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Dossier Thomas Sankara : "C’est une démarche de plus vers la vérité que je recherche" dixit Mariam Sankara

Publié le mercredi 26 avril 2006 à 08h22min

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Mariam Sankara

Mariam Sankara a reçu avec « satisfaction » la décision de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU qui lui donne raison contre l’Etat burkinabé dans ce qu’elle nomme un « déni de justice » :
l’impossibilité de voir aboutir le procès contre X qu’elle a initié en 1997 au Burkina pour l’assassinat de son mari, ainsi que la reconnaissance de « traitements inhumains » à son égard par le régime du Burkina.

Dans un entretien à Bendré, la veuve du PF fait part de ses espoirs, de ses attentes et de sa résolution. L’Etat est signataire du pacte relatif aux droits civils et politiques des droits de l’homme, et c’est à ce titre, en espérant « que le Burkina ne va pas violer ce pacte une autre fois » que Mariam Sankara souhaite que les autorités instruisent son affaire et qu’au Pays des hommes intègres « le procès commence ».

Comment avez-vous reçu le verdict de la commission des droits de l’Homme de l’ONU ?

J’étais contente. Cela faisait un moment que nous avions saisi cette commission et cette réponse nous l’attendions. Cela a été une satisfaction pour moi.

Cela a quand même duré quatre ans.
Oui quatre ans. Il y a quatre ans que nous avons saisi la commission. Lorsque nous avons été confrontés, au Burkina, à un déni de justice, nous avons saisi la commission des Nations-Unies. C’est long quatre ans. Mais nous attendions patiemment.

Que va changer cette décision ?

Cette décision permettra d’instruire le procès au Burkina. Si le régime burkinabè applique les recommandations des Nations-Unies, cela veut dire que les autorités compétentes burkinabè vont instruire l’affaire et que le procès va commencer. Ce qui nous a été refusé depuis un moment. Le pouvoir burkinabè devrait permettre que se poursuive l’instruction. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de justice.

On est encore loin de ce que vous avez demandé en 1997. En 1997, votre plainte déposée contre X portait sur un assassinat...

Oui. Nous avons fait tous les recours possibles et les instances burkinabè nous ont refusé cette justice. Maintenant que le Comité des droits de l’Homme des Nations-Unies a reconnu que le Burkina, en ne nous accordant pas cette justice, violait le pacte, je suppose que le Burkina devrait nous permettre maintenant de poursuivre...

La commission des Nations-Unies reconnaît également un « traitement inhumain » à votre égard. C’est un préjudice par rapport à la justice du Burkina ?

Oui et par rapport à l’Etat burkinabé. J’ai dû quitter le Burkina Faso. Après l’assassinat de mon époux, j’ai été persécutée. Il a fallu que je parte. Il y avait même une décision qui disait que si je quittais Ouagadougou au-delà de quarante kilomètres, j’en serais responsable...

Qui a dit ça ?

J’ai une décision écrite venant de la direction de la sûreté du Burkina Faso. J’ai reçu des menaces. Il fallait qu’on parte. On était isolé.
Mes enfants ont été secoués par l’isolement qu’on a créé en faisant des pressions sur les familles de leurs camarades. Outre les arrestations suivies de tortures, la même méthode a été utilisée pour faire de la famille Sankara et de ses amis, des parias.

Pour vous, c’est la fin d’un isolement cette décision de la Commission ?

J’ai droit à la justice. C’est une démarche de plus vers la vérité que je cherche. A condition que le Burkina respecte les recommandations de la Commission des droits de l’Homme...

Selon vous, est-ce que le Burkina va respecter ces mesures demandées par la commission ?

Oui parce que le Burkina a signé le pacte (des droits civils et politiques des Nations-Unis ndlr). C’est une autre question. Mais j’espère que le Burkina le fera. Parce que la décision de la Commission est obligatoire quand on a signé le pacte. J’espère que le Burkina ne va pas violer ce pacte une autre fois.

