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Commune rurale de Koubri : Le RDB se sent menacé par le pouvoir d’achat du CDP

Publié le lundi 8 mai 2006 à 09h10min

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Arrivé contre "toute attente" en tête dans les communes urbaines de Gaoua et de Banfora et dans la commune rurale de Koubri, le Rassemblement pour le développement du Burkina (RDB) constitue sans doute la grande révélation de ces élections municipales du 23 avril dernier.

Mais après l’euphorie des premières heures, un vent de panique souffle dans le camp des victorieux. Des manœuvres secrètes viseraient à soudoyer des conseillers RDB au profit du CDP. Une grande confusion règne actuellement dans cette commune rurale qui expérimente, pour la première fois, l’épreuve de la démocratie locale. Nous y étions ce samedi 6 mai 2006.

"Quel est ce parti ?" s’interrogeaient et continuent de s’interroger nombre de personnes face à l’ascension fulgurante du Rassemblement pour le développement du Burkina (RDB) à l’issue du scrutin municipal du 23 avril. Même à Koubri-centre (25 km de Ouagadougou), considéré comme le fief politique du président du parti, Célestin Seydou Compaoré, l’onde de choc résonnera pendant longtemps tant le sentiment de surprise reste vivace.

Arrivée en tête dans cette commune rurale de 25 villages avec 28 conseillers contre 22 au CDP, un à l’ADF/RDA et aucun siège pour le PDP/PS, l’UNDD, le PNP et l’ADDP, sa victoire est diversement expliquée. Pour les uns, l’aura et la personnalité du président du parti seraient à la base du succès de cette formation politique resurgie en juillet 2005 après une longue période d’hibernation de 13 ans.

Célestin Seydou Compaoré échapperait, soutient-on, au discrédit qui frappe aujourd’hui à Koubri (son village natal) nombre de leaders politiques, notamment ceux du CDP : "Je pense que le CDP vient de payer cher les nombreuses erreurs commises par certains de ses ténors natifs de la localité", estime Benjamin Compaoré, rapporteur de la Commission électorale départementale indépendante (CEDI). Les effets de ce "vote-sanction" sont si grands, que même le chef de Koubri, deuxième sur la liste CDP, a été contrecarré par une candidate RDB de moindre envergure.

L’attentisme du CDP

Mais pour les autres, c’est parce que le RDB est allé à la conquête de la commune avec pragmatisme politique contrairement au CDP, qui s’est complu dans un attentisme dans une localité qu’il croyait sienne à jamais : "Le RDB s’est lancé très tôt dans la course. C’était le seul parti visible pendant la précampagne à Koubri.

Quant au CDP, il a attendu la campagne officielle pour entreprendre ses actions", commente pour sa part Marcelin Kaboré, cultivateur à Koubri-centre. Mais, du côté des vainqueurs, la stratégie politique était fondée sur le principe de "l’homme qu’il faut à la place qu’il faut" : "Notre parti est inconnu.

Mais, avec les élections locales, c’est la valeur personnelle du candidat qui est déterminante. Nous avons su choisir les hommes capables de mobilisation et surtout doués de bonne moralité", nous confie le premier responsable du parti, Célestin S. Compaoré, présent ce jour à Koubri pour une rencontre avec ses militants. Le moral en berne et la mine sépulcrale, le Secrétaire général départemental du CDP s’abstient de tout commentaire pour "des raisons de santé".

"J’ai la tension, je ne peux donc répondre à aucune de vos questions", s’est-il contenté de dire avant de nous tourner le dos. Pendant ce temps, son rival politique, Sayouba Compaoré, Secrétaire général départemental du RDB, s’attelle avec enthousiasme aux derniers réglages de la rencontre entre les militants et une délégation du bureau politique national. Mais en ce jour de marché, l’appel à la mobilisation est faiblement entendu : "Moi, j’ai accompli mon devoir de militant le jour du scrutin.

Maintenant, je dois m’occuper de mes propres affaires", s’exprime un boucher (il a gardé l’anonymat) devant sa table pour justifier son absence à la rencontre. Les rumeurs sur la tentative "d’achat" de conseillers RDB par le CDP, il en a entendu parler et s’en inquiète : "Actuellement, tout le monde parle de ça. Mais si jamais cela se réalisait, ça sera le teng kuum (guerre meurtrière en langue mooré)", a-t-il prédit.

"Gare au conseiller RDB qui trahira"

Actuellement, une véritable psychose règne dans le navire battant pavillon RDB et une ligne de feu se dessine entre les deux partis frères, hier bras-dessus, bras-dessous pour accompagner Blaise Compaoré à la présidentielle de novembre 2005. "J’ai été saisi par le bureau départemental de mon parti face aux rumeurs persistantes faisant état d’un plan visant l’achat de conseillers RDB par le CDP. Alors, je suis là pour tranquilliser les militants". Tranquilliser ? Que nenni. Les propos ont été plutôt menaçants que rassurants.

"Tous les conseillers qui trahiront le RDB à Koubri seront démasqués et dénoncés publiquement dans tous les villages. Nos équipes de renseignements sont déjà à pied d’œuvre et rien ne leur échappera", a mis en garde le président.

Evoquant le cas de Banfora où 12 conseillers de sa formation auraient reçu des promesses d’argent contre leur ralliement au CDP, il a ajouté, l’air dépité : "Pour la stabilité du pays, il faut laisser les partis victorieux gérer leurs communes. Si jamais le CDP passe par de basses manœuves pour prendre la mairie de Koubri, nous prendrons toutes les mesures qui s’imposeront".

En attendant le second round pour le choix du maire, les populations, quant à elles, ont déjà exprimé leurs attentes quel que soit le parti qui détiendra les clés de la commune. "Il faudra que le futur maire dote le plus vite possible la commune d’une ambulance. C’est vraiment honteux que nous n’en disposions d’aucune", s’indigne Marie Compaoré, vendeuse de fruits.

Outre l’ambulance, la commune rurale souffre cruellement du manque d’eau potable malgré l’existence de neuf barrages et l’insuffisance d’infrastructures scolaires et sanitaires. "Si les militants me désignent comme le candidat au poste de maire, toutes les attentes seront comblées, parce que nous avons déjà élaboré un plan de développement local, qui intègre les préoccupations fondamentales de l’ensemble de la population", promet le président du RDB, pressenti pour occuper le fauteuil de maire. A moins que ce qu’il redoute se produise.

Alain Saint Robespierre

Observateur Paalga

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