recherche de la personne idéale, ils n’hésitent pas à mettre le prix. Des entraîneurs sont payés à 500 mille FCFA, voire plus avec voiture de fonction et logement.

C’est la loi du marché. Si bien que le nomadisme n’est plus du côté des joueurs. On connaît ce coach qui a officié dans trois clubs en trois saisons. Chaque fois, il est acquis au prix fort. Pour le talent, il est sûr qu’il en a, mais il n’est pas évident qu’il peut faire quelque chose de durable avec une telle instabilité. En une saison, il est impossible de bâtir quelque chose de solide.
Si au niveau national, on peut se débrouiller sur la scène internationale, il n’y a pas d’espoir de succès.

La présence durable d’un entraîneur à la tête d’une équipe est une condition indispensable pour le succès. L’Union Sportive de Ouagadougou (USO) donne un bon exemple d’acquis dans la durée. Le coach ghanéen Isaac ACQUEYE qui dirige l’équipe depuis quatre saisons a réussi à prendre ses repères et malgré la modestie des moyens du club, il s’est toujours classé dans le trio de tête du championnat.

Pour la campagne africaine n’eût été l’hémorragie subie par son effectif pendant l’intersaison (six titulaires sont partis), l’USO avait les moyens d’éliminer la modeste équipe de l’Espérance Sportive de Zarzis de Tunisie au tour préliminaire de la Coupe de la Confédération.

A l’inverse, le Rail Club du Kadiogo (RCK) qui a perdu son entraîneur à la fin de la saison malgré la qualité de son effectif n’a pas pu barrer la route de l’USM d’Alger au tour préliminaire de la Ligue des champions alors qu’il était au-dessus de cette équipe algérienne. Son coach ivoirien Aka Basile KOUAME n’a pas pu exploiter toutes les forces de son équipe. Le temps était visiblement bref pour faire le travail de fond nécessaire pour affronter une compétition aussi difficile que la Ligue des champions.

Le cafouillage avec les joueurs

L’inconstance des résultats est aussi une des conséquences de l’instabilité des effectifs. La mode au Burkina est le chamboulement des équipes à la fin de la saison. Des ténors du championnat ont balayé des formations entières pour les remplacer par d’autres sous prétexte qu’elles ne sont pas performantes.

Chaque joueur arrive avec ses qualités et ses défauts. L’entraîneur doit fondre onze ou dix-huit caractères, voire plus pour sortir une formation compétitive. Avec des joueurs qui jouent déjà ensemble, qui se connaissent la tâche est sûrement allégée parce qu’il y a des complicités qui existent déjà entre eux. Sur le terrain selon la situation, ils peuvent prendre des initiatives.

Mais si le groupe n’existe que depuis quelques mois, la méfiance et la peur de l’échec renferment les joueurs dans le carcan de l’entraîneur et si ça ne marche pas, le blocage est total et bonjour la défaite. Les patrons de clubs doivent savoir qu’une équipe ne peut se bâtir que sur la durée. La meilleure façon de le faire, c’est d’avoir une formation performante.

Non seulement vous avez le temps de faire le travail technique dans le sens que vous voulez, mais surtout d’inculquer aux jeunes l’esprit du club. Comme les entraîneurs, on ne peut pas attendre une bonne prestation d’un joueur que sur la durée. Si on le recrute à peine deux mois et on attend de lui des exploits, ce n’est pratiquement pas possible.

Cela d’autant qu’il a besoin de s’adapter au milieu, de prendre ses repères afin de bâtir la confiance qui lui est indispensable pour son expression sur le terrain.
Pendant la décennie 90, un des grands de la capitale a recruté un grand attaquant ivoirien à soixante-douze heures du classique EFO-ASFA-Yennenga. Malgré les qualités individuelles qu’il a montrées, le sauveur annoncé est passé à côté du sujet. Mais il est devenu plus tard la terreur des défenses après son adoption.

Des exemples à suivre
Si le Kadiogo FC de Ouagadougou et les Silures de Bobo-Dioulasso faisaient peur en Afrique dans les années 70 c’est parce qu’ils avaient su garder des effectifs stables qui produisaient des résultats constants. Les éléments provenaient de différents clubs (c’était des équipes régionales), mais le fait de jouer les coupes africaines ensemble et régulièrement les avaient donnés des qualités de club.

Jusqu’à présent, il est facile de ressortir le onze majeur du Kadiogo qui a atteint les demi-finales de la Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupe en 1978 après avoir éliminé le grand Ashanti KOTOKO de Kumasi et ses Stars Karim Abdoul RAZAK, Opoku AFRIYE, Opoku NTI...
Gardien : Laurent OUEDRAOGO
Défense : Adama OUEDRAOGO Gaucher, Célestin NIKIEMA, Mathias NANA alias Kolo national, Modeste Dah SIERRA,
Milieu : ZOMA Kuiliga, Antoine OUEDRAOGO, Guy YAMEOGO, Joseph YAMEOGO, Hubert HIEN...
Attaque : Joseph KABORE dit SAP Olympic, Emmanuel OUEDRAOGO dit Manu, etc.

On les aurait oubliés si leur passage avait été caractérisé par de mauvais résultats ou s’ils avaient fait long feu.

Pour le présent, il y a l’exemple du Milan AC ce grand club européen qui est d’une régularité déconcertante sur la scène internationale. Toujours présent dans le dernier carré de la Ligue européenne des champions, elle est une des équipes les plus stables du vieux continent. Sa défense composée de Alessandro NESTA, Alessandro COSTACURTA, Marcos EVANGELISTA de Moraes dit Cafu, Paolo MALDINI est en place depuis 2003. Elle est aussi en âge la plus vieille du championnat italien et de la Ligue des champions avec 40 ans pour COSTACURTA, 37 pour MALDINI, 36 pour Cafu et 30 pour NESTA.

Si c’était au Burkina, il y a longtemps qu’ils ont été envoyés sur les gradins pour cause de « vieillesse ». Mais le staff du Milan AC a décidé de ne pas recruter des défenseurs pour la saison prochaine en plaçant sa confiance à ces joueurs. C’est la preuve que la stabilité de l’effectif participe de la constance des résultats qu’obtient une équipe.

Si on revient dans le championnat burkinabè actuel, il est difficile de parier sur une équipe pour les résultats qu’elle va produire. Même quand le leader rencontre la lanterne rouge, les supporters vont au stade la peur au ventre. Ce qui n’est pas normal. Selon les techniciens, il est très difficile de gérer une compétition dans ces conditions.

« Dès la réception du calendrier du championnat, a dit un entraîneur, vous faites une évaluation des points que vous pensez obtenir en mettant les résultats probables des matchs. Cela permet de situer à peu près votre place en fin de compétition ». « Normalement, poursuit-il, cette projection doit se réaliser à au moins 70% compte tenu de l’impondérabilité du football ».

Mais si on doit disputer tous les matchs avec les mêmes propensions d’échec et de réussite, il est difficile de gagner quoi que ce soit.
Le sport reste une œuvre humaine donc imparfaite, il est néanmoins possible d’adopter des méthodes qui satisferont aux exigences de la haute performance si on veut être parmi les meilleurs.

Par Ahmed Nazé

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