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Passoré : L’argent de Oumarou Kanazoé sauve le CDP

Publié le mardi 16 mai 2006 à 08h40min

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Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) triomphe dans la province du Passoré grâce au suffrage des villages. La victoire du parti au pouvoir a été une conjugaison des moyens financiers déployés lors de la campagne et du soutien des femmes au député Fatoumata Diendéré. Les résultats des urnes laissent un arrière goût amer.

Que va-t-il se passer dans les jours à venir ? Règlement des comptes ? Vengeance des vainqueurs ? Entente cordiale pour désamorcer la bombe ? Fatou Diendéré savoure sa victoire des élections municipales du 23 avril 2006 avec beaucoup de zèle. Les autres partis de l’opposition analysent leur défaite.

La touche du milliardaire Kanazoé

Le plus difficile pour les perdants et les gagnants est la solution du comment travailler en parfaite intelligence après une bataille électorale sans merci. Dans la commune urbaine de Yako, on a eu un duel de deux co-épouses pour le même mari, le président du faso, Blaise Compaoré : le Congrès pour la démocratie et le progrès et le Réveil démocratique des masses. Tous pour la mise en œuvre du « progrès continu pour une société d’espérance » Mais à chacun son Blaise Compaoré. Douze partis politiques vont à l’assaut du siège de Kouka Nanéma, le maire sortant. La compétition se résume à un duel entre le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et son principal challenger le Réveil démocratique des masses (RDM). Le verdict des urnes montre une neutralisation des deux grandes forces en présence dans la ville de Yako.

Le RDM a eu un léger ascendant en matière de suffrages exprimés. Mais l’attribution des sièges à la plus forte moyenne donne sept conseillers municipaux à chacune des deux formations politiques. Cette égalité s’analyse sous deux prismes. Dans la nouvelle organisation des collectivités territoriales, la commune urbaine de Yako se compose des sept secteurs de la ville et de quarante villages. Cette configuration territoriale fausse les pronostics. Annoncé comme probable vainqueur dans la commune urbaine, le Réveil démocratique des masses de Eugène Diendéré réalise un score appréciable en milieu citadin.

Le Congrès pour la démocratie et le progrès piloté par le superviseur de Fatou Diendéré, contraint au nul dans la ville de Yako, prend de l’avance sur son rival dans les villages. La victoire du parti au pouvoir est à mettre en partie sur l’action du richissime homme d’affaire Oumarou Kanazoé. Il met à la disposition de la direction de la campagne des moyens financiers conséquents. Mobilisation des cars de la ville, distribution des vivres dans les villages, promesse de démarrage des travaux ont changé les intentions de vote des populations villageoises.

La vérité des urnes donne 58 sièges au CDP et 36 au RDM. La position de la chefferie traditionnelle durant la campagne électorale a exacerbé les luttes pour la conquête des communes. Deux garants de la tradition ont connu la même fortune : l’échec. Sa majesté Naaba Sigri a longtemps entretenu un mythe autour de son appartenance politique. Lors des cérémonies coutumières d’avant les municipales, les leaders de la localité ne manquaient pas le rendez-vous. Chaque parti politique comptait sur la bénédiction de sa majesté.

Ce capital de sympathie s’est volatilisé durant la campagne municipale. Sa majesté Naaba Sigri s’affiche comme un militant du Réveil démocratique des masses (RDM). Il pose un acte mémorable. Le jour du lancement de campagne du parti au pouvoir (2 avril 2006), il convoque les chefs de cantons à son domicile. Selon un politicien très proche du chef, « la réunion avait pour but de dire aux chefs coutumiers qu’il soutenait le RDM ». On parle de tentative de sabotage de l’ouverture de la campagne du CDP dans le Passoré.

Le président Sankara règne à Bokin

Cette option du chef va entraîner un changement à la direction des opérations de vote. Le président de la CENI Moussa Michel Tapsoba démet le chef traditionnel de ses fonctions de président de la Commission électorale provinciale indépendante. Cette décision affaiblit la notoriété du chef aux yeux de ses sujets. Ce qui peut expliquer l’échec électoral du RDM dans certains villages. Le chef de Téma Bokin a subi une défaite sur son territoire. Il n’a pas pu empêcher les populations d’accorder leurs suffrages à la Convention panafricaine sankariste (CPS) de Ernest Nongma Ouédraogo. L’opposant au régime de Blaise Compaoré confirme qu’il est le prophète de l’opposition sur la terre natale du président du faso Thomas Sankara en prenant les rênes de la commune rurale.

Les deux échecs des notabilités traditionnelles font penser à une évolution des mentalités en milieu rural. Les populations ont voté en fonction de leurs intérêts immédiats ou lointains. Deux batailles pointent à l’horizon. Il s’agit de l’élection du maire de la commune de Yako. Mathématiquement, le parti au pouvoir devrait contrôler la gestion communale avec 58 conseillers. Cependant, les tractations politiques laissent entrevoir une mince chance au parti de Eugène Diendéré. Parviendra-t-il à débaucher certains conseillers élus sous la bannière de CDP ?

