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Petite irrigation villageoise : Les enseignements du ministre Salif Diallo

Publié le jeudi 16 mars 2006 à 07h30min

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Au terme d’une tournée d’évaluation du paysage agricole burkinabè qui l’a conduit, successivement, au Centre-Ouest, au Sud-Ouest, dans les Cascades, les Haut-Bassins et la Boucle du Mouhoun du 10 au 13 mars 2006, le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques, Salif Diallo s’est entretenu avec la presse. Quelques enseignements de son périple.

Sidwaya (S) : Au terme de votre visite, quels enseignements tirer de ce que vous avez constaté sur le terrain ?

Salif Diallo (S.D.) :Cette tournée a été révélatrice des efforts consentis par les populations à la base. En 2001, j’ai parcouru la plupart de ces provinces et on était à des superficies très modestes allant de 5, 10, 20 ha. Aujourd’hui nous nous retrouvons avec des paysans engagés. Les superficies vont de 150, 200 voire 300 ha. C’est dire que l’irrigation de contre-saison tend à s’installer définitivement comme mode de production agricole dans notre pays.

Je profite pour saluer, au passage, l’engagement et la détermination des populations à la base. C’est vraiment impressionnant et magnifique de voir que le balbutiement du départ, ces paysans non seulement ont raffermi leur organisation d’irriguants mais également, les superficies emblavées ont pris de l’allure. Elles sont passées du simple, voire du triple à 10 fois.

Nous avons des sites où les paysans étaient à 10ha en 2001, aujourd’hui ils sont à 200, 250 ha avec des productions très développées parce qu’ils utilisent désormais des variétés à haut rendement.

Le second aspect, c’est l’organisation même des champs. Aujourd’hui, la tenue des champs est impeccable. Du point de vue des systèmes d’irrigation, même si ce sont des canaux en terre, ils sont bien entretenus.

Il y a aussi, l’utilisation de la fumure organique à beaucoup d’endroits, qui a aidé à accroître le rendement par hectare. La moyenne que nous avons trouvée dans les champs est de 5 tonnes à l’hectare concernant le maïs. L’autre dimension, c’est la diversification. Nous avons vu qu’en plus du maïs, aujourd’hui il y a une association maïs-niébé, maïs-manioc ou maïs-légumes. Cela est très important parce que les sources de revenus et la question de la mise en marché se posent de moins en moins. Les paysans eux-mêmes, en fonction du marché, reviennent produire pour satisfaire à la demande.

S : Par rapport aux spéculations, on remarque qu’on cultive un peu partout du tout sauf du mil. Pourquoi ne cultive-t-on pas du mil ?

S.D. : Non, le mil ne peut pas produire en saison sèche à cause de phénomènes biologiques. On ne peut pas pour l’instant, avec nos variétés d’ici produire du mil en contre-saison. La raison est toute simple.

S. : Vous avez fait mention tout au long de votre visite, du financement de la petite irrigation villageoise par la Banque mondiale à hauteur de 25 milliards de FCFA. De façon concrète, comment cet argent va-t-il être investi ?

S.D. : Nous sommes à ce stade de réflexion avec la Banque mondiale. Ce qui est sûr, à l’image de ce que nous faisons dans le cadre du Programme national de gestion des terroirs (PNGT), ce sont des projets qui vont être gérés directement par les producteurs à la base. C’est pourquoi, nous insistons sur leur organisation. Il n’y aura pas de projets centralisés depuis la capitale vers les producteurs mais chaque région, chaque province aura ses comités d’irrigants et les financements seront directement donnés à ces comités à travers, par exemple, les caisses populaires pour atteindre les objectifs pré-définis avec les encadreurs.

S. : L’irrigation, c’est d’abord de l’eau. Or, partout où vous êtes passé, il y a le problème de l’ensablement des points d’eau qui est revenu de façon récurrente. D’autres contraintes, telle que la divagation des animaux, se posent aux producteurs. Quelle est votre vision par rapport à la résolution de tous ces problèmes ?

S.D. : C’est vrai, l’ensablement des rivières et des barrages pose une difficulté non négligeable. En même temps que nous sensibilisons les producteurs à la production de contre-saison, nous essayons également de les sensibiliser sur la nécessité de protéger les berges. Nous avons indiqué, depuis au mois trois ans, qu’il fallait produire à partir de 300m donc, loin des berges pour éviter l’ensablement.

Deuxième aspect, il faut que les producteurs puissent planter des arbres pour stabiliser les berges afin que les éboulements ne puissent pas venir accroître l’ensablement des rivières et des barrages. Il faut aussi éviter de cultiver en amont des barrages ou des retenues d’eau. Il y a donc un certain nombre de mesures que nous proposons aux producteurs. Et de plus en plus, nous avons des moyens d’exhaure performants qui évitent d’aller dans les lits des points d’eau pour faire l’exhaure. Dans l’ensemble, la petite irrigation vient donner aussi une autre dimension à la protection des barrages et des rivières. De par le passé, quand on ne faisait pas ce travail, personne ne s’en préoccupait. Aujourd’hui, c’est devenu une dimension que nous avons intégrée dans notre travail.

S. : On peut dire que la phase-pilote de la petite irrigation villageoise est pratiquement terminée. Comment voyez-vous, finalement, le développement de la petite irrigation villageoise en termes de moyen de lutte contre l’insécurité alimentaire ?

S.D. : C’est pour cela que nous demandons le soutien de nos partenaires. Et à partir de ces moyens qui vont permettre aux producteurs d’étendre, d’abord, leurs superficies, d’acquérir des moyens plus performants, nous pensons que le principe d’instaurer une double production au Burkina est acquis. Un autre facteur intervient dans la poursuite du renforcement de cette dynamique. C’est la question du marché. Il faut que les producteurs trouvent des marchés pour écouler leurs productions.

Je pense que de plus en plus, il y a des propositions pour donc acquérir, soit le maïs de contre-saison soit les autres productions de contre-saison, pour le marché local et cela participe, à mon avis, du renforcement de la sécurité alimentaire dans notre pays. Actuellement, la demande même en moyens matériels pour s’installer dans le cadre de cette politique agricole, dépasse non seulement nos espoirs mais aussi nos capacités organisationnelles et matérielles. Nous avons vu dans les Cascades, tout au long du fleuve Comoé sur près de 100 km les paysans se sont installé et tous les groupements aujourd’hui se sont lancés dans ce travail.

Propos recueillis par Enok KINDO

Sidwaya

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