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Dossier Thomas Sankara : Le Machin, la veuve et le politicien

Publié le lundi 17 avril 2006 à 09h49min

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Thomas Sankara

Il y avait donc "une affaire Thomas Sankara" à l’ONU. A force de voir l’organisation s’empêtrer dans les conflits inter Etats et intra Etats, on avait fini par oublier qu’elle était aussi gardienne des droits de l’Homme par le biais du Comité des droits de l’Homme.

Le Burkina a eu le mérite de ratifié le 04 janvier 1999, le pacte international relatif aux droits civils et politique qui fonde l’essence même de ce Comité. Au pays des Hommes intègre, on ne voudrait pas faire les choses à moitié pour appartenir à la bonne école de la démocratie.

Mais il y a quelque part comme une ruse des Etats les plus forts pour rappeler les moins forts à la raison sans s’y résoudre eux-mêmes. Aimé Césaire, le poète et dramaturge antillais a pu écrire "toute civilisation qui ruse avec ses propres principes est une civilisation décadente", la prophétie est sévère mais non sans fondement.

De Gaulle avait dit autre chose, autrement plus virulent en qualifiant l’ONU de "Machin". Certains autres, suivez mon regard, ont parlé de "tigre en papier".

Les Africains, qui plus est les Burkinabè, ne diraient pas autant de "bêtises" sur "le Machin", "le tigre en papier" etc. Néanmoins on pensait que les conflits graves et préoccupants qui engagent l’avenir des peuples en risquant de grands chamboulements de la géopolitique mondiale accaparaient l’ONU.

Il faut croire qu’elle (l’ONU) n’est pas si occupée avec le nucléaire iranien, la guerre en Iraq, l’Intifada ou ce qui en reste en Palestine, les interminables conflits en Amérique Latine, le dossier haïtien, etc, pour se rappeler qu’il y a un mort sans sépulture, ni d’acte de décès convenable au Burkina et cela en violation de l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans la décision onusienne, pas de quoi fouetter un chat

Ni l’antériorité des faits (15 octobre 1987), ni l’impossibilité de juger du fond - coup d’Etat, échange de tirs dans un camp militaire - n’ont empêché les éminents membres du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, de dire que les articles 7, 9 paragraphe 1 et 14 paragraphe 1 ont été violés. Cette recevabilité partielle de la requête de madame Sankara de ses fils et de leur Collectif d’avocats tombe comme de la manne inespérée sur le désert argumentaire des plaignants et comme du pain béni pour l’UNIR/MS et affiliés en ces temps de campagne électorale.

Voilà qui explique cette conférence de presse convoquée à la hâte et de manière sélective. Et les sélectionnés rendent bien la monnaie de leur pièce à ceux qui les ont invité à croquer du pouvoir à belle plume. "L’ONU épingle le pouvoir", "l’UNIR/MS (va) remonter le moral des troupes"... on attend la suite et... beaucoup seront déçus.

En effet il n’y a pas de quoi fouetter un chat dans la décision du Comité des droits de l’Homme sur la communication (plainte) n°1159/2003 de Mariam Sankara et autres contre le Burkina. Il n’y a que l’opportunité pour le président de l’UNIR/MS Stanislas Bénéwendé Sankara d’en faire un scoop pour la presse et un argument d’activisme politique. Sinon, cette décision se résume simplement dans les quatre points qui suivent :

1- L’ONU ne peut pas statuer comme un tribunal spécial et international sur les événements du 15 octobre 1987 au cours desquels le capitaine Thomas Sankara a trouvé la mort. Elle ne dit pas d’arrêter, de démettre ou d’emprisonner qui que se soit.

2- La plainte de la famille Sankara et autres est recevable en partie. Celle qui relève des droits civils de la veuve Mariam Sankara et de ses deux enfants d’être officiellement informé de l’endroit où leur époux et père a été enterré. 3- Un autre certificat de décès de Thomas Sankara doit être délivré à sa famille. 4- Au nom du "respect de la garantie d’égalité de tous devant les tribunaux, du principes d’impartialité et d’équité" selon le comité onusien, le procureur du Faso est seul habilité à saisir le tribunal militaire au Burkina dans cette affaire.

L’ONU pour l’indemnisation

En quoi l’Etat burkinabè a-t-il été épinglé ? Qui parle de quel monument pour absoudre quel crime ? Au contraire le comité onusien recommande expressément à l’Etat burkinabè "une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subit". Voilà qui est bien clair et qui prend de cours tous ceux qui pensent qu’indemniser les victimes de la violence en politique, c’est acheter leur silence et/ou leur pardon. La balle est maintenant dans le camp de la famille du défunt président.

Acceptera-t-elle les recommandations officielles du comité de l’ONU ou écoutera-t-elle les sirènes de la politique politicienne ?

Djibril TOURE

L’Hebdo


La décision de recevabilité du Comité (p. 14-17 : § 6)

Le Comité rappelle aussi la substance de sa décision d’irrecevabilité en date du 9 mars 2004, par laquelle, après avoir noté les arguments des deux parties, a déclaré la recevabilité partielle de la communication, sur la base d’une distinction entre, d’une part, les faits qui, en eux-mêmes, ne sont pas recevables devant le Comité et, d’autre par, la procédure engagée par les auteurs de la communication devant les tribunaux burkinabè, qui est, en revanche, recevable devant le Comité.

Le comité formule deux recommandations essentielles à j’attention du Burkina Faso, à savoir :

* "assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de .Thomas Sankara, et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie" (§ 14) ;

* "empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir" (§ l4).

Le Comité invite également le Burkina Faso à lui faire savoir, "dans les 90 jours suivant la transmission des présentes constatations, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour leur donner suite". Il le prie, enfin, de "rendre publiques les constatations du Comité" (§ 15).

Après la décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur l’affaire Thomas Sankara, le gouvernement réagit :

Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a l ’honneur d’informer le public burkinabè de ce qui suit.

En 2003, Madame Mariam SANKARA et ses enfants ont saisi le comité des droits de l’homme des Nations unies contre le gouvernement pour Violation du pacte international relatif aux droits civils politiques, ratifié par le Burkina Faso le 04 janvier 1999.

Le comité des droits de l’homme, réuni à l’occasion de sa 86e session tenue à New York, Etats-Unis, du 13 au 31 mars 2006, a examiné la communication plainte de la famille SANKARA au regard des arguments des deux parties et a fait partiellement droit à cette requête.

Le gouvernement, soucieux du respect des droits humains, des principes de l’état de droit et de ses engagements internationaux, prend acte de cette décision et y donnera une suite appropriée.

En tout état de cause, conformément à l’une des recommandations du Comité des droits de l’Homme et dans un souci de transparence, le gouvernement a pris toutes dispositions utiles pour la publication du texte intégral de la décision du Comité, dans la presse et sur le site web du gouvernement.

Boureima BADINI,
Ministre de la justice,
Garde des Sceaux

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Vos commentaires

  • Le 21 avril 2006 à 19:19 En réponse à : > Dossier Thomas Sankara : Le Machin, la veuve et le politicien

    L’"hebdo" rend compte, incontestablement, de manière salutaire les événements à travers les analyses pertinentes que ce journal nous a habitué. Félicitations aux acteurs de cette réussite journalistique. Votre sérieux et, partant, votre professionnalisme constitue un gage certain de ce que la presse burkinabé n’a pas à rougir des autres presses du monde. un admirateur.

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