La commune rurale de Arbollé fait également l’objet de toutes les convoitises. Les urnes ont donné les résultats suivants : CDP : 25 ; RDM : 14 ; l’opposition : 18. Une coalition entre le RDM et l’opposition mettra en minorité le parti au pouvoir. Cependant, cinq conseillers du RDM se sont rangés dans le CDP lors du meeting de remerciement du 27 avril 2006. Seul le vote secret du maire de la commune de Arbollé permettra de départager le parti au pouvoir et son opposition. La gestion des communes dans le Passoré ne sera pas une partie de plaisir.

Lors de la campagne électorale, on a confondu les moyens de séduction des électeurs et les capacités de nuisances verbales et psychiques de l’adversaire. Le discours de mobilisation de l’électorat comportait un écart de langage. Il suffit d’écouter les propos des vaincus et des vainqueurs pour mesurer les blessures nées de la propagande politique. Les dérapages de langages se rangent dans l’actif de la manipulation des jeunes par les forces politiques. Les jeunes aujourd’hui indexés sont le reflet de la pensée de leurs maîtres. Les leaders politiques prônent l’apaisement. Mais dans la réalité les positions sont tranchées.

Bannir le discours sexiste

Des échanges avec un groupe de vainqueurs, il est ressorti que certaines personnes seront contraintes à quitter la ville. La manière n’a pas été précisée. On cite le nom de ce jeune du camp rival qui s’est distingué dans la diffamation de certains hommes politiques. Si cette menace venait à être mise en exécution, le pire risque de se produire. On quittera le terrain politique pour glisser sur un terrain politico-coutumier aux conséquences imprévisibles. Il paraît qu’on a évité de justesse l’affrontement le 27 avril dernier. Les militants d’un parti politique avaient suggéré de huer sa majesté Naaba Sigri. La sagesse des organisateurs a pris le dessus sur les velléités de vengeance des militants. Chaque acteur politique connaît les rapports de force en présence dans la province du Passoré. Il revient aux différents partis de lire les résultats et de s’accorder sur une plate- forme minimale pour le développement de cette localité du Burkina faso.

La gestion politique ou administrative des collectivités territoriales ne suffit pas. Pour certains sujets, il faut nécessairement un consensus entre les garants de la tradition et les autorités administratives. Une idée de rencontre entre les leaders politiques, les chefs traditionnels, les autorités, les responsables de la société civile et les opérateurs économiques pour diagnostiquer le mal qui ronge la province peut être envisagée. Elle peut déboucher sur une réconciliation des fils de cette province.

Si chaque acteur s’accroche aux résultats du scrutin, on maintiendra un équilibre de terreur sans apporter des solutions aux attentes des populations. Les communes rurales et urbaine du Passoré ont besoin des énergies de toutes les forces politiques pour se développer. Une démarche de rapprochement des forces politiques de la province suppose un bannissement du discours ethnique et sexiste. Il faut faire l’économie des raccourcis dangereux qui peuvent menacer la cohésion sociale.

La valeur d’une personne ne se trouve pas dans sa masculinité ni dans sa féminité. Elle se remarque dans sa capacité à apporter des solutions aux problèmes des populations à la base. La famille demeure le socle social. Aucune valeur politique ne peut remplacer valablement les liens familiaux. Les idéologies politiques s’effritent, et parfois s’écroulent comme un château des cartes en fonction des époques. Mais la famille reste et restera quelles que soient les intempéries et les vicissitudes de la vie sociale et politique. La page des élections municipales sera bientôt tournée avec la proclamation des résultats définitifs par les instances compétentes.

La province du Passoré regorge du capital humain pour poser les bases d’un consensus politique autour des questions du développement. Espérons que la chefferie traditionnelle et les acteurs politiques feront un sursaut d’orgueil pour dépasser les clivages politiques dans l’intérêt des populations. Les règlements des com ptes et la vengeance déboucheront certainement sur des crises profondes.

Arzouma Kiéma


« Avez-vous des choses à cacher ? »

Sur le chemin du retour de la capitale du Yatenga, un confrère de la Radio Savane et nous avons effectué un détour au secrétariat du député Fatoumata Diendéré ou au siège du Congrès pour la démocratie et le progrès le lundi 24 avril 2006. L’objectif de l’escale était d’avoir les premières lectures des résultats du scrutin municipal dans le Passoré. Madame le député nous a accordés un entretien fort enrichissant. Dans nos relances, le député Fatou Diendéré nous pose la question suivante en rapport avec le RDM. « Avez-vous des choses à cacher ? » Notre réponse a été claire. Nous sommes apolitiques. Le langage de l’élue du peuple était direct.

Pour lever toute équivoque, nous voulons rassurer le député que nous ne sommes ni RDM ni du CDP. Pour des besoins purement professionnels, nous entretenons des rapports de respect avec certains leaders politiques. Il se peut que dans nos analyses nous arrivions à des conclusions qui arrangent un bord politique. C’est une simple coïncidence. Dans notre démarche de production de certains genres rédactionnels, nous mettons un point d’honneur sur le respect de l’équilibre dans la collecte de l’information.

Arzouma Kiéma

L’Indépendant

P.-S.

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Municipales 2006

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