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Municipales : Les papiers en retard

Publié le vendredi 24 février 2006 à 07h16min

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Pas de bilan, pas de projet, l’élection municipale finit par ressembler à une sorte de pêche miraculeuse dans laquelle on laisse l’électeur sans repère et à la merci du premier tribun. Le comble est qu’en choisissant telle ou telle liste, le citoyen ne sait même pas à qui il accorde son suffrage pour être maire, puisque les candidats à cette fonction ne se déclarent pas à l’avance...

Au propre comme au figuré, les partis politiques se jouent de la confiance des électeurs en abusant de leurs suffrages.

Peut-on enfin faire sienne la maxime « alea jacta est » à propos des élections municipales du 12 février 2005 d’abord reportées au 12 mars 2006 puis au 23 avril 2006, pour dire que le sort en est jeté et qu’elles auront lieu à cette date quoi qu’il advienne ? On peut l’espérer tant les péripéties du dernier report ont laissé des traces et il faudra réfléchir à plus d’une fois pour en oser un autre.

A moins d’un cataclysme donc, le 23 avril prochain les électeurs se rendront aux urnes pour élire leurs conseillers municipaux, lesquels en feront de même quelques jours plus tard des bureaux de leurs Conseils municipaux et surtout de leurs maires et présidents de région. Alors le processus de décentralisation aura fait un pas de géant dans la mise en œuvre de l’option d’une communalisation intégrale inscrite dans la loi 0055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code général des collectivités territoriales. D’ici là beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et, espérons-le, suffisamment pour diluer les rancœurs engendrées par la bataille électorale et les luttes de positionnement au sein des partis politiques.

Ce ne sera pas chose aisée car des tempêtes, il y en a eu et il y en aura encore, la faute certes au jeu politique et aux problèmes organisationnels au sein des partis politiques mais aussi et surtout aux difficultés que ceux-ci éprouvent à se mettre au diapason des réformes politiques et institutionnelles. En effet, à bien d’égards on a l’impression que les élections prochaines ont surpris la classe politique et on est enclin à être d’avis avec ce responsable de parti qui assure que même si on les reportait de 10 ans on trouverait encore des acteurs qui ne seraient pas prêts.

En réalité la philosophie de la décentralisation peine à entrer dans les pratiques de nos formations politiques comme si la démocratie qu’elle soutend n’est pas encore pleinement acceptée par tous. Du premier au dernier parti de l’échiquier politique, de l’opposition au pouvoir, on donne la nette impression d’être dépassé par le phénomène et de livrer des combats d’arrière-garde en refusant à ses démembrements l’autonomie relative qu’induit la décentralisation. Le centre veut toujours tout régenter en dépit des réalités d’un contexte tout à fait nouveau qui prend corps avec le discours de l’Etat sur la nécessité pour les populations à se prendre elles-mêmes en charge tant au niveau de la détermination de leurs projets que de leur exécution.

C’est ce qui est clairement apparu à travers les remous qu’ont entraînés les confections de listes. C’est à croire que l’expérience des 10 ans des 33 communes urbaines existantes n’a servi à rien. En effet, on n’a jamais vu un parti faire le bilan de l’action de ses conseillers et en tirer les conséquences.

A preuve, malgré leurs fautes de gestion graves, de nombreux maires ont continué à garder la confiance de leur parti et n’ont rendu compte que grâce à l’Etat. Dans le même ordre d’idée, on n’a jamais vu un parti orienter les actions au niveau d’une mairie. Il en découle qu’à chaque renouvellement, les uns et les autres se battent d’eux-mêmes pour se retrouver sur les listes de candidats des partis sans avoir rendu compte.

En l’absence de bilans, tant des conseillers que des maires, c’est à la tête du client que les décisions ont été prises, ce qui tout naturellement a engendré des frustrations plus ou moins importantes dont les résultantes ont été les crises observées ici et là. Dans le même sens, aucun parti ne propose réellement de projets sur lesquels il demanderait l’adhésion des populations. On bat donc la campagne autour des partis.

Quand on sait le peu de cas que ceux-ci font de la décentralisation dans leur programme, pour les rares qui en ont, on mesure l’étendue du désastre. Comme pour compliquer la situation tout au plus on se mobilise autour d’individus populaires n’ayant aucune qualification particulière pouvant justifier de leur faire confiance dans la conduite des affaires de la cité. On ne propose donc rien de concret aux électeurs alors que ceux-ci sont censés choisir entre des citoyens qui promettent travailler à leur bonheur.

Pas de bilan, pas de projet, l’élection municipale finit par ressembler à une sorte de pêche miraculeuse dans laquelle on laisse l’électeur sans repère et à la merci du premier tribun. Le comble est qu’en choisissant tel ou tel liste, le citoyen ne sait même pas à qui il accorde son suffrage pour être maire, puisque les candidats à cette fonction ne se déclarent pas à l’avance. C’est comme si on lui demandait de voter et d’aller voir ailleurs. Une véritable arnaque ou en tout cas un abus de confiance qui ne dit pas son nom. Au propre comme au figuré, les partis politiques se jouent de la confiance des électeurs en abusant de leurs suffrages.

Après tant d’années d’expérience avec les 33 communes urbaines avouons que c’est un peu trop fort d’autant qu’on semble vouloir persévérer dans cette voie. Il est proprement inconcevable qu’au soir du 23 avril prochain et, pire, qu’à la proclamation des résultats, les électeurs ne sachent pas qui seront les maires de leurs localités et devront pour cela attendre le bon vouloir des conseillers pour ne pas dire les coups fourrés qu’ils se joueront les uns les autres puisque depuis un certain temps la discipline de vote au sein des partis est une des choses les moins bien partagées.

A tout le moins, on dévoie ainsi dès le départ certains objectifs de base de la décentralisation et il est tout à fait normal qu’au bout des courses, les résultats en terme de démocratie et d’adhésion des populations soient mitigés. On gagnerait quelque part à faire davantage confiance aux populations et à jouer franc jeu avec elles. A défaut, le retour de bâton va être particulièrement douloureux car tout échec du processus de communalisation intégral en cours aura des répercussions incontrôlables sur le paysage socio-politique et économique.

Alors, il serait temps que les états-majors des partis politiques lâchent un peu la bride. Ce serait simplement se conformer à l’esprit de la loi 055-2004 et faire leur part de boulot. On ne leur demande pas plus.

Par Cheick AHMED

L’Opinion

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