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Etat de la nation : L’étoile du Burkina brille... mais pas pour tous

Publié le lundi 27 mars 2006 à 00h00min

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Paramanga a encore parlé... comme prévu. Dans le jargon journalistique, c’est ce qu’on appelle les marronniers. En effet, chaque année presqu’à la même date, le chef du gouvernement satisfait, à travers un grand oral avec débats devant les députés, à une obligation constitutionnelle (article 109).

dernier, Paramanga Ernest Yonli, pour la sixième fois consécutive (sauf erreur ou omission), s’est expliqué, chiffres et force détails à l’appui, dans un hémicycle, pour la circonstance, plein à craquer.

Exercice difficile et éreintant s’il en est, de 16 heures à 02 heures du matin, Paramanga, en répondant aux 47 questions des élus, a tenté autant que faire se peut de les rassurer que le Burkina avance. Et ce dernier oral du chef du gouvernement était d’autant plus solennel que c’est le tout premier depuis le plébiscite de Blaise Compaoré à la Présidentielle 2005.

En 10 heures d’horloge, Paramanga, lui qui, déjà depuis novembre 2005, avait battu tous les records de longévité à ce poste au Burkina, s’est attelé à faire une minutieuse radioscopie du pays. Lutte contre l’insécurité, maîtrise des prix, grands chantiers réalisés ou à réaliser, gestion macro-économique, etc.

A bien d’égards, tous ces points disséqués lors de cet oral, ressemblent à s’y méprendre à ceux développés le jeudi 14 avril 2005 devant l’auguste Assemblée. Nous le disions tantôt, les points abordés en 2006 étaient sensiblement les mêmes qu’en 2005, sauf celui relatif à la grippe aviaire, qui, il y a un an, nous semblait encore une affaire bien lointaine.

Et Paramanga de nous rassurer sur le péril aviaire, en avançant que des mesures énergiques ont été prises pour protéger notre pays contre l’introduction de la maladie. On aimerait bien prendre les assurances répétées du chef du gouvernement pour argent comptant et dormir sur nos deux lauriers.

Mais comment peut-on vraiment lui accorder toute notre confiance quand on sait que nous sommes logés à la même enseigne que notre voisin immédiat, le Niger, qui est en plein dans le péril aviaire et riposte timidement seulement grâce au bon vouloir des partenaires au développement ? L’adage est suffisamment connu : "qui est couché sur la natte d’autrui est presqu’à même le sol".

On se souvient bien qu’en 2005, devant la même Assemblée, et la main sur le cœur, Paramanga jurait que le "Burkina avance, avance". Une année après, et dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, le chef du gouvernement est monté d’un cran dans la qualification de l’indice du développement humain de notre pays.

En effet, si pour l’enfant de Tansarga, en 2005, le Burkina avançait, en 2006, "l’étoile du Burkina brille". C’est vrai, si pour l’homme d’affaires véreux qui se joue du fisc et de la douane ou pour le petit fonctionnaire qui, hier seulement, mangeait la vache enragée et subitement, toute arrogance bue, roule carrosse pour avoir eu l’intelligence de prendre la bonne carte au bon moment, le Burkina est un paradis et c’est la dolce vita, pour la majorité des Burkinabè, l’étoile ne brille pas.

Elle est même terne à telle enseigne qu’on croirait à une éclipse perpétuelle de soleil, tant les conditions de vie sont chaque jour un peu plus dures et l’avenir incertain. Cela est d’autant plus frappant que notre pays paraît irrémédiablement divisé en deux :
Il y a d’un côté le petit groupe du Burkina des riches, et, de l’autre, la grande majorité des pauvres. En entendant Paramanga assener les acquis et les statistiques, on se serait vraiment cru dans un pays autre que le Burkina, où chaque jour est un nouveau combat de titan pour assurer sa pitance.

Et comme d’habitude, le pouvoir nous a rassuré que la campagne agricole est bonne, mieux, que les revenus des agriculteurs ont augmenté de 5,6% pour les vivriers, 12,8% pour les rentiers, et 2,7% pour les ouvriers agricoles. De deux choses l’une :
ou nos statistiques jurent avec la réalité du terrain, ou le gouvernement, en toute conscience, trompe le peuple. Sinon comment comprendre qu’en 2004 et ce, tambour battant, on nous annonçât des récoltes record et une campagne agricole excédentaire et que seulement quelques mois après, les prix des céréales explosent et pire, qu’ils se fassent aussi rares que les larmes d’un chien !

A dire vrai, nous avons l’impression que nos dirigeants ont perdu totalement le sens des réalités du terrain. Ils ne sont plus du peuple, car ne vivant pas les mêmes dures réalités que lui.

Une chose est sûre : Blaise Compaoré, en 19 ans de pouvoir absolu a réussi à inscrire durablement notre pays sur la carte du monde grâce à sa diplomatie. C’est ainsi que les grands argentiers de la planète ne tarissent pas d’éloges pour le Burkina qui, à leurs yeux, reste un exemple.

Cela est peut-être vrai, mais cette bonne tenue de l’économie, cette croissance à deux chiffres dont on parle tant se ressent peu dans le panier de la ménagère. Ainsi, pendant qu’à l’échelle nationale, nous assistons impuissants à une paupérisation générale dans un pays où la mal gouvernance semble être la chose la mieux partagée, Paramanga, dans son dernier oral, nous rassure que la pauvreté est inexorablement en train de perdre du terrain. C’est ainsi, dira-t-il, que "La pauvreté rurale et urbaine est passée de 46,6% en 2003 à 41, 4% en 2005".

Il est de notoriété publique qu’hormis la paupérisation ambiante, des maux tels le chômage, la corruption rampante, les détournements de deniers publics se vivent de manière cruelle et au quotidien au "Pays des hommes intègres". Qu’on ne s’y trompe vraiment pas, nous vivons dans un Burkina à deux vitesses où les riches deviennent moins nombreux et plus riches, et les pauvres plus nombreux et plus pauvres. Et c’est peu dire que d’affirmer que si l’étoile du Burkina brille, c’est pour une infime minorité. Vraiment, si le Burkina brillait de mille feux et avançait comme le prétend Paramanga, continuerions-nous toujours à occuper la peu reluisante place de 173/175 de l’indice du développement humain durable du PNUD ? Hein Paramanga ?

Observateur Paalga

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