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BAD : Agents licenciés, droits impayés

Publié le lundi 15 mai 2006 à 07h56min

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Donald Kabéruka

La Banque africaine de développement (BAD) a mis fin au contrat de certains agents le 29 novembre 2003, suite à sa délocalisation d’Abidjan à Tunis. Mais les personnes licenciées ont du mal à percevoir leurs droits. C’est du moins ce qu’affirme le président du Collectif des agents de la BAD licenciés abusivement (CABLA), Adama Touré.

Environ 200 personnes de 14 pays sont, dit-il, concernées par cette situation. Dans cette interview, M. Touré décortique le problème et lance un vibrant appel au nouveau président de la Banque.

"Le Pays" : Pourquoi avez-vous été licenciés ?

Adama Touré : La direction de la BAD ne nous a signifié aucune raison sur papier. Nous supposons que c’est à cause de la délocalisation de la Banque de la Côte d’Ivoire en Tunisie, consécutive notamment à la crise ivoirienne.

Vos droits ont-ils été payés ?

Nous étions régis par une "directive présidentielle" signée par le président Omar Kabbaj. Mais il y a eu une application discriminatoire de cette directive. En effet, une partie des personnes concernées par cette disposition n’a pas été licenciée. Tout porte donc à croire que ce n’était pas correct. Même ceux qui ont travaillé à la BAD au-delà de 12 mois, ont été mal traités en termes de droits dans la mesure où la direction n’a pas reconnu le nombre d’années effectuées après ces 12 mois. Certes, certaines dispositions de la directive ont été appliquées mais en termes de droits réels, nous n’avons rien perçu de façon conséquente.

Avez-vous à ce sujet saisi la direction de la BAD ?

Nous avons entamé le recours gracieux. Nous avons d’abord écrit au président de la BAD à l’époque, Omar Kabbaj. Nous avons ensuite saisi le vice-président chargé des ressources humaines, Ousmane Kane, puis le comité d’appel de la Banque. Ils nous ont tous dit que nous n’étions pas membres du personnel. Nous avons alors saisi le tribunal administratif de la BAD, mais jusqu’à ce jour, nous n’avons pas eu de réponse. C’est pourquoi nous sommes allés devant le tribunal de première instance d’Abidjan. Mais la Banque a brandi l’immunité absolue de juridiction pour nous empêcher d’agir sous prétexte qu’aucun tribunal local n’est compétent pour la citer à comparaître.

On nous a alors indiqué la voie des Affaires étrangères. Nous y avons déposé une plainte. Parallèlement à cette voie diplomatique, il faut que les acteurs politiques, notamment les chefs d’Etat des pays membres de la BAD, dont les ressortissants sont concernés, s’impliquent afin qu’une décision soit rapidement trouvée pour mettre fin à cette injustice.

Combien d’agents sont-ils concernés par cette situation ?

Environ 200 personnes en provenance de 14 pays. Mais le Collectif que je dirige en compte 54. Certains n’y ont pas adhéré pour des raisons qui leur sont propres. Cependant, tout être humain a le droit d’ester en justice par rapport à des préjudices subis.

Qu’attendez-vous concrètement des assemblées annuelles de la BAD à Ouagadougou ?

C’est la tenue de ces rencontres qui justifie notre intervention. Nous n’allons pas jouer aux fauteurs de troubles pendant les assemblées de la BAD. Nous sommes venus bien avant la rencontre pour solliciter l’inscription de la situation des déflattés à l’ordre du jour, auprès des autorités compétentes, notamment le ministre Seydou Bouda, président du Conseil des gouverneurs. Mais malgré nos sollicitations, ce dernier ne nous a pas reçus. Le ministre Bouda nous a boudés.

Nous souhaitons vivement qu’une solution définitive soit trouvée au cours de ces assemblées annuelles de la BAD. Le nouveau président de la Banque, Daniel Kaberuka, nous avait reçus à Abidjan, et attend certainement la rencontre de Ouagadougou pour se prononcer.

Que comptez-vous faire si vous n’obtenez pas gain de cause ?

Nous n’allons pas dévoiler toutes nos stratégies. Mais il va de soi que nous pourrions utiliser d’autres moyens pour aboutir à nos fins. Quand il est question de droits, nul n’est au-dessus de la loi. On peut même poursuivre un chef d’Etat. Si les assemblées générales actuelles de la BAD ne nous donnent pas satisfaction, nous utiliserons d’autres cartouches.

Y a-t-il un autre aspect que l’on n’a pas abordé et qui vous tient particulièrement à coeur ?

Nous sommes vraiment indignés de voir que la BAD, instrument puissant de développement, n’arrive pas à trouver rapidement une solution à la misère dans laquelle des agents qui ont loyalement servi, vivent aujourd’hui. Cela nous choque énormément. Cependant, nous saluons le geste du nouveau président de la BAD, Daniel Kaberuka. Il a accepté de nous recevoir à Abidjan et de nous écouter. Cela nous a beaucoup soulagés. Nous le remercions infiniment. Notre intervention ne vise pas à salir la Banque. Nous voulons simplement rappeler que nous existons et qu’il est impératif de trouver une solution définitive à notre problème.

Que vous a promis le nouveau président de la BAD ?

Il n’y a pas eu de promesses concrètes. Quand vous êtes à ce niveau de responsabilité, chaque mot que vous prononcez pèse lourd. Le président nous a simplement dit qu’il a bien compris notre situation et qu’il allait nous répondre incessamment. Nous nous disons qu’il prend le temps de bien maîtriser le dossier. Et de voir dans quelle mesure on peut soulager la souffrance de ces pères et mères de familles qui vivent actuellement des moments très difficiles. Le président Kaberuka a fait un geste formidable. Nous lui disons merci et espérons vivement qu’il continuera dans ce sens.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK


Préjudices subis

Le Collectif des agents de la BAD licenciés abusivement (CABLA) égrène ici ses misères.

1 - Préjudice moral, psychologique et physique

Conformément aux règles contenues dans les codes du travail et les différents règlements en la matière, l’employeur devrait avoir un entretien préalable avec l’employé afin de le préparer à un licenciement éventuel.

En ce qui nous concerne, ces principes n’ont pas été respectés, car nous avons été informés par e-mail du représentant résident, le vendredi 28 novembre 2003, en fin d’après-midi, que nous devrions participer à une réunion avec lui et un émissaire du département des ressources humaines dépêché en Côte d’Ivoire. Et c’est au cours de cette réunion, le samedi 29 novembre 2003, que nous avons su qu’il venait nous annoncer la rupture définitive de notre contrat de travail avec la BAD. Vous imaginez l’impact d’une telle décision brutale et inhumaine, annoncée un jour non ouvrable et à quelques jours des fêtes de Noël et de nouvel an !

Beaucoup d’entre nous, pères et mères de famille n’ont pas pu résister et supporter le choc ; certains se sont retrouvés hypertendus, et le lendemain dimanche, nous étions contraints de partir de la Banque, car le jour suivant (lundi 1er décembre), nous n’avions plus droit d’accès à la Banque.

En plus, notre assurance santé avait été supprimée par la Banque avant la période de préavis.

Pire encore, certains agents temporaires, qui ont eu la "chance" d’être relocalisés en Tunisie, ont vu leur espoir de recrutement s’évanouir suite à la rupture brutale de leur contrat suivi de leur rapatriement sans la prise en charge des frais de dédouanement de leurs effets personnels.

2 - Préjudice financier

- Le mois de salaire prévu en lieu et place du préavis n’a pas été versé immédiatement

- Les primes de sécurité rattachées aux salaires n’ont pas été prises en compte sur le mois de préavis

- Le décompte des droits n’a pas tenu compte de ces primes ainsi que de la durée exacte du nombre d’années et de mois de services passés à la Banque

- Application discriminatoire de la directive présidentielle concernant le mois de congé sans solde : les agents temporaires d’Abidjan ont été frappés par l’interruption obligatoire d’un mois de congé sans solde contrairement aux agents temporaires relocalisés en Tunisie et aux agents de sécurité restés à Abidjan (cf. le prescrit de la directive présidentielle régissant la catégorie des agents temporaires) ;

- Application discriminatoire de la rupture des contrats

- Les années antérieures à la directive présidentielle ont été régies par celle-ci pourtant signée et mise en application à partir de juillet 2002. A notre sens, les contrats antérieurs à cette directive devraient être régis par le code du travail du pays hôte puisque signés sur le plan local suivant le principe qui dit que la loi du lieu régit l’acte (ou l’acte est régi par la loi du lieu)

- Il a été demandé au personnel temporaire ayant des enfants de remplir les fiches de prise en charge pour l’achat des cadeaux de fin d’année ; (comme cela se faisait habituellement). Mais à notre grande surprise, ces primes n’ont pas été versées

- Rétention arbitraire, unilatérale et non justifiée d’une somme de 100 000 F CFA

- Erreur dans le versement des décomptes prévus (à ce jour, certains de nos collègues n’ont pas perçu la totalité de leurs droits)

- Droits insuffisants et mesures sociales inexistantes et injustes (annoncées sur TV5 par le président de la banque), ne permettant même pas à certains non Ivoiriens de regagner leurs pays respectifs ;

- Perte d’opportunités suite à l’interdiction de la BAD à l’endroit du personnel temporaire maintenu au siège, de chercher une situation permanente ailleurs. Dans un contexte de guerre où il n’y a pas d’opportunités d’emplois, ceci a représenté des pertes financières inestimables.

Source : Collectif des agents de la BAD licenciés abusivement

Le Pays

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