LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

FESTIMA 2006 : Le masque africain résiste au “tsunami culturel” de l’Occident

Publié le samedi 11 mars 2006 à 07h22min

PARTAGER :                          

Un masque ivoirien

Dédougou, chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun a vibré du 2 au 5 mars 2006 aux rythmes et sons de la 8e édition du Festival international des masques et des arts, initié par l’Association pour la sauvegarde des masques (ASAMA).

A l’occasion, le comité scientifique du festival a porté ses réflexions sur les « risques » que court le masque de nos jours et sur la coopération Sud-Sud dans le contexte de la mondialisation.

L’impressionnante foule qui se massait chaque jour aux abords du site officiel du FESTIMA, ne s’est jamais lassé des prestations des masques venus du Mali, du Bénin, du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et de la Suisse, durant le festival. En effet, ni le soleil, ni le vent n’a empêché les nombreux festivaliers de se délecter des spectacles offerts par les masques en feuilles, en fibres, en plumes ou en fourrures se produisant dans la journée.

Quant aux masques blancs ou de tissus, (selon la tradition, ils ne doivent jamais croiser les premiers cités) dansant uniquement la nuit, ils ont aussi émerveillé le public par leurs crêtes richement décorées de cauris et par leurs danses énergiques.

L’une des grandes attractions de ce festival, a été sans conteste, le « Zangbeto » béninois, masque protecteur de la nuit et gardien de la cour royale. Ce masque aux allures de toit de case se déplace tout seul, sans porteur.

Et cela, après un rituel fait de chants, de danses, d’incantations, de courses effrénées dont seuls les auteurs ont le secret. « Ce sont les esprits qui se déplacent », a précisé le chef de la délégation béninoise, Hermas Gbaguidi avant d’indiquer :»nous n’avons rien manigancé dans les couloirs. Tout le monde a pu constater que l’intérieur du masque était vide avant et après nos prestations ».

Sauver le masque

Fières de ces démonstrations de force et de puissance, les sociétés de masques en Afrique sont pourtant confrontées à d’énormes difficultés quant à la sauvegarde de ce patrimoine perçu comme le lien entre les ancêtres et le monde vivant.

En portant la réflexion sur « le masque en péril et coopération Sud-Sud », le Comité scientifique de l’ASAMA, composé de professeurs d’université et de chercheurs dans le domaine de la culture, entendait contribuer à l’identification de pistes pour la promotion de cette coopération « indispensable à la survie du masque dans le contexte de la mondialisation ».

Mais des causes principales du péril du masque africain, on note qu’elles sont liées à des facteurs endogènes et exogènes.

Au plan endogène, il s’agit notamment de la cupidité de gens de la société de masque ou de leur entourage à travers la complicité de fils de terroirs agissant dans le cadre d’un réseau international de trafic, la « folklorisation » du masque par ses principaux acteurs.

cela, s’ajoute la perte progressive d’acteurs clés (des responsables de masques sont de moins en moins au fait des choses sacrées).

Des facteurs exogènes, on retient, qu’ils sont surtout liés à une sorte de conflits de culture « dans lesquels certaines se veulent supérieures à d’autres » : éducation, acculturation et banalisation de la culture du masque, trafic illicite de biens culturels et de vols organisés des masques à destination de l’Europe à des fins commerciales, formatage mondial avec la culture numérique, à forte dose de cinéma et de télévision, l’exploitation de la pauvreté des vieux et des jeunes en vue de corrompre les valeurs séculaires.

La coopération Sud-Sud comme palliatif au péril du masque

Face à ces « pressions multiples », le Comité scientifique a reconnu la ténacité et le maintien de la culture du masque. Et cela, grâce aux anciens qui y croient encore. Dans cette logique de « résistance », la réflexion a aussi révélé qu’une certaine régénération à travers l’engouement des jeunes pour la culture du masque, est en train de s’opérer.

L’existence du FESTIMA dont la première édition a eu lieu en 1997, est l’une des illustrations de cette donne. Et des institutions internationales comme l’UNESCO, la Francophonie appellent à la reconnaissance des différences culturelles. Au regard de toutes ces données, la coopération Sud-Sud comme palliatif à la dérive des masques a été fortement encouragée.

Elle se fonde sur le fait que l’Afrique et certains pays d’Amérique Latine ont des origines communes. « Des Brésiliens reviennent au Bénin se ressourcer. Et leur apport dans la sauvegarde de la culture du masque peut être bénéfique », soutient Mafi Kondé du Comité scientifique de l’ASAMA. La tenue de la 8e édition du FESTIMA a coïncidé avec le Xe anniversaire de la manifestation.

A l’occasion, le parrain du FESTIMA 2006, Luc Adolphe Tiao, président du Conseil supérieur de la communication a salué les efforts de l’ASAMA qui « se bat avec courage et abnégation pour conserver, défendre et promouvoir ce patrimoine qui demeure encore le reflet de l’identité d’une bonne partie de nos populations ».

Gabriel SAMA et Joël ZOUNDI (Stagiaire)


Dans les coulisses du FESTIMA 2006

* Masques « godeurs » et mendiants

Lien entre les ancêtres et le monde des vivants, le masque devrait forcer admiration et respect. Mais hélas ! Lors du FESTIMA 2006, des sociétés de masques ont « dopé » leurs « éléments » en liqueurs frelatées et en dolo, afin que ceux-ci « donnent bien » lors de leurs prestations. Il a été aussi donné de voir, un masque de retour à son site d’hébergement, faire « escale » dans un débit de boisson, quémander aux clients, une pièce pour manger. N’est-ce pas là les signes du péril ?

* Le « Show » de Tankien

Invité à descendre dans « l’arène » pour une démonstration de danse, en compagnie des masques de Dédougou, le secrétaire exécutif de l’ASAMA, Tankien Dayo, s’est exécuté après quelques moments d’hésitation. Malgré la brièveté de son « show », l’organisateur en chef du FESTIMA a eu droit à des applaudissements nourris de la part de l’assistance.

* Les Suisses ont eu chaud

Présents dans le cadre du FESTIMA 2006, les Suisses ont eu doublement chaud. D’abord, à travers leurs masques de fourrures qu’ils ne portent que pendant l’hiver dans leur village d’Evolène. Ensuite, en visitant Dédougou, ils se sont égarés et ont été conduits à leur lieu d’habitation par des habitants qu’ils trouvent accueillants.

* Amoureux du Burkina et de la culture

M. et Mme Christopher Roy, sont des Américains qui ont foulé le sol du Burkina en 1970 pour la première fois. Retourné aux USA, il y a seulement quelques années, M. Roy enseigne l’histoire de l’art africain et principalement burkinabè à l’université de Iowa. Présent au FESTIMA, M. Roy a confié que c’était une aberration que des Européens disent à des Africains de brûler leurs masques.

* FESTIMA News, le bulletin quotidien du festival

Une première au FESTIMA. L’édition d’un bulletin quotidien du Festival, donnant des informations sur le déroulement de la manifestation. Vendu à 100 F CFA, le FESTIMA News avait la particularité d’être animé par trois correspondants de trois quotidiens à Dédougou : Sidwaya, Observateur et l’Express du Faso.

* De l’ambiance à gogo

Le FESTIMA, c’était aussi, le marché des communautés, sorte de galerie marchande où étaient exposés des objets artisanaux, et les soirées-cabarets se tenaient de 21 h à l’aube. Ces deux endroits constituaient une destination prisée pour les nombreux festivaliers au regard de l’ambiance musicale, et des bouteilles de « mousse » disponibles.

G.S.

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Dédougou : Le FESTIMA 2024 officiellement lancé
Dédougou : Le festival des masques signe son retour
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel