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Mme Jocélyne VOKOUMA, Secrétaire générale du MPF : “ Au delà du folklore... la fête du 8 mars révolutionne les mentalités ”

Publié le mercredi 8 mars 2006 à 08h31min

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Jocélyne Vokouma

Demain sera célébrée dans le monde entier, la Journée internationale de la Femme. Au Burkina, l’événement est placé sous le thème : « Femmes et lutte contre la pauvreté » c’est pour savoir sous quels auspices les femmes burkinabè allaient célébrer leur Journée que nous sommes allés nous entretenir avec Mme la Secrétaire générale du ministère de la Promotion de la Femme.

Dans cette interview, elle nous parle du thème et des motivations qui ont prévalu à son choix. Elle revient également sur les grands axes du bilan à mi-parcours du département.

Quelles sont les motivations qui ont prévalu au choix du thème ?

Mme Jocélyne VOKOUMA (JV). Le thème de cette année porte essentiellement sur « Femmes et lutte contre la pauvreté » au plan national et, au plan international, c’est « Femmes et prise de décision ». Dans tous les cas, il est question du pouvoir de la femme comme méthode de renforcement de ses capacités. Nous attendons donc à travers cette thématique interpeller et expliquer à l’opinion la spécifique vulnérabilité des femmes liée à cette question de pauvreté. Je le dis et j’insiste, quand une femme est pauvre, elle ne gère pas cette situation de la même manière que l’homme. Parce que la femme est un être un peu fragilisé par les traditions de par le modèle qu’elles ont voulu qu’elle soit pour répondre à ses canaux de telle sorte que, cela la fragilise. Quand on parle de fragilité, il faut voir un peu de cette peur du lendemain, les nuits blanches au nom de la responsabilité quelque part centrale que la femme a au sein de la famille.

De ce fait, même si la tradition ne la reconnaît pas en tant que telle, comme la responsable du ménage, c’est dans tous les cas, derrière cette responsabilité qui est reconnue à l’homme que la femme se trouve principalement chargée des tâches quotidiennes ; et lorsqu’elle n’a pas de quoi subvenir aux besoins essentiels du ménage elle peut passer une mauvaise nuit pour ça.

Tout cela est lié à une absence du pouvoir économique chez les femmes d’une manière générale. Elle a besoin d ‘être autonome sur tous les plans pour se développer ; ça c’est très important. Elle ne lie pas sa vie à l’argent, mais reconnaissons que, par rapport à cette problématique du développement le pouvoir économique des femmes joue un rôle important. Sur le plan économique au plan général, elles sont démunies en ce que la terre représente en tout cas un moyen de production essentiel qui confère une position dominante en terme de pouvoir, que les femmes n’ont pas, à cause des considérations socioculturelles.

Nous sommes donc dans une phase de plaidoyer et ce 8-Mars 2006 sera l’occasion d’amener la société, l’opinion nationale à comprendre la nécessité de renforcer les moyens et les pouvoirs d’actions des femmes. La terre, à la limite, confère du capital et du travail, en tout cas elle confère une richesse et le fait d’avoir sa propre portion de terre à travailler est un signe de richesse. Alors que plus de 70 % des femmes interviennent dans notre pays dans le secteur agricole, pour plus de 80 % qui vivent dans le milieu rural.

Si on veut donc faire une interprétation politique de cette situation, c’est que plus de la moitié de la population qui est sensée travailler la terre n’en est pas le maître. Ce qui est un véritable problème parce que la paupérisation particulière dont les femmes sont victimes trouve son fondement dans cette situation inégalitaire. Il est donc plus que urgent de réparer puisqu’on parle de développement, on parle de progrès national.

Qu’est-ce qui sera fait le 8-Mars 2006 pour marquer la solennité de la Journée au plan national ?

JV : Si comme je viens de le dire, il est utile de mettre aussi l’accès sur cette solennité, l’essentiel c’est surtout d’insister sur la présence massive des femmes dans le travail agricole, dans le monde agricole. Ce qui nous a interpellé à dire que la fête commence d’abord par le « monde rural ». Nous avons voulu impliquer les femmes dans le processus de décentralisation qui est une action politique et qui voudrait que la fête fasse le tour du Burkina : nous avons été à Gaoua, Ziniaré, et nous serons à Kaya cette fois-ci.

Nous sommes donc en train d’amener cette fête un peu partout dans le milieu rural afin d’amener toutes les couches de la population à s’impliquer et à s’approprier cette fête. Et au-delà du folklore qui lui est reproché, elle révolutionne les mentalités, impose la femme, rappelle la place qu’elle a et ce n’est pas seulement de la célébration, c’est de l’interpellation, c’est de l’introspection en terme d’impact et c’est cela aussi un des résultats de la commémoration de cette Journée.

Nous fêtons donc cette année officiellement à Kaya, mais en même temps toutes les localités du Burkina ont été instruites pour organiser la célébration de la Journée de façon simultanée. C’est à dire qu’en raison de cette pauvreté des femmes, il ne sera pas judicieux qu’une femme, en plus de l’ambiance de la fête se sente obligée de se déplacer d’une province à une autre, quitter Ouargaye pour Kaya pour sentir le 8 -Mars. Dans toutes les localités, toutes les femmes seront à la fête. C’est aussi une manière d’impulser une certaine solidarité entre les femmes du monde urbain et les femmes du monde rural.

Si vous devez, madame la Secrétaire générale, retenir des actions de votre département qui participent de façon efficiente à l’épanouissement et l’émancipation de la femme burkinabé, que diriez-vous ?

J. V : En terme d’actions, principalement, nous parlerons de la politique nationale de la promotion de la femme adoptée en conseil des ministres en faveur des femmes. C’est dire qu’au jour d’aujourd’hui, toute personne au plan national comme international qui veut ou qui voudrait faire quelque chose pour la femme dans notre pays, a un cadre d’orientation. Ça veut dire que, quand on parle d’émancipation, il faut travailler au développement de la femme burkinabè et à sa promotion. C’est très important de le souligner parce que nous convergeons vers les mêmes priorités.

Dans cette politique, il est défini 6 axes qui sont :
- l’amélioration du statut social et juridique de la femme ; la promotion de la femme dans les sphères de décision, est question au plan international en ce moment. Donc le Burkina, par rapport à cette politique, est à jour vis-à-vis des priorités internationales ;
- la politique de la promotion de l’éducation des femmes comme 3e axe,
- le renforcement de l’expertise féminine ;
- la promotion de la santé de la mère et de l’enfant ;
- la réduction de la pauvreté des femmes ;
- et enfin le 6e axe est le renforcement des mécanismes institutionnels.

Outre cette politique nationale, le ministère depuis sa création est à son troisième plan d’action. Il faut dire également que les projets varient en fonction des plans qui sont tous pertinents et le dernier s’inspire des objectifs stratégiques de la politique nationale de promotion de la femme que sont les mêmes éléments que j’ai définis, mais traduits en programme.

Toutes choses qui font que nos actions sont basées sur la sensibilisation, l’information, le développement de stratégies et la célébration du 8-Mars fait partie des stratégies de promotion de la jeune fille et de la femme que le ministère développe pour montrer la nécessité et l’importance que représentent les femmes dans l’échiquier national. Cette politique et cette méthodologie permettent et à l’Etat et à ses partenaires de faire progresser cette cause.

Dans la mise en œuvre de cette politique, le ministère a pu équiper les femmes en technologie : machines à coudre, concasseur, broyeurs, pour la production de karité, etc. Toute chose qui résulte d’une tournée d’échange dans les 45 provinces du pays pour recueillir les besoins des femmes. L’objectif est de travailler dans la dynamique d’une autonomisation totale de la femme. L’un des acquis aussi qu’on peut souligner, c’est le renforcement des capacités organisationnelles des femmes, qui voudrait qu’elles soient aujourd’hui organisées en association.

Pour ne citer que ces actions majeures au-delà desquelles nous avons aujourd’hui 13 directions régionales également qui sont la preuve matérielle de la politique de rapprochement du ministère vers les femmes dans les coins les plus reculés du pays. Aujourd’hui avec le ministère d’une manière générale, les femmes savent qu’elles ont un cadre de concertations, d’orientation qui coordonnent les activités.

Qu’est ce que le ministère fait pour résoudre le problème des clichés négatifs dans les publicités et autres qui portent atteintes à l’image de la femme burkinabè ?
J V : Nous avons une direction qui est chargée de suivre de près ces questions. C’est la Direction de l’habilitation et du plaidoyer. Vous savez, de manière générale, les traditions n’ont pas pour autant travaillé à véhiculer une image officiellement positive de la femme.

La manière dont les gens avaient l’habitude de regarder la femme, de la traiter, a aussi évolué au regard en tout cas de tout ce que nous nous faisons et des engagements que l’Etat prend pour améliorer la situation de la femme. Le ministère a commandité en 2000 une étude sur les stéréotypes liés au statut de la femme qui a permis de répertorier des données qui mettent en exergue la vision de l’opinion traditionnelle favorisant une circulation des images négatives de la femme.

De là, l’on se demande si ce n’est pas parce que les traditions ont travaillé à véhiculer une image négative de la femme, que les femmes ou les filles sont capables toutes aujourd’hui de se valoriser.

Elles n’ont même pas conscience que ce qu’elles pensent faire de positif puissent se retourner contre elles.
Par exemple, quand on leur demande d’être actrices de cinéma, c’est la plus belle offre qui leur arrive de prime à bord. Avant l’argent, c’est d’abord la manière dont le rôle d’actrice va les amener à sortir devant l’écran, à être reconnue.

Cela peut découler du fait qu’elle a toujours été dévalorisée par rapport au garçon, de sorte qu’elle veut montrer aux yeux de tous ce dont elle est capable. A notre niveau donc, avant de dire que ce n’est pas une bonne chose, nous essayons d’abord de rentrer dans l’esprit motivateur de ces filles pour comprendre. On dirait qu’elles ont envie au jour d’aujourd’hui, de prouver quelque chose à la société qui les a désignées depuis toujours.

Généralement au plan juridique, on n’attaque même pas ces filles. Ce ne sont pas des questions faciles, c’est pour ça que la Direction de l’habilitation et du plaidoyer femme s’y attelle Autant donc nous visons l’évolution des mentalités chez les hommes autant c’est le cas chez les femmes. C’est très difficile de faire comprendre à certaines que le fait d’exposer le corps n’est pas une bonne chose.

Nous nous entendons donc au-delà de cette étude, sensibiliser, informer parce que nous sommes constamment interpellés tant sur le mode vestimentaire des filles qui entache leur image sur les autres comportements. Mais il faut reconnaître que c’est une petite majorité même si cela ne peut pas être pris à la légère. Il vaut donc mieux prévenir que guérir et nous sommes dans la phase de prévention.

Interview réalisée par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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