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Place des femmes dans la politique : Laisser le temps faire son œuvre

Publié le jeudi 2 mars 2006 à 07h54min

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Dans son plan stratégique (2004-2007), le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) fait de la participation politique des femmes un point d’honneur. Il est convaincu que le renforcement de la représentation des femmes dans la vie politique contribuera, sans doute, à donner une autre « saveur » au processus démocratique en cours dans notre pays. La question qui se pose alors, c’est comment faire pour atteindre cet objectif primordial ?

Selon une enquête menée par le CGD, la majorité des Burkinabè est pour la participation politique et la représentation des femmes dans les sphères de décisions. Une position qu’il convient de saluer. Cependant, il faut aller au-delà des bonnes intentions et c’est là toute la problématique.

En effet, si pour certains, il faut un quota ou une loi, d’autres penchent pour des mesures incitatives. A propos de loi sur la question, il faut reconnaître avec cette dame, membre du CGD qui le soutenait lors de la dernière rencontre du centre à l’hôtel Splendide : au Burkina Faso, il y a suffisamment de textes et de lois en faveur des femmes. Le problème n’est donc pas à ce niveau, mais au niveau de leur application. Alors, faut-il en pondre d’autres qui rejoindraient le bac de la multitude qui y stagne ? Si la question est d’importance, elle l’est encore plus lorsqu’on sait qu’on est dans un domaine très délicat où le choc des ambitions rythme le quotidien : la politique.

En politique, comme dirait l’autre, tout est permis sauf se laisser surprendre. Les acteurs politiques tiennent à tirer, chacun pour lui ou son parti, le maximum de dividendes de toute situation ; aussi les lois sont-elles diversement interprétées et le législateur boudé si sa décision ne va pas dans le sens voulu autrement dit, à son profit. Une loi discriminatoire en faveur des femmes arrangera-t-elle véritablement leur sort en politique ? Rien n’est moins sûr.

D’ailleurs, concrètement sur le terrain, à voir la configuration des partis, celle-ci trouvera des écueils quant à son application effective même si tout le monde l’acceptait. En effet, si on s’en tient aux propos d’un responsable politique de l’opposition qui disait que le CDP a pris toutes les femmes, on devine aisément les difficultés que les autres formations politiques rencontreront pour respecter un éventuel quota.

Le problème vu sous un autre angle mérite réflexion et celle-ci ne sera pas à l’avantage des tenants de la position militant en faveur de la légifération sur les questions de quotas. Les partis politiques se créent pour la conquête du pouvoir et quand ils vont à des élections, c’est dans la perspective de les gagner. Doivent-ils être limités dans leurs actions ou la loi doit-elle leur imposer le choix des acteurs devant mener à bien leurs ambitions ?

Situation cornélienne quand on la sait contraire aux principes démocratiques. C’est pourquoi d’ailleurs, la question du député Achille TAPSOBA du CDP reste pertinente : « un parti se présente-t-il aux élections pour gagner ou pour respecter des quotas ? » Ainsi dit, le risque est grand de ramer à contre-courant des principes démocratiques en voulant corriger mécaniquement une iniquité.

Là-dessus, c’est le même député, Achille TAPSOBA qui propose une alternative qui s’avère un véritable chantier sur lequel devront besogner dur toutes les composantes de la société et, il faut le dire, les femmes au premier chef, citons-le : « il faut agir sur les causes et les effets à la fois pour résoudre le problème de la faible participation des femmes en politique ».

C’est dire donc qu’il faudrait intégrer le problème de la représentation en politique des femmes à l’ensemble de la problématique de la place de la femme dans notre société. De véritables efforts sont à faire sinon, il va toujours se poser « le problème de nombre de femmes pour occuper les postes » comme le laissent entendre certains qui pensent à l’hégémonie du parti majoritaire qui attire dans ses rangs la plupart des femmes.

Que faire ?
Au Burkina Faso, près de 52% de la population est féminine. C’est donc dire qu’en toute logique la question du nombre ne devrait pas se poser pour justifier la quasi-absence des femmes aux postes électifs. Des réalités autres sont des freins à la participation effective des femmes à l’animation et la gestion de la chose politique. Une loi peut-elle par exemple faire oublier qu’elles sont les plus frappées par l’analphabétisme et la pauvreté ? A cela il faut ajouter, les « tares » culturelles et autres stéréotypes à leur égard.

Un énorme travail s’impose pour améliorer les conditions d’existence de la femme et pour changer la perception que la société a d’elle. C’est à ce prix qu’elle pourra occuper la place qui doit être sienne sans qu’on soit obligé de recouvrir à des « artifices » pour l’y faire accepter.

Les réalités socioculturelles ont la peau dure et les faire évoluer dans le sens souhaité ne relève pas du miracle mais d’un processus dialectique. C’est pourquoi la question de la participation politique des femmes doit être un programme intégré dans les perspectives de tous : Gouvernement, formations politiques, société civile, presse, etc.

Une loi pour fixer des quotas c’est peut-être bien, mais elle pourra créer plus de problèmes qu’elle n’en resoud.
Le temps, comme il le fait pour toutes les choses, aidera à changer positivement les mentalités et la nécessité s’imposera d’elle-même. D’ailleurs, il faut reconnaître que les choses bougent dans le bon sens. En effet, on constate que la représentation politique des femmes aujourd’hui est bien différente de celle d’hier. De 1959 à 1974, on avait 0 femme au gouvernement et 1 à l’Assemblée (1959-1965) veuve Daniel Ouézzin COULIBALY.

Aujourd’hui, on compte 13 femmes à l’Assemblée et 5 femmes dans le gouvernement. En 2002, on avait 4 hauts-commissaires, 3 ambassadrices...bref, la donne est en train de changer positivement au profit des femmes et de la démocratie. Ce serait donc une grosse erreur de penser que, comme une baguette magique, la loi peut résoudre le problème.

Laissons donc le temps au temps, comme dirait l’autre. Ne dit-on pas d’ailleurs que le temps est un allié ? Et que ce que femme veut, Dieu le veut ?
« Emanciper la femme c’est excellent ; mais il faudrait avant tout lui enseigner l’usage de la liberté ». C’est Emile ZOLA qui l’a dit.

Par Ben Alex BEOGO

L’Opinion

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