La Commission dit que l’affaire que vous avez initiée en 1997 doit suivre son cours au Burkina Faso mais désormais devant un tribunal militaire. Pensez-vous qu’elle trouvera une issue face à ce tribunal ?

C’est une juridiction comme une autre. C’est le procureur du Burkina qui a dit que ce dossier ne relevait pas de sa compétence et qu’il fallait saisir un tribunal militaire. C’est donc au ministre de la défense de donner maintenant l’ordre à cette juridiction de poursuivre notre démarche.

En ce moment, en Sierra Léone se tient le procès de Charles Taylor. Le Général Tarnue a déjà déposé devant ce tribunal des Nations-Unis en expliquant qu’en octobre 1987, il y avait une présence de soldats libériens qui auraient aidé Blaise Compaoré à faire assassiner Thomas Sankara. Pensez vous que le procès de Charles Taylor puisse permettre d’établir la vérité sur cette affaire ?

C’est possible. On ne sait pas comment se déroulera ce procès. On espère qu’il amènera un éclaircissement sur le procès qui nous concerne.

Réalisé par Rémi Riviere


Comité des droits de l’homme des Nation Unies : La réaction du gouvernement burkinabè

Le ministre de la justice, Garde des Sceaux, a l’honneur d’informer le public Burkinabé de ce qui suit.
En 2003, Madame Mariam SANKARA et ses enfants ont saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies contre le gouvernement pour violation du Pacte international rélatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Burkina Faso le 04 janvier 1999. Le Comité des droits de l’homme, réuni à l’occasion de sa 86è session tenue à New York, Etats-Unis, du 13 au 31 mars 2006, a examiné la communication plainte de la famille SANKARA au regards des arguments des deux parties et fait partiellement droit à cette requête.

Le gouvernement, soucieux du respect des droits humains, des principes de l’Etat de droit et de ses engagements internationaux, prend acte de cette décision et y donnera une suite appropriée.

En tout état de cause, conformément à l’une des recommandation du Comité des droits de l’homme et dans un souci de transparence, le gouvernement a pris toutes dispositions utiles pour la publication du texte intégral de la décision du comité, dans la pesse et sur le site Web du gouvernement.

Boureima BADINI,
Ministre de la justice Garde des sceaux


Sierra Leone : Le général John Tarnue accuse Blaise Compaoré

Blaise Compaoré a-t-il commandité l’assassinat de Thomas Sankara ? Le général John Tarnue, ancien commandant des forces armées du Libéria, accuse Blaise Compaoré et raconte devant le tribunal de Sierra Leone les détails d’un marché qui aurait été conclu avec Charles Taylor et qui aurait impliqué des soldats libériens dans l’assassinat du Président Thomas Sankara. Par Rémi Riviere

"Mon nom est : général de brigade John S. Tarnue, ancien commandant général des forces armées du Libéria." Sur l’horloge du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, il est 14h59 et 23 petites secondes que l’on entendait presque s’égrainer. L’attention de chacun est aiguisée. Nous sommes le 4 octobre 2004. John Tarnue, treizième témoin dans le procès des commandants de l’ancienne rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF), est le premier à déposer publiquement, sans l’écran de protection dissimulant son identité. Le général vient de rompre avec ce qui a été la norme jusqu’ici, tant dans le procès du RUF que dans celui des accusés des Forces de défense civile (CDF). La seule exigence du procureur a été de ne pas révéler à l’audience l’adresse du témoin.

A la barre, c’est un homme fruste qui dépose, un homme de terrain qui parle à la partie civile comme à ses hommes de troupe. Il s’occupait de la formation des combattants du NPFL, la faction dirigée par Charles Taylor pendant les sept années de guerre civile au Liberia, et cela lui a valu la confiance du président qui, une fois élu, l’a tout de suite nommé au poste de commandant général des Forces armées nationales. C’est cette histoire que raconte, pendant trois heures ce jour-là, John Tarnue. L’épopée d’une connivence avec un seigneur de guerre, dont il a été l’homme de confiance et le témoin muet. Avant de changer de camp, en janvier 2003, en pleine guerre, pour rejoindre et former les rebelles du LURD.

