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Moulaye Saba, Président du MBDHP/Yatenga : "Nos conseillers municipaux ignorent leur rôle"

Publié le vendredi 24 février 2006 à 07h01min

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Moulaye Saba, président de la section MBDHP (Mouvement
burkinabè pour la défense des droits humains et des peuples)
du Yatenga, donne ici son point de vue sur le bilan de la vie du
Conseil municipal de Ouahigouya dont le mandat tire à sa fin. Il
aborde également, entre autres, les relations qui ont existé entre
sa structure et le conseil.

Le Pays : Quel est votre avis sur la vie du Conseil municipal de
Ouahigouya au cours de ce dernier mandat ?

Moulaye Saba : Le Conseil municipal mis en place depuis 2000
était effectivement en droit d’exécuter les missions qui lui
avaient été confiées. Au niveau du MBDHP/Yatenga, nous avons
eu des relations assez privilégiées avec les membres du
Conseil municipal, surtout le premier responsable et ses
adjoints dans le cadre notamment surtout de nos activités
ordinaires.

Mais, d’une manière générale, notre appréciation, au
vu des événements qui ont jalonné la vie de ce conseil, est la
suivante : dans un premier temps nous disons que la
démocratie a prévalu parce que les sessions du conseil se sont
organisées régulièrement ; il y a eu des réalisations qui ont été
faites dans le domaine économique comme dans le domaine
social. Il y a donc eu un renforcement des acquis du premier
conseil de 1995-2000. Par contre les insuffisances que nous
notons sont liées au dialogue qui doit s’instaurer entre le
Conseil municipal et la société civile et qui n’a pas été
permanent.

Ensuite la transparence entre le Conseil municipal
et la population doit régner davantage. C’est en août que le
maire, par la voie des ondes, a eu à présenter son bilan à la
population. C’est bien, mais ce bilan doit être régulier et
décentralisé au niveau des secteurs, parce que les conseillers
ont reçu mandat de leur base pour répercuter leurs
préoccupations et trouver les moyens d’ensemble pour
résoudre les principales difficultés que rencontrent les
populations dans leur vie quotidienne et dans la gestion de la
cité.

Je pense que les uns et les autres apprennent ce que c’est
que la démocratie à la base. Mais il faut reconnaître que dans
toute œuvre humaine de ce genre il y a beaucoup de
contraintes ; les populations ne comprennent pas ce que c’est
que la décentralisation, quel est leur rôle dans ce processus, et
la mairie non plus n’a pas fait l’effort nécessaire pour que les
populations s’approprient les différentes dispositions
concernant la décentralisation.

La tâche est essentiellement
dévolue à la société civile pour expliquer ce qui se passe au
niveau du Conseil municipal. Nous pensons également que
l’aspect social n’a pas été largement pris en compte. La
dynamique n’a pas été claire en la matière et les populations
continuent de souffrir du manque d’infrastructures éducatives et
sanitaires.

La mairie devrait inscrire ces volets comme des
priorités. Du reste, dans l’exécution du programme de ce
Conseil municipal, il a été construit des CPGS (ndlr, Centre de
promotion et de gestion des secteurs) mais, jusqu’à présent,
rien ne s’y passe. C’est comme si c’était des centres de plus et
qui n’ont servi à rien

Mais que pensez-vous de la composition même de ce Conseil
municipal qui n’a essentiellement que deux couleurs
politiques ?

Ce n’est pas la couleur politique qui importe mais le
programme. D’aucuns diront que les partis politiques ont le
devoir de présenter leur programme aux populations, à leurs
militants. Et jusqu’à présent, en tout cas, nous ne savons pas ce
que tel ou tel parti ambitionne pour la commune de Ouahigouya,
alors il est très difficile de se prononcer là-dessus. Sur le terrain,
nous attendons des hommes qui mettent en œuvre des
programmes pour le développement des populations du
Yatenga, et qui prennent en compte tous les domaines qui
intéressent les droits humains, parce que la trilogie démocratie
à la base, respect des droits humains et développement doit
être toujours maintenue.

On ne peut pas se développer sans
démocratie et il n’ y a pas de démocratie sans respect des
droits humains, et nous souhaitons que les partis politiques qui
sont en compétition pour les prochaines élections municipales
aient beaucoup plus d’égard pour le respect des droits
humains, et qu’ils se mettent au service des populations et non
à leur propre service. C’est dans ce sens justement que nous
déplorons le fait que les conseillers municipaux ne connaissent
même pas leur rôle, et ce depuis le premier mandat. Ils n’ont
pas la capacité nécessaire pour remplir leur mission ni au
niveau du secteur ni, au niveau du Conseil municipal.

A écouter
les délibérations du conseil, on s’en rend compte. Nous avions
en son temps remarqué qu’il était reproché à l’ancien maire
Issa Joseph Diallo de prendre les décisions tout seul. A ce
niveau je pense que c’est soit la démocratie qui n’a pas été
respectée au sein du conseil, soit ce sont les conseillers qui ne
connaissent même pas toutes leurs attributions.

N’y a-t-il pas une absence de concertation entre la société civile
et le Conseil municipal, ici à Ouahigouya, chose qu’avait
reconnue le maire au cours d’une précédente interview ?

Cela est dû au fait que l’appropriation du rôle d’élu local n’est
pas encore fondamentale dans l’esprit de nos élus. Quand on
dirige un Conseil municipal, on se doit de mobiliser toutes les
énergies nécessaires pour le développement de sa cité. Le
premier pas doit venir de nos autorités municipales qui se
doivent de toucher toutes les forces en présence afin de parvenir
soit par des suggestions, soit par des idées ou par des
soutiens multiformes, etc., à créer donc une synergie d’actions
pour que les problèmes soient résolus au niveau local.

Alors la
société civile peut intervenir parce qu’on a besoin d’elle. Et la
société civile prend en compte toutes les aspirations de la
population. Malheureusement, la plupart du temps, lorsque la
société civile avance des revendications qui émanent de la
base, on pense que c’est de la diversion ou de la subversion.

Donc le dialogue n’a pas été franc dès le départ parce que les
contacts étaient empreints de suspicion de part et d’autre. C’est
pour cela que nous disons que nos organisations ne se
préoccupent pas de la couleur politique de ceux qui occupent
les postes de conseillers municipaux. Il y a la loi qui oriente la
décentralisation et sa mise en œuvre. Si on s’en tient donc à
cette loi, tout ira bien. En ce moment la société civile viendra
seulement en appoint. C’est du devoir même du Conseil
municipal de faire appel à la société civile.

Je prends l’exemple
de l’arrachage des panneaux (ndlr, en juin dernier la mairie de
Ouahigouya avait procédé à l’arrachage de certains panneaux
publicitaires ou indicateurs dont les propriétaires ne se seraient
pas acquittés de leurs taxes). Ils sont venus arracher notre
panneau sans nous aviser au préalable. Pourtant nous avons
notre adresse au niveau de la mairie. Cela prouve que le
dialogue n’a pas été une priorité dans la mise en œuvre du
procédé de décentralisation au niveau local.

Que pensez-vous du temps de réaction des organisations de la
société civile en place par rapport à l’actualité de la vie locale ?

Au niveau local, en tout cas, la société civile est très dynamique.
Elle a investi tous les domaines de la vie locale et elle apporte
beaucoup quant à la stabilité, à l’épanouissement de la
personne humaine, à la résolution des problèmes que
rencontrent les populations. Maintenant, ce dynamisme ne
devrait pas être confondu avec activisme ou propagandisme. En
ce sens que, si on se réfère aux divers domaines définis à la
société civile, à Ouahigouya elle est à même d’apporter une
grande contribution pour le développement de la cité

Ne faites-vous pas allusion seulement au MBDHP ?

Je parle de toutes les associations qui forment la société civile
ici. Déjà, ce qui a été entrepris prouve que toutes les
associations membres de cette société civile sont dynamiques.

Elles vivent sur le terrain, appréhendent les problèmes que
vivent les populations, et font des suggestions et des actions
concrètes pour alléger les souffrances et les misères de ces
populations. C’est la raison d’être de la société civile. Nous
avons confiance en cette société civile. Elle a montré ses
capacités mais aussi ses limites parce que, souvent, il y a des
contraintes d’ordre financier et d’ordre organisationnel.

Mais,
d’une manière générale, à l’heure actuelle, les institutions
officielles ne peuvent pas prendre en charge tout le processus
de développement en mettant en marge la société civile.

Par rapport au Conseil municipal, aussi bien au premier mandat
qu’au deuxième, quel est votre point de vue sur la qualité même
des débats politiques ?

Propos recueillis par Lassina SANOU

Le Pays

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