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Risque de grippe aviaire au Burkina : Regard d’un expert français

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 08h10min

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L’apparition de la grippe aviaire au Niger voisin, la notification de morts suspectes de poulets au village de Bazoulé (à une vingtaine de km de Ouagadougou) et la "surmédiatisation" de l’épizootie ont engendré, au Burkina, une psychose au sein des populations des villes. Malgré les propos qui se veulent rassurants des services vétérinaires, la viande du poulet, jadis prisée par les citadins, ne semble plus faire recette.

La filière volaille se grippe, serait-on tenté de dire. Après le Dr Bernard Doulkoum (cf. notre édition du jeudi 16 février 2006), son homologue Patrick Raimbault, chef du Projet d’appui au renforcement institutionnel des organisations professionnelles d’éleveurs modernes (ARIOPE), expert vétérinaire référent de l’ambassade de France au Burkina, apporte, ici, un éclairage supplémentaire sur la maladie : risques de propagation, manifestations, transmission à l’homme... Au regard du caractère technique du sujet, nous nous excusons à l’avance auprès des lecteurs et de l’interviewé des éventuelles coquilles qui se seraient glissées dans la transcription.

Qu’est-ce que la grippe aviaire ?

La grippe aviaire ou grippe du poulet est une infection due à un virus de la famille des orthomyxoviridae, qui comprend plusieurs genres (types), dont l’influenzavirus A. Cette infection peut toucher presque toutes les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques. Elle peut être fortement contagieuse, surtout chez les poulets et les dindes et est susceptible d’entraîner une mortalité extrêmement élevée chez ces espèces. Le virus peut éventuellement infecter d’autres espèces animales comme le porc ou d’autres espèces de mammifères.

Comment se transmet le virus chez les animaux ?

Le virus se transmet essentiellement par les sécrétions respiratoires, soit par contact direct avec les matières fécales des animaux malades, soit de façon indirecte par l’exposition à des matières contaminées (par l’intermédiaire de la nourriture, de l’eau, du matériel et des vêtements contaminés).

Les espèces confinées favorisent la transmission du virus. Actuellement, cette transmission ne se fait plus tellement par les oiseaux migrateurs, mais plutôt par les marchés. La grande contamination en Afrique est due à la mobilité des commerçants, en particulier au Nigeria. La période d’incubation chez la volaille dure 3 à 5 jours.

Quelles sont les manifestations de la maladie dans un élevage de volaille ?

Les symptômes, en Afrique, sont tout à fait similaires à ceux de la maladie de Newcastle, appelée aussi pseudopeste. Ils se traduisent, chez la volaille, par une diminution de l’appétit, la réduction considérable de la production d’œufs puis l’évolution vers une mort subite (la mortalité peut atteindre 90 à 100%). On appelle la maladie grippe aviaire parce qu’elle donne une forme de grippe, une maladie pulmonaire chez l’homme.

Là où l’on enregistre des cas humains, c’est là où la volaille a vécu le plus étroitement et de manière répétée en contact avec les humains. Les plus exposés sont les professionnels avicoles et non les gens de passage. En particulier, les professionnels qui ont un système immunitaire défaillant comme les enfants, les femmes enceintes et les vieillards.

Avec l’apparition de la grippe aviaire au Niger, peut-on affirmer aujourd’hui (l’entretien a eu lieu le mardi 14 mars 2006) que le Burkina n’est pas touché ?

Le Burkina n’est pas touché, mais il n’en est pas à l’abri non plus. Avec l’apparition de la maladie au Nigeria et au Niger, les éleveurs démunis cherchent à fuir les mesures d’abattage des poulets contaminés. Ils essaient, par tous les moyens, de vendre leurs produits. Il est probable qu’il y ait des fuites vers d’autres pays. Malgré le plan de prévention et de riposte à la grippe aviaire mis en place par le gouvernement burkinabè, le pays n’est pas à l’abri.

Il y a eu des cas suspects de mort de poulets à Bazoulé. Qu’en est-il exactement après les analyses dans les laboratoires ?

Ce qui s’est passé à Bazoulé relève de la maladie classique de Newcastle, contre laquelle 3,5 millions de poulets sont vaccinés chaque année depuis 1978 au Burkina. La preuve la plus claire que ce n’était pas la grippe aviaire, c’est que des poulets élevés au milieu de ceux qui étaient affectés n’ont rien eu du tout. Le Laboratoire national d’élevage a prouvé qu’il s’agissait bel et bien de la maladie de Newcastle. Sous la pression de la presse et par mesure de sécurité, des prélèvements ont été envoyés à Padoue (Italie). Les résultats, à ma connaissance, sont probablement négatifs pour la grippe aviaire.

Confirmez-vous alors que l’on peut manger sans craintes les poulets de chez nous ?

Oui. L’on peut manger les poulets sans crainte. Premièrement, le virus de la grippe aviaire ne se transmet pas par voie digestive. Il est tué par l’acidité du tube digestif. Il n’entre que par la voie nasale. Deuxièmement, le virus est tué par la chaleur. On ne risque rien si on mange du poulet et des œufs cuits. Troisième raison, c’est qu’il n’y a pas de grippe aviaire au Burkina Faso. Même en cas d’apparition de la maladie, les poulets infectés sont abattus et enterrés, et les autres peuvent être consommés sans danger. Il y a une panique pour rien au sein des gens.

Partout où l’on a détecté des foyers de la maladie, ç’a été l’abattage systématique. N’y a-t-il pas une autre solution ?

Il n’y a pas d’autres solutions. Il n’existe aucun traitement contre la maladie. L’abattage systématique se fait sur un diamètre de 3 km dans le foyer. Cela, pour la mise en place d’une barrière de biosécurité. Maintenant, autour du foyer, on met en place une zone de surveillance dont le diamètre varie de 10 à 20 km selon les Etats. Sur ce deuxième anneau, l’on procède à la vaccination des poulets sains.

Ici, il est prévu, en cas d’abattage, une indemnisation de 600 FCFA par tête de poulet. Beaucoup d’éleveurs jugent le montant très faible. Cela ne favorise pas la détection précoce.

Je souhaite que le prix du poulet ne redescende pas à 600 F CFA. Aujourd’hui, avec toute la mauvaise presse qui a été faite autour du poulet, le prix est passé de 1500 FCFA à 1000 FCFA. Si on doit indemniser l’éleveur à 1000 FCFA, on court le risque de voir des gens qui, voulant se débarrasser de leurs poulets, déclareront une maladie quelconque en la faisant passer pour la grippe aviaire. L’indemnisation à 600 FCFA a un avantage : celui de motiver les gens à prévenir les autorités sanitaires de l’apparition de la maladie chez les voisins. L’indemnisation à ce prix est bonne et logique.

Au regard de ses conditions socio-économiques déplorables, l’Afrique n’est-elle pas une terre propice à la propagation rapide de la grippe aviaire ?

La maladie est mondiale, et les mesures prises pour aider les Etats contaminés seront les mêmes quel que soit le continent. Les bailleurs de fonds sont conscients du risque qu’il pourrait y avoir à laisser le virus se répandre en Afrique de façon incontrôlée. Il y a peu de moyens, certes, mais les bailleurs de fonds sauront répondre à la demande. Mais, compte tenu de la difficulté en Afrique de faire respecter les règles par les commerçants qui déambulent un peu partout, la vitesse de propagation y est plus grande qu’ailleurs.

Mais l’Afrique dispose d’une chance : la chaleur à laquelle le virus ne résiste pas. Lorsque la température atteint 70°C, le virus ne résiste pas une minute. Lorsqu’elle avoisine 42°C à 43°C, le virus ne peut pas dépasser une durée de vie de 40 à 45 mn. Ça veut dire que l’Afrique dispose d’un atout contre la propagation de la maladie. Pendant la période de la chaleur, particulièrement dans les pays sahéliens, le virus peut disparaître.

On sait que la grippe aviaire est transmissible de la volaille à l’homme. Quels sont les signes cliniques de la maladie chez ce dernier ?

Après une période d’incubation pouvant aller jusqu’à 7 jours, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maladie se présente d’abord comme une grippe banale (fièvre supérieure à 38°C associée à des maux de gorge, des douleurs musculaires et des troubles respiratoires comme la toux), mais elle s’aggrave rapidement du fait de troubles respiratoires sévères.

Existe-t-il un traitement curatif pour l’homme ?

Le traitement est avant tout symptômatique. Des traitements antiviraux permettent d’atténuer les symptômes et les complications. Pour être efficace, le traitement doit être entrepris dans les 48 premières heures.

Entretien réalisé par

Alain Saint-Robespierre

Observateur Paalga

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