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Municipales 2006 : le marché des conseillers est ouvert

Publié le lundi 8 mai 2006 à 09h15min

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Sauf report de dernière minute, c’est en principe aujourd’hui, sur le site du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), que la Commission électorale nationale indépendante procédera à la proclamation des résultats provisoires des élections municipales du 23 avril 2006.

Il reviendra ensuite, et comme il se doit, au Conseil constitutionnel de livrer le verdict final. Mais quand on voit déjà l’ADF-RDA débouté à Ouahigouya, l’UNDD à Koudougou, un collectif de 7 partis à Bobo... qui se plaignent tous des fraudes dont ils accablent le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), on se doue bien, nonobstant les inévitables et habituels ajustements des grands juges, que l’issue ne sera pas fondamentalement différente des grandes tendances publiées par les médias depuis deux semaines.

Grosso modo, on le sait, la majorité, la seule à s’être présentée dans les 351 communes urbaines et rurales demeure maître en ville et au village, même si, par endroits, elle est bousculée par de petits ou jeunes partis, véritables surprises de ce scrutin. Ainsi, du RDB à Koubri, Banfora, Gaoua, de l’UPR au Centre-Est, du RDM au Passoré, etc.

D’autres chapelles politiques, pourtant parmi les plus vieilles du pays, telles le GDP d’Issa Tiendrébéogo, le MTP de Nayabtigungu Congo Kaboré, dans une moindre mesure le FFS de Norbert Tiendrébéogo ont, enfin, un mandat électif. Ce n’est pas trop tôt et il vaut toujours mieux commencer par la base de la pyramide pour espérer atteindre un jour le sommet.

Mais, la plus grosse déception de ces élections de proximité, sous réserve de confirmation, semble être le PDP/PS qui, au regard de son assise nationale, de l’envergure de son ancien président et icône, Joseph Ki-Zerbo, de l’aura de son nouveau patron, Ali Lankoandé, et des cadres dont il regorge était en droit d’espérer une meilleure représentation locale.

Mais quand on le voit inexistant ou méconnaissable jusque dans les fiefs de ses gourous comme à Toma chez Ki-Zerbo, à Boussouma chez le Dima, à Fada chez le boulanger, à Koudougou chez Henri Guissou, à Tenkodogo chez Sébastien Zabsonré, il y a comme un air de déclin susceptible d’apporter de l’eau au moulin des rénovateurs du parti cacochyme.

Cette élection où l’équation personnelle des candidats n’était pas le moindre des atouts aura aussi permis à ceux qui ne représentent rien ou pas grand-chose mais qui ont des ambitions inversement proportionnelles à leur assise, et qui réussiraient même le tour de force de se faire battre dans leur propre famille nucléaire, de se rendre compte qu’une élection ne se gagne pas dans les colonnes des journaux à coups de déclarations et d’incantations certes bien tournées, mais qui ne valent pas toujours leur pesant de voix. Espérons seulement qu’ils se la jouent modeste à l’avenir, même si ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit.

Cela dit, s’il y a quelque chose de répugnant dans ce scrutin dont on n’a pas fini de tirer tous les enseignements, c’est le spectacle auquel on a assisté la semaine dernière à Arbollé dans le Passoré. En effet, la CENI n’a pas encore livré le secret de ses dépouillements que 5 "conseillers" élus sous la bannière du Réveil démocratique des masses (RDM) décident de rejoindre le CDP avec armes et bagages.

Tels des trophées de guerre, les sieurs Rasmané Dianda, Bruno Salou, Kouka Salou, Inoussa Dianda et Koudaogo Salou ont ainsi été exhibés au cours d’une cérémonie organisée sous la houlette de Fatou Diendéré, pour fêter leur victoire.

