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Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

Publié le jeudi 23 février 2006 à 08h02min

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Me Halidou Ouédraogo

Dans l’affaire « des 50 millions des commerçants », Me Halidou OUEDRAOGO est l’avocat de El Hadj Oumarou KANAZOE (OK). Cela n’a pas laissé indifférents certains membres du collectif contre l’impunité qu’il dirige. En effet, pour eux, cette décision de défendre OK, est incompréhensible, voire compromettante.

Mais, Me Halidou OUEDRAOGO reste formel : El Hadj KANAZOE est un citoyen comme tous les autres. De ce fait il le défendra. De la même manière, il défendra n’importe quel citoyen qui a des problèmes devant la justice. C’est en substance sa réponse à une question que nous lui avons posée aux détours d’une interview sur sa médiation, dans l’affaire qui oppose OK à ses ex-employés (nous y reviendrons).

Me Halidou OUEDRAOGO, pourquoi dans l’affaire des 50 millions remis aux commerçants, vous avez décidé de défendre Oumarou KANAZOE ?

Me Halidou OUEDRAOGO (H.O) : Pourquoi je défends KANAZOE ? Je suis prêt à défendre n’importe quel citoyen qui a des problèmes devant la justice. Le métier d’avocat veut dire qu’on défend tous les citoyens

Mais KANAZOE n’est pas n’importe quel citoyen ?

H.O : C’est justement pour cela qu’il faut le défendre. C’est le citoyen qu’il faut défendre... Mon cher, j’ai fait Gaoua de 1977 à 1982, je mettais deux (2) jours pour rejoindre Ouaga ! Deux jours ! Entre Bouroum Bouroum et Gaoua, 25 km, je mettais deux heures de temps. Je buvais l’eau de la rivière que je faisais bouillir... je travaillais la nuit à la lampe parce que la nuit, les gendarmes de Dano...m’amenaient les malfrats.

Récemment, je suis reparti à Gaoua pour le procès des gens de Diébougou, ... j’ai mis trois (3) heures de temps entre Ouaga et Gaoua. Qui a fait cette route Ouaga- Gaoua ? C’est KANAZOE. On l’a payé, c’est vrai, mais, c’est lui qui a fait la route. C’est un exemple.

Sur les bas-côtés de la route, il y a des barrages pour les cultures de contre saison. Qui a fait ces barrages, c’est KANAZOE ! Il est le président de la Communauté musulmane ; ou bien ? ... Vraiment, il ne faut pas qu’on se complique la vie. Je n’ai pas vu, je n’ai pas pris KANAZOE en train d’égorger des gens. Pourquoi, je ne vais pas le défendre... ?

Vous serez certainement incompris. N’avez-vous pas peur que vous soyez contesté à la tête du collectif ?

H.O : Mais... les contestations, c’est normal, parce que nous, nous contestons. Dans un mouvement où on ne conteste pas, c’est pas un bon mouvement. Si on fait le récapitulatif de mes déclarations depuis 30 ans jusqu’aujourd’hui, honnêtement, le temps m’a donné raison. J’ai beaucoup de points. Prenons, la justice, il y a aujourd’hui trois (3) syndicats de magistrats.

Prenons, la défense des droits de l’homme. Vous savez qu’en 1983, les CDR (NDLR : (Comités de Défense de la Révolution) étaient contre, ils disaient que ce n’est pas possible. Mais lors de l’investiture du chef de l’Etat, il a dit dans son discours qu’il faut que les droits de l’homme soient protégés ! Mais, il y a des bavures.

Nous travaillons dans tous les domaines. Nous pensons par exemple que 118 partis politiques dans notre pays, c’est de la farce. Honnêtement, quand c’est comme ça, il n’y aura pas de changement. 12 candidats contre Blaise COMPAORE, c’est ... quand on dit la vérité, on dit, vous êtes... Je suis celui qu’on a rasé la tête dans ce pays... alors si je ne défends pas KANAZOE, on va dire encore que je suis partisan. Moi, je vais me constituer dans l’affaire Norbert ZONGO. Est-ce qu’il y a un avocat qui est bien constitué que moi dans l’affaire Norbert ZONGO ? Nous voulons la vérité.

L’autre jour, à Bamako, les jeunes ont placé le forum social sur le signe de Thomas SANKARA. Personnellement, j’ai travaillé avec lui, je sais ce que c’est que les TPR (NDLR : Tribunaux populaires de la révolution).
Je leur ai dit qu’en matière de droits de l’homme, SANKARA n’est pas un exemple. Ça peut être un problème, mais j’ai ajouté que nous demandons qu’on le réhabilite au niveau de la justice, puisque les Sankaristes sont dans le Collectif.

Moi j’ai été dans des situations, si d’autres les avaient connues... Mais... je garde toujours mes principes. Les gens qui vous reprochent de « fricoter » avec telle ou telle personne sont les mêmes qui sont souvent accroupis devant ces gens. On les connaît là ! Mais oui ! Donc, si à mon âge, je peux être piégé... c’est vrai qu’on dit qu’il ne faut pas dire : « Fontaine, je ne boirai pas ton eau » mais on peut ouvrir l’œil, ça c’est pas grave, ça crédibilise le mouvement.

Dans les colonnes de vos confrères, on dit souvent pourquoi, nous défendons Norbert ZONGO seulement. Pourquoi, nous ne classons pas par exemple Nezien BADEMBIE dans nos dossiers... Est-ce que cela a un sens ? Non moi, je ne regrette pas...

Est-ce que vous pouvez rassurer les gens que ce n’est pas parce que KANAZOE est un richissime que vous le défendez ?
Etes-vous prêts à défendre n’importe quel citoyen burkinabè, comme moi, le paysan de Falangoutou, par exemple ?

H.O : Mon ami, pour moi ce n’est pas une affaire de paroles. D’abord, les petits commerçants en question, ils ont cinq (5) avocats et pas les moindres. Et ce sont mes amis : Me SANKARA, FARAMA, SAGNON, NIAMBA... Est-ce que vous voyez !
Moi, je suis du côté de KANAZOE. Eux-mêmes, ils reconnaissent que c’est normal, comme je reconnais que c’est normal qu’ils défendent des gens qui ont empoché 50 millions.

Je suis avec Me DALLA Félicité. Le dossier KANAZOE venait à la Chambre d’accusation, comme les journalistes l’ont dit, le juge d’instruction a pris une ordonnance libérant les deux commerçants hier (NDLR : L’entretien a eu lieu le 16 février). Je l’ai expliqué à mon client et je lui ai dit que j’ai une affaire à résoudre à Ouahigouya, qui a fait que je ne pouvais pas assister à l’audience.

Je ne pouvais que déposer des mémoires et dire ce que je pense de cette affaire-là. Je devais aller à Ouahigouya parce que dans le quartier, j’ai un frère dont le beau-frère à Tenkodogo a eu sa fille écrasée près de Gourcy. Je suis allé défendre le dossier... Il y a deux semaines, je me suis joint à Prosper FARAMA et à DIALLO pour défendre les étudiants qui ont été condamnés l’an passé à 3 mois d’emprisonnement et à 16 millions d’amendes. Dans le même temps, j’étais à Gaoua pour défendre les gens de Diébougou. Sans compter les autres affaires, etc.

Vraiment, les Burkinabè peuvent se dire que je suis à leur service. Dans le temps, j’ai dit par exemple que même si c’est François COMPAORE qui était dans le cas de Norbert ZONGO, j’allais le défendre, comme je défends Norbert. Tous ceux qui me connaissent, qui sont dans les hautes sphères ou dans les mouvements sociaux savent que je suis comme ça !

Parfois je me plains, parce que quelqu’un se meurt à côté. Moi je suis vivant, ce que j’ai... je lui donne. Alors, j’avoue que défendre, ce monsieur, El Hadj Oumarou KANAZOE, je suis bien indiqué et il faut le faire. Je ne suis pas son seul avocat. Il a de nombreux avocats. Il y a des bâtonniers qui le défendent. Il a des hommes et des femmes qui le défendent.

Que je défende KANAZOE ou pas, il va avoir des avocats pour le défendre.
Mais moi, je vais le défendre, voilà...

Interview réalisée par Ben Alex Béogo

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 23 février 2006 à 15:59, par moi-meme En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

    Voila qui devrait calmer certaines personnes. c’est ce qu’on peut apeler mettre les point sur les "i". et cela a ete dit sans detours. Defendre le citoyen. ni plus ni moins. a bon entendeur... moi meme

    • Le 27 février 2006 à 18:14, par SAM En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

      Bonjour à tous !
      Bravo pour vos réactions. Je crois que tout a été déjà bien dit.
      J’aimerais juste ajouter que si nous burkinabè, aspirons à une démocratie il faudrait qu’on grandisse dans nos esprits. Comment voulez-vous qu’un avocat exerce librement son metier en lui imposant d’office une catégorie de clientèle ???
      enfin, sur le plan politique, il faut que l’esprit collectif parvienne à faire la différence entre un adversaire politique et un ENNEMI !!!

      Ousmane OUEDRAOGO (Bretagne, FRANCE)

      • Le 28 février 2006 à 07:32, par Kéré, Nancy En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

        Cher Ousmane,
        J’ajoute encore que la distinction entre un adversaire politique et un ennemi politique doit être une leçon élémentaire à apprendre et à assimiler par tous les militants et les leaders des partis politiques surtout de l’opposition dite "virulente". C’est un postulat de base pour faire, sereinnement, la politique. Ce qui aurait évité les "échauffourés" actuels dans la ville de SYA. Bobolais, unissez-vous. Cette ville est si belle pour voir ce spectacle horrible et désolant de la division pour, simplement, des postes de conseiller municipal. Je le pense vraiment. Kéré, Nancy

  • Le 23 février 2006 à 18:27, par demo En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

    Salut á tous, mais je ne comprends pas les gens,Halidou en sa qualité d’avocat a le devoir et le droit de defendre tout citoyen qui a des ennuis judiciaires...(fusse Blaise ou mr x).En lisant cet article je sens le manque de professionalisme dans les questions du journaliste et la bassesse d’une certaine mentalité vendicative qui coûte très cher à l’avancement de notre pays....C’est ailleur qu’il faut que les burkinabès ouvrent les yeux(la corruption entre-autres)pas quand un avocat qui est sous serment veut defendre un citoyen...Les gens oublient que même les responsables nazis ont eu droit à des avocats au tribunal de Nürenberg donc ....cherchons les solutions à nos problèmes ailleur.
    salut à tous !!!!

  • Le 23 février 2006 à 20:03, par Kéré, Nancy En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

    Il était préférable que l’intéressé lui même donne les raisons d’une telle décision.
    Il l’a fait avec des exemples éclatants qui laissent présager de l’excellence de son argumentaire responsif.
    Voilà au moins un point sur lequel mon Cher "Moi-même" et moi sommes d’accord. Ce qui prouve que dans ce pays qui est le notre, nous devons savoir minimiser nos différences à la faveur de nos efforts de développements.... L’exemple des juifs israéliens m’inspire et constitue mon modèle de prédilection. Merci, Confrère Halidou Ouédraogo de votre brillante intervention. Me Kéré, Nancy

  • Le 26 février 2006 à 02:15, par Pangloss En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

    Franchement si le ridicule pouvait tuer certains burkinabé et non des moindres allaient déjà rejoindre nos ancêtres. Comment peux-t-on comprendre qu’un avocat qui a prêté serment pour défendre les gens quelque chose leur couleur, leur éthnie et leur croyance, soit pris à partie par des inconscients sans foi ni loi.
    Des gens qui ne voient que de la politique dans les choses les plus simples de la vie. Quelle piège ya-t-il dans le devoir d’un avocat à défendre un homme encore plus un brukinabé comme lui.
    Vraiment je pense que les politiciens surtout ceux de l’opposition devraient revoir leur copie. Si ce n’est pas idiot, un pays de l’ampleur du Burkina a plus de 100 parties et le nomadisme politique est devenu le sport favoris de certains ; ils ont même mangé avec le pouvoir sous nos yeux et notre barbe et ils se permettent aujourd’hui d’être des donneurs de leçon pour celui qui défend la veuve et l’orphelin. Pauvres de nous

    Que Dieu benisse le Burkina, vive son beau nom

    • Le 28 février 2006 à 07:38, par Kéré, Nancy En réponse à : > Me Halidou Ouédraogo : “Pourquoi je suis l’avocat de Kanazoé” ?

      4 grands partis suffisent largement pour notre pays dans le cadre de l’expression démocratique plurielle.
      Au delà, c’est plétorique ! Il faut donc instaurer une sélection en fonction des idées politiques ambiantes prédominates des burkinabè. C’est mon avis. Kéré, nancy

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