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El Hadj Barro Dianguinaba : “La situation économique de Bobo Dioulasso s’est dégradée”

Publié le samedi 18 février 2006 à 07h52min

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Barro Djanguinaba

La crise ivoirienne, la fraude, la contrefaçon... ont rendu difficiles les activités économiques dans la capitale économique du Burkina Faso. Bon an, mal an, les opérateurs économiques et autres commerçants tentent de ne pas chavirer. Tout en se réorganisant, ceux-ci implorent également l’Etat.

C’est ce qui ressort de cette interview du président de la section territoriale de Bobo-Dioulasso de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina