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Football : Le dur problème du financement au Burkina

Publié le jeudi 16 mars 2006 à 07h33min

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Seydou Diakité, président de la FBF

Le sport à l’image des autres secteurs de la vie de la cité est dicté aujourd’hui par l’argent. Les infrastructures, le matériel et l’entretien des athlètes coûtent très cher, si bien que le simple fait d’avoir des talents ne suffit plus à faire de bons résultats. Il faut des budgets consistants et surtout permanents pour soutenir l’action et la perpétuer.

« Une équipe sportive est une entreprise qui doit être rentabilisée », nous disait un jour le président de la Fédération béninoise de Football de passage à Ouagadougou. La direction d’une structure sportive exige donc l’esprit d’entreprise c’est-à-dire poser des actes qui permettent de gagner de l’argent à travers les créneaux offerts par la discipline.

A partir de là, le sport n’a plus le seul caractère ludique qui procure le bien-être au pratiquant et le plaisir au spectateur. Il devient une activité économique à part entière où il faut arriver à équilibrer les budgets en recettes et en dépenses et si possible dégager des bénéfices.

Toutes les disciplines de l’économie moderne surtout le marketing qui permet de vendre des espaces à ceux qui ont besoin de visibilité devient indispensable.

Les structures dirigeantes du sport international qui ont su l’intégrer sont parmi les plus riches au monde. La FIFA (Fédération Internationale de Football Association) engrange plusieurs milliards de Dollars US avec la commercialisation des droits de ses compétions comme la Coupe du Monde, la Coupe des Confédérations, la Coupe du Monde des Clubs, féminine, du Futsal..... Pour la 18e Coupe du monde qui va se disputer du 9 juin au 9 juillet prochain en Allemagne, quinze (15) entreprises seulement sont autorisées à utiliser l’appellation « partenaires officiels de la coupe du monde FIFA 2006 ». Ce contrat les coûte entre 31 et 62 millions d’Euros environ 20 milliards 336 millions et 40 milliards 672 millions de F CFA. Qui dit mieux ?

Le Comité international olympique (CIO) n’encaisse pas moins dans la commercialisation des droits des Jeux Olympiques d’été et d’hiver qu’elle organise tout les quatre ans . Que dire des clubs surtout européens qui ont des budgets plus consistants que certains Etats africains. Ils font des joueurs les plus pauvres des milliardaires en l’espace de quelques saisons pourvu qu’ils aient le talent nécessaire pour s’exprimer sur un terrain de football. Sur le plan internationalle sport est une grosse machine à fabrique d’argent.

Le Burkina ne suit pas le mouvement

Au regard de ce qui précède, le Burkina est hors circuit. Le sport au Pays des Hommes des intègres est un pauvre mendiant qui ne vit que grâce à la générosité des pouvoirs publics et de quelques mécènes. Au début de chaque saison toutes les Fédérations se tournent vers le ministère des Sports et Loisirs pour recevoir les fonds nécessaires au démarrage du championnat. Même le football qui semblait jouir d’une certaine autonomie figure maintenant au rang des « mains tendues ». La preuve, il a fallu le geste du ministère pour que le championnat national commence le 17 décembre 2005. La FBF qui a perdu son sponsor entre temps n’avait pas les moyens pour entamer la compétition.

En plus du financement de l’équipe nationale, normal au regard de son statut, l’Etat burkinabè supporte les déplacements des clubs engagés en campagne africaine. Si ces derniers ne se faisaient pas sortir au premier tour comme ils en ont l’habitude, il est sûr qu’à un moment donné on va manquer de ressources pour achever les compétitions. C’est ainsi pour les autres disciplines. Pour un pays où le sport n’est pas une priorité, il y a des questions à se poser. Cela d’autant qu’au niveau des entités sportives, il y a comme un manque d’initiative dans la recherche de financement.

Restons dans la planète-foot pour étoffer notre réflexion puisque c’est le gouffre financier par excellence. Les clubs burkinabè sont pauvres et ce n’est pas une insulte de le dire. Pour la saison 2005-2006, l’ASFA-Yennenga présente le plus gros budget avec environ 150 millions de FCFA suivie de l’EFO avec 100 millions. Les autres n’ont que des broutilles pour ceux qui osent faire un budget sinon c’est la vie au jour au jour au gré des petits chèques reçus à gauche à droite de la part des mécènes. Les mauvais résultats sportifs sont le corollaire de ce manque d’argent pour financer la vie du club.

Le président d’une équipe de Bobo-Dioulasso aurait rendu le tablier la saison dernière parce que les victoires qu’elle enregistrait gonflaient le volume des primes de match et il ne pouvait plus payer. Cette saison, des joueurs auraient été remerciés pour avoir réclamé des primes de match. Comment peut-on être surpris si ces clubs se retrouvent en queue de classement dans le championnat ? Peut-on accuser la seule pauvreté du pays dans cette situation chaotique des entités ? Assurément non ! Les dirigeants ont leur part de responsabilité et elle est grande.

Le choix des dirigeants

De façon générale, les responsables se font élire de manière pompeuse lors d’Assemblée générale, le plus souvent de crise, en promettant de faire du club une référence sans aucun plan de financement préalable. Leurs certitudes sont basées sur de vagues promesses de soit-disant soutiens du club qui fuient d’ailleurs leur responsabilité le moment venu. Face à la réalité, le président ne sachant plus à quel saint se vouer laisse le navire aller à la dérive s’il ne le quitte pas avant le naufrage.

Beaucoup de dirigeants n’ont d’ailleurs aucune notion en administration du sport. Ils ont forgé leur connaissance par la simple fréquentation du milieu. Avec les liens d’amitié tissés, ils profitent de leur influence financière pour « se faire bombarder » présidents ou membres du Conseil d’administration. Evidemment ils ne mesurent pas dans un premier temps la lourdeur de la tâche. Ce n’est pas leur préoccupation. L’essentiel pour certains c’est de pouvoir à partir de l’instant de leur élection appeler un décideur de la cité sympathisante du club pour régler rapidement un problème de marché. Quand vient l’heure de faire vivre, leurs téléphones se coupent et c’est généralement une seule personne qui saigne sang et eau pour éviter la chute. Avec de telle méthode, il est impossible d’avoir des équipes fortes pour concurrencer les clubs comme ceux du Maghreb dont la vision des choses n’est pas loin des Européens.

Là-bas toutes les entités du club fonctionnent correctement. La commercialisation des produits dérivés comme les maillots des joueurs, les fanions et autres gadgets à l’image du club est une source de revenu consistante. Au Real Madrid d’Espagne, par exemple, rien que la vente des maillots des joueurs rentabilisent les gros transferts. Il faut ajouter l’apport des sponsors qui veulent voir leur logo sur les maillots ou placé des panneaux publicitaires autour du terrain pendant les matchs. Le club a ainsi un patrimoine qui lui assure sa survie et son développement.

Même si notre tissu économique ne permet pas de signer de gros contrats, on peut avec de meilleurs résultats récolter quelques millions sans entraîner la banqueroute chez certaines entreprises. Evidemment personne ne voudra coller son image à une équipe dont la défaite est le résultat le plus courant. Pour qu’une société engage son argent, il faut qu’elle trouve son intérêt.

C’est pourquoi les équipes d’Afrique du Nord sont et resteront la bête noire des clubs burkinabè comme soutiennent certains. Tant que les structures burkinabè ne s’organiseront pas pour atteindre un niveau de management assez élevé à même d’engendrer des formations fortes qui gagnent à tous les niveaux, nous pouvons résister face à ces équipes, mais le résultat final sera toujours en notre défaveur.

Changer les méthodes

Comme nous l’avons dit plus haut, le sport au Burkina est essentiellement financé par le budget de l’Etat. Si cette œuvre est salutaire parce que rentrant dans l’action républicaine de soutien à la jeunesse, il apparaît par moment comme un frein aux initiatives. Le Burkina est un des rares pays où le budget national finance la participation des clubs aux compétitions africaines. Ailleurs, ceux-ci assurent leur engagement et toutes les charges inhérentes à la compétition. C’est pourquoi, certains se retirent parfois après le tirage au sort parce que le budget n’a pas pu être bouclé. Si la décision de laisser les clubs se débrouiller dans les compétitions internationales était prise ou si le ministère des Sports décidait de ne prendre en charge qu’une partie des dépenses et l’autre à la charge du participant, il est sûr que les dirigeants développeront des initiatives pour trouver les moyens. L’assistanat n’est pas fait pour pousser les gens à l’action.

Evidemment comme l’Etat supporte les dépenses, les équipes n’ont aucun droit sur les recettes des matchs. Le ministère prend toutes les recettes comme contrepartie de son financement. Pourquoi les dirigeants des clubs vont se fouler la rate pour générer de l’argent dont ils ne disposeront pas ? Il faut mettre les patrons des clubs face à leur responsabilité. On ne peut pas vouloir faire de la haute compétition en attendant tout des autres.

Sur le plan international par exemple, la FIFA prône l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. C’est pourquoi, elle ne traite jamais avec les Etats. L’argent, il le prend auprès des entreprises qui ont besoin du football pour leur visibilité.
L’expérience a d’ailleurs montré que la trop grande présence de l’Etat dans le financement du sport engendre des abus.

Qu’est-il advenu de l’argent du compte promo sport qui recevait une partie des recettes du championnat national de football ? L’initiative nationale de soutien aux Etalons lors de la CAN 2004 a collecté plus d’un milliard de CFA. Cet argent n’a pas été entièrement utilisé pendant la campagne tunisienne où est le reste ? Certains chefs de mission ou de délégation généralement issus du ministère des Sports et Loisirs lors des sorties se débrouilleraient pour que les calculs tombent à zéro au retour quand bien même ils n’ont pas utilisé toute l’enveloppe reçue. C’est ainsi dans toutes les disciplines.

Les sportifs au nom de qui les sommes sont décaissées sont toujours les perdants. Lors d’une coupe d’Afrique des Nations, les primes d’un match amical joué à Ouagadougou ont été payées après le premier match des Etalons en phase finale et là aussi parce que les joueurs avaient menacé de ne pas jouer le deuxième. Ce genre de comportement est-il de nature à pousser les éléments à la victoire ?

Le financement du sport doit faire l’objet d’une profonde réflexion au Burkina. C’est la pierre angulaire de toute réussite. Tant que les clubs et les Fédérations attendront tout de la main généreuse de l’Etat, ce n’est pas demain qu’ils auront de grands résultats.

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 18 mars 2006 à 04:38, par Gerard En réponse à : > Football : Le dur problème du financement au Burkina

    Je partage plusieurs points de cet article comme la l’incompetence des dirigeants sportifs, le besoin d’equipes de qualite et la necessite de reflechir sur le financement du sport au Burkina et en Afrique.
    Mais sur plusieurs autres points comme la comparaison avec les clubs Europeens et la FIFA une analyse plus serieuse de ces vitrines du sport professionnel que sont le Real, Manchester et autre est necessaire pour pouvoir en faire des exemples.
    Comme le club de Bobo, de nombreux clubs professionnels sont au bord de la failite ou survivent financierement. De plus il y a ou a eu un investissement important de l’etat dans les infrastructures et la formation des cadres dans beaucoup de pays du monde.
    Nous avons en gros besoin de completement repenser notre sport local dans ses objectifs et son fonctionnement afin de le developper au point d’en faire une entreprise economique. La citation du President de la federation beninoise bien qu’applicable dans les pays industrialises ne peut s’appliquer qu’a de rares cas sur le continent encore moins au Benin. Comme tout autre industrie, pour faire du sport un business il faut du savoir faire, des competences, un produit de qualite, un marche et des infrastructures pour produire. En general nous n’avons que la matiere premiere mais tout le reste est quasi absent. Comment developper tout les autres aspects manquant se la demarche prioritaire qui par la suite menera a cette entreprise economique viable par elle meme.
    Je serait dispose a discuter avec l’auteur de l’article.
    Merci.

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