Si ce n’est pas honteux ! Dans cette commune rurale, le parti de Roch Marc Christian Kaboré était crédité, rappelons-le, de 25 sièges contre 14 au RDM, d’autres formations se partageant les 18 postes restants, du futur Conseil municipal, qui en comptera 57. Avec ces ralliements, le CDP se retrouve donc avec 30 conseillers contre 9 au RDM, et, à ce qu’on dit, la saignée n’est pas terminée puisque ce week-end on faisait état de la montée à la soupe d’une autre fournée, de 6 élus.

Tout semble donc indiquer que la bande à Fatou veut se mettre à l’abri de toute mauvaise surprise, car les autres conseillers étaient susceptibles de s’allier aux hommes d’Eugène Diendéré pour s’assurer le fauteuil de maire. Les CDPistes n’ont donc pas hésité à violer le suffrage populaire, qui vient à peine d’être exprimé.

Et, savez-vous, bonnes gens, ce qu’ils avancent comme argument pour partir vers les prairies luxuriantes du pouvoir ? Ils auraient tout simplement été abusés, car un Diendéré pouvant en cacher un autre, ils auraient pris l’ancien patron de l’AMVS, Eugène donc, pour Gilbert, le chef d’état-major particulier du président du Faso et, dans le civil, époux de Fatou.

Et depuis tout ce temps, c’est seulement maintenant qu’ils s’en rendent compte. De qui se moquent-ils à la fin, ces bougres qui insultent l’intelligence de leurs électeurs ? car s’ils ne peuvent même pas distinguer leur gauche de leur droite, ils ne méritent pas d’être conseillers.

Finalement des vendus et des acheteurs on ne sait pas qui est plus minable que qui. La décence, voire la prudence, aurait d’ailleurs commandé que les parties prenantes de ce deal nauséabond attendent au moins la proclamation des résultats avant de conclure. Mettons, par exemple, que les structures compétentes annulent le scrutin dans les circonscriptions où ces messieurs ont été élus, car en fait, ils ne sont pas encore conseillers, du moment que leur mandat n’a pas été dûment validé.

Les acheteurs, et ce serait bien fait pour leur gueule, se trouveraient, dans ce cas, Gros-Jean comme devant pour avoir acheté un poisson dans l’eau ou, si vous préférez, un conseiller dans l’urne.

Arbollé a donc ouvert officiellement le marché des conseillers et pour sûr, ailleurs, des marchandages du genre battent leur plein pour débaucher des élus pas trop difficiles en vue d’avoir ou de conforter sa majorité au cas où... A Koubri, le RDB se sent ainsi menacé par le pouvoir d’achat du CDP et à Gaoua, Banfora, Louis Arnaud Ouali et Mamadou Koné sont sur leurs gardes.

Mais, quand va-t-on se décider à trouver une solution définitive à ce nomadisme politique qui fausse le jeu démocratique ? Des députés qui migrent vers Doumbélane après avoir été élus sous la bannière d’un autre parti impécunieux, des conseillers qui fuient avant même d’avoir été reconnus comme tels... il ne manquerait plus que Blaise Compaoré, candidat du CDP à la dernière présidentielle, se fasse recruter à l’UNIR/MS, au FFS ou à l’UNDD et on verra bien où tous ces gourous qui font la pluie et le beau temps iront s’abriter.

Il ne faut pourtant pas, hélas, s’attendre à ce que les choses changent, dans la mesure où la transhumance politique fait bien l’affaire du CDP, et ce serait trop lui demander que de se faire hara-kiri en votant, par exemple une loi qui obligerait un élu (local ou national) à laisser son siège au parti si d’aventure il s’avisait à aller voir ailleurs.

Ou alors qui remettrait le poste en jeu dans la circonscription concernée, au cours d’élections partielles. Ce serait en tout cas plus sain et ça nous épargnerait des tragi-comédies comme celles qui ont eu pour théâtre le patelin natal d’Oumarou Clément Ouédraogo et de Ram. Il y a vraiment des gens qui sont nés après la honte, et c’est dégueulasse.

La rédaction

Observateur Paalga

P.-S.

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