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Dossier Thomas-Sankara : Une affaire au carrefour du droit et de la politique

Publié le samedi 6 mai 2006 à 10h04min

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Mariam Sankara

Le quasi-mutisme des autorités burkinabè en dit long sur la sensibilité du dossier Thomas-Sankara. En effet, depuis la décision de la Commission des droits de l’homme de l’organisation des Nations Unies en date du 5 avril 2006, le gouvernement burkinabè, qui ne manque pourtant pas de ’’grands discoureurs’’, est plutôt silencieux.

Il n’a absolument rien dit de concret pour l’instant, à l’exception du laconique communiqué du ministre en charge de la Justice. Seuls la famille Sankara et le collectif d’avocats qui la défend ont donné de la voix.

En rappel, c’est faute d’avoir obtenu gain de cause devant les juridictions burkinabè que Mariam Sankara s’est retournée vers la Commission des droits de l’homme des Nations Unies pour plaider sa cause en octobre 2002. Pour l’essentiel, Mariam Sankara et son Conseil voulaient poursuivre X pour assassinat et aussi obtenir un certificat de décès en bonne et due forme.

Si dans la forme du dossier les ayants droit du président Thomas Sankara peuvent crier victoire, force est de reconnaître qu’ils n’ont pas encore gagné la guerre. Ils ont juste remporté une bataille, et dans les dispositifs juridiques actuels du Burkina, il est difficile d’imaginer que les choses évoluent dans le sens voulu par les plaignants. Il faut avoir le courage de reconnaître qu’en lui-même le dossier est beaucoup plus politique que juridique. Avant l’adoption de la Constitution le 2 juin 1991 par notre pays, la conquête du pouvoir d’Etat était fonction de la force de frappe militaire des protagonistes.

Tout en regrettant, voire en condamnant énergiquement, la mort d’un homme de valeur comme le président Thomas Sankara, il convient de noter également qu’en son temps les coups d’Etat militaires étaient la règle du jeu. C’est pourquoi en 1980 Saye Zerbo, fort de son emprise sur l’armée, avait renversé le pouvoir de la troisième République pour lui-même être chassé par Jean-Baptiste Ouédraogo avant que la Révolution démocratique et populaire ne s’installe le 4 août 1983.

C’est au regard de ce contexte particulier que la décision de la Commission des droits de l’homme de l’ONU constitue une surprise. Elle risque de compliquer davantage la situation si elle devait être appliquée avec toute la rigueur. Mais tout laisse à penser plutôt que la Commission onusienne agira à la Ponce Pilate. Après avoir donné satisfaction aux ayants droit du président du Conseil national de la Révolution, elle ne mettra aucune pression particulière sur l’Etat burkinabè, du moins pour ce qui est de la plainte contre X pour assassinat.

Cette souplesse pourrait être compensée par l’exigence qui sera faite au pouvoir burkinabè de garantir un minimum de sécurité et de tranquillité à la veuve Sankara et à ses enfants. En somme, l’Etat burkinabè devra s’engager à lui assurer les droits reconnus à tous les autres citoyens. Or, à tort ou à raison, Mariam Sankara est considérée par une partie importante des admirateurs de Thomas Sankara (et ils sont nombreux) comme la seule à même de fédérer leur espoir.

A ce titre, elle peut constituer un danger pour le régime en place. Mais à l’étape actuelle, le pouvoir Compaoré se doit d’accepter ces sacrifices pour sauver l’essentiel car, quoi qu’il en soit, la décision de la Commission des droits de l’ONU, bien que devant s’appliquer au plan juridique, ne comporte pas moins des exigences politiques à satisfaire. En tout état de cause, le compte à rebours a déjà commencé, et dans quelques petites semaines les choses seront claires et conformes au délai de 90 jours fixé par la Commission onusienne.

Adam Igor

Journal du jeudi

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