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France-Côte d’Ivoire : Le re-mariage de raison

Publié le lundi 9 février 2004 à 06h14min

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Après un climat de froid polaire, place désormais au
réchauffement des relations entre Paris et Abidjan. La page des
frictions franco-ivoiriennes peut être ainsi définitivement tournée,
si l’on s’en tient, en tout cas, aux amabilités échangées entre les
présidents ivoirien Laurent Gbagbo et français Jacques Chirac.

Comme l’a dit le président ivoirien lui-même, au terme de sa
visite à Paris, les relations entre les deux capitales sont
désormais "au beau fixe". Les deux chefs d’Etat ont montré des
gestes de complicité en public. Mais faut-il croire pour autant
que les nuages ont été totalement dissipés entre les deux
capitales ? Pas si sûr.

Laurent Gbagbo est allé signer un acte de mariage, en se
rendant à Paris ; un mariage de raison entre son pays et la
France, qui permet à l’enfant de Mama de repartir " heureux et
comblé". On peut comprendre sa satisfaction dans la
mesure où il semble avoir obtenu du président français, qu’il
partage la même longueur de vue que lui, à savoir, donner la
priorité, en ce qui concerne l’application des accords de
Marcoussis, à l’opération de désarment.

Si Laurent Gbagbo
tient au désarmement ainsi qu’au processus de
démobilisation et de réinsertion prévue par ces accords, c’est
qu’il croit que cette étape va préparer psychologiquement les
Ivoiriens pour l’application des réformes politiques contenues
dans les accords de Marcoussis. Tout comme Jacques Chirac,
Laurent Gbagbo opte donc pour reléguer ces réformes au
second plan.
Mais cette convergence de vues, à l’évidence, s’explique par les
nombreux intérêts qui sous-tendent les rapports entre la France
et son ancienne colonie .

Pas besoin en effet d’être grand clerc pour comprendre que si
l’opération de désarmement était effective en Côte d’ivoire, elle
arrangerait Laurent Gbagbo puisqu’il serait assuré d’avoir les
mains totalement libres pour gouverner. En somme, les
ex-rebelles parviendraient difficilement à menacer son pouvoir.
En embouchant la même trompette que son homologue ivoirien,
à propos du désarmement, Jacques Chirac passe là une sorte
de "deal" avec le président Gbagbo et par la même occasion, le
ménage.

Mais les intérêts bien compris ne se limitent pas là.
A Paris, Laurent Gbagbo s’est frotté aux hommes d’affaires
français. Il a profité de son séjour pour les inviter à venir investir
en Côte d’Ivoire. Il faut ajouter à cela qu’il a sollicité le
parrainage de la France pour appuyer son pays auprès des
institutions financières internationales. L’économie de son pays
étant en berne, c’était un pain béni pour le président ivoirien
pour la relancer, et ce dans la perspective des élections de
2005.

Nul doute que la Côte d’ivoire retournera l’ascenseur à la France
qui peut, dès à présent, être sûre que ses intérêts seront
sauvegardés sur les bords de la Lagune Ebrié. Un jeu dans
lequel chacun est gagnant.
Comment la France ne pencherait-elle d’ailleurs pas pour le
désarmement, elle qui sait qu’une fois la Côte d’ivoire
sécurisée, les nombreux investisseurs français seront attirés
par les grands marchés ivoiriens ?

Les Forces nouvelles qui,
bien entendu, ne sont pas sur la même longueur d’onde que
le camp Gbagbo, se sont plutôt prononcées pour l’application
des réformes politiques des accords de Marcousis, avant que
toute forme de désarmement ne soit engagée.
On peut comprendre cette position qui, du reste, est partagée
par l’opposition ivoirienne. IIs préfèrent que soient appliquées
tout d’abord les questions-clés des accords de Marcoussis,
notamment la loi sur le foncier , le code de la nationalité, la
réforme de l’éligibilité.

Bien prudente que cette attitude !
Qu’est-ce qui garantit effectivement que le chef d’Etat ivoirien
appliquera les réformes politiques consignées dans les
accords de Marcoussis, une fois les armes déposées ? En
position de force, Gbagbo saura-t-il respecter ses
engagements ? C’est tout un grand boulevard d’incertitudes que
les adversaires du président ivoirien ne veulent pas se hasarder
à emprunter. En outre, il est clair que désarmer alors que les
questions-clés des accords ne sont pas réglées, ne garantit
pas la paix et la sécurité en Côte d’Ivoire. Car des
ressentiments pourraient en naître si Gbagbo venait encore à
rouler ses adversaires politiques dans la farine, comme il sait si
bien le faire.

La logique voudrait que les réformes politiques priment sur
l’opération de désarmement. C’est peut-être dans ce sens que
l’ONU a posé un certain nombre de préalables à tout
déploiement des opérations de maintien de la paix en Côte
d’ivoire.
Par ailleurs, si la Côte d’ivoire veut retrouver véritablement le
chemin de la paix, les Forces nouvelles ont intérêt à ne voir que
l’essentiel, à marcher main dans la main, au lieu de se livrer à
des querelles de leadership.

Le Pays

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