Mais dans ce récit épique et tragique, de guerre et de règlements de compte, qui suit le fil sanglant du chef d’État libérien, un épisode retient l’attention du procureur Christopher Santora. Celui de la rencontre, "en juillet ou en août 1987", entre Charles Taylor, Thomas Sankara et surtout Blaise Compaoré. Il est déjà près de 16h30 lorsque le Général Tarnue explique aux trois juges présents comment Charles Taylor en exil au Ghana de Jerry Rawlings a manœuvré pour faire valoir sa ferveur révolutionnaire et trouver des appuis au Burkina. L’ambassadeur du Pays des hommes intègres, au Ghana, arrange finalement un entretien.

Dans un style direct, comme s’il prêtait sa voix et ses gestes à Charles Taylor, le général John Tarnue relate les propos qu’il attribue à son ancien chef militaire. "Et alors, après la seconde rencontre, lorsqu’ils sont sortis, alors Thomas Sankara a décidé de dire qu’il allait aider. Donc, quand ils...

aider quoi ? le coupe le procureur Christopher Santora

redites ça..., aider quoi ?

l’aider avec ses crédits révolutionnaires parce qu’il voulait créer ce mouvement Anti-Doe pour renverser Samuel kanyon Doe".

Devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, John Tarnue poursuit son témoignage et raconte que Blaise Compaoré a proposé un marché à Charles Taylor quelques instants d’après, lui expliquant qu’il voulait prendre la tête du pays. Un marché très simple. Taylor a des hommes. Ils se nomment "Prince Yormie Johnson, Samuel Varney, Duopo" et "d’autres membres entraînés des forces rapprochées du Liberia". Blaise Compaoré veut les hommes de Taylor pour les joindre aux deux escouades qu’il affirme avoir. "Et alors, on ira assassiner Thomas Sankara" aurait confié Compaoré en toute simplicité, dans cette forme dépouillée qu’adopte Tarnue pour donner vie à ses souvenirs.

Tarnue explique que Charles Taylor a consulté les militaires libériens exilés avec lui avant de donner sa réponse. "Prince Johnson était très dur. C’était celui qui avait combattu aux côtés de Taylor. Ils ont tous été d’accord. Ils ont dit : "si c’est ce que tu dis, alors on peut y aller." Relate encore John Tarnue. "Et alors ils se sont entendus, se sont regroupés et ont suivi Blaise Compaoré. La même année 1987, ils ont assassiné Thomas Sankara. Et quand ils ont assassiné Thomas Sankara, Blaise Compaoré est devenu le président du Burkina Faso."

Le récit de Tarnue se poursuit et l’ancien commandant général des Forces armées met au clair le chemin de Taylor pour conquérir son trône grâce à cet assassinat. Car selon ce témoignage, cette connivence avec Blaise Compaoré aurait ouvert bien des portes à Charles Taylor, depuis "un couloir avec la Côte d’Ivoire", grâce aux "liens" privilégiés de Blaise Compaoré avec Houphoüet Boigny, aux terrains d’entraînements militaires du Burkina Faso, et finalement, jusqu’à Mouammar Kadhafi et un camp d’entraînement libyen qu’il appelle "Alma Saba".

Ce 4 octobre 2004, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, il est 17h57. Le témoignage du général John Tarnue est ajourné, reporté au lendemain. Les 132 pages du compte-rendu d’audience sont consignées et certifiées officiellement par Roni Kerekes, Susan G. Humphries, Maureen P. Dunn, Ella K. Drury. Elles sont disponibles sur Internet grâce au lien : http://www.sc-sl.org/Transcripts/RUF-100404.pdf

Bendré

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