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CDP - Municipales : Après la victoire, les orages ?

Publié le samedi 6 mai 2006 à 10h05min

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Roch Marc Christian Kaboré et Simon Compaoré

Jamais on ne se sera tant soucié d’éthique que lors des récentes élections où les accusations de fraudes ont été aussi nombreuses que les erreurs constatées sur les listes électorales de la CENI. Certains disent qu’elle tentera, comme toujours, de se justifier en se réfugiant dans un brouillard de termes techniques encore mal maîtrisés...

Du déroulement du scrutin, il y a beaucoup à en dire, et même à en rire ! Pourvu que l’on n’en fasse pas de chaudes casseroles qui pourraient faire mal, même à ceux-là qui auront préféré le dialogue avec leurs cannes à pêche ce jour-là : qui a fraudé ou, plus logiquement, qui n’a pas fraudé ? Une question qui alimente des débats devenus presque sans objet au vu des résultats...

Comme toujours, le Houët et le Yatenga, régions fortement politisées, ont attiré l’attention des observateurs au Yatenga surtout où l’ADF-RDA n’est pas allée par quatre chemins pour réclamer des annulations. Bien qu’historiquement bien implanté dans la région, ce parti aura quelque peu pâti des répliques de son principal adversaire sur le terrain : « S’il supporte Blaise, votez donc pour le parti que Blaise a créé ! »

En son temps, de nombreux militants du parti majoritaire avaient accueilli le soutien de l’ADF-RDA au candidat Compaoré avec un vertueux énervement. D’autre part, n’a-t-il pas été excessif, pour des partis, de demander aux populations rurales notamment de se plier à certains impératifs du moment alors qu’elles sont quotidiennement contraintes de se laisser guider par les caprices des saisons ? Ce paramètre aura servi d’arme pour des « campagnards » dont les interventions étaient à la limite de la démagogie, voire du chantage. Mais comme dit un proverbe, « la tortue des champs et la tortue de l’eau savent où se mordre »...

Si très généralement les militants du CDP crient victoire, certains avouent humblement un léger recul du parti, vieux d’au moins dix-sept années avec la période ODP ! L’impuissance politique dont il a fait preuve dans certaines poches électorales pourrait s’aggraver au fil des élections. Il faudrait, pensent-ils, revoir le système, le réformer peut-être afin de permettre à tous ces « partis » qui n’existeront plus que sur le papier de continuer à s’intéresser à la politique. Une réflexion qui rejoint un peu celle de certains observateurs qui se demandent pourquoi on ne susciterait pas un véritable débat national sur la limitation du nombre des partis...

Sauf preuve du contraire, le Congrès pour la démocratie et le progrès gérera la majeure partie des communes du Faso. Il porte ainsi une lourde part de responsabilité dans l’échec ou la réussite de la communalisation intégrale du pays, une mission qui ne risque pas d’être de tout repos, et pour diverses raisons.

Sous les tropiques, le choix des hommes a toujours constitué le volet le plus délicat de la mise en uvre des projets, ici encore plus. Le Burkinabè est toujours enclin à considérer que les idées et les initiatives d’un concitoyen ne peuvent valoir grand-chose. Par voie de conséquence, les geignards les plus bavards se hissent au premier rang, et les plus médiocres des médiocres croient, eux aussi, que leur raisonnement est juste.

Sans doute ne veulent-ils pas crier fort, pour une raison ou une autre, ou se préparent-ils discrètement à une éventuelle revanche ! Des militants du CDP avouent en aparté que beaucoup de choses n’ont pas été faites correctement. Il faut dire que ces rumeurs qui réactivent ainsi l’existence de clans ou de chapelles ont toujours émaillé la vie de ce parti, sauf qu’elles semblent, cette fois, renforcées par le fait que les mêmes causes produisant les mêmes effets, il serait bon de faire tourner un peu plus la roue. Les relations entre militants élus et ceux qui auront été ’’oubliés’’ dans le choix promettent de cocasses joutes sournoises...

La mise sur pied des bureaux des différents conseils pourrait elle aussi poser problème, quoique le parti majoritaire s’en défende en soulignant que libre choix était laissé aux populations. Il est cependant illusoire de penser qu’en laissant le libre choix aux populations et en fermant ’’intentionnellement’’ les yeux sur certaines questions, les problèmes seront autant gommés ! Anciennes ou nouvelles, il y a dans ces communes des plaies à panser, des injustices à réparer, qui réclament la présence d’individus à l’âme pionnière, désintéressés.

Etant donné, hélas, le degré des égoïsmes remarqués et la corruption constatée à l’échelle nationale, on a déjà vite fait de parler de ’’décentralisation’’, voire de la vulgarisation du phénomène. Est-il besoin de souligner que le fait multicolore de certains conseils pourrait conduire à des blocages ? Il faut déjà y songer. Il est regrettable que persiste cette ’’fasomania’’ qui jusque-là n’aura profité à personne. Parfois l’on assiste à des attitudes puériles, incompréhensibles, où il paraît insensé de ne voir que l’important, l’intérêt communautaire.

Dans ce genre de jeux à sommes nulles, chacune des parties en présence pense que l’autre ne dit pas vrai, que son point de vue ne vise en fait qu’à accroître son capital de prestige et d’autorité. L’absurdité de cette méfiance réciproque primitive ayant été abondamment démontrée ces dernières années, il serait souhaitable que transparaisse dans les débats, et au premier plan, l’intérêt communautaire.

Plus que jamais, le principe de ’’l’homme qu’il faut à la place qu’il faut’’ devrait trouver sa consécration, car l’on ne saurait prétendre à développer une région en pratiquant une ardente promotion de la médiocrité, en mettant en branle un arsenal de moyens vicieux pour réduire les adversaires...

A présent, les fervents adeptes de la décentralisation se frottent les mains tout en faisant remarquer que le plus important réside dans le dialogue et la concertation au sein des conseils. L’on a parfois évoqué ces manières d’agir de ’’potentats’’ dans leurs communes, des manières qui stérilisent l’esprit d’initiative et plombe tout espoir de promotion sociale pour les jeunes générations. Beaucoup n’ont pas conscience de l’humilité que requièrent certaines fonctions...

Au-delà des inquiétudes et souhaits suscités par la communalisation, se pose une fois de plus la question de la viabilité et la représentativité réelle des partis politiques du Burkina, une question qui ne semble cependant se poser que la veille d’élections...
Sur un tout autre plan, un constat peut être fait : l’on assiste à une vague de « retours » au pays natal.

Jusque-là, pour une raison ou une autre, les agents de l’Administration publique préféraient s’installer dans les villes plutôt que dans leurs villages lorsqu’arrivait pour eux l’âge de la retraite. Les raisons diverses de ces ’’retours’’ ravivent peu à peu la flamme culturelle dans ces localités mais demeurent aussi source d’interrogations : quelle sera la nature des relations entre ces « revenants » et les nouvelles autorités dont certaines pourraient être leurs petits-enfants ? Et si ces « exilés volontaires » militaient dans un parti opposé ?

Il serait hasardeux de prendre un pari pour dire quelle serait la solution idéale à ces problèmes inhérents à la décentralisation. Faut-il alors songer à ce que disait Napoléon chaque veille d’une bataille : « On s’engage et puis on voit » ?

A. Pazoté

Journal du jeudi

P.-S.

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Municipales 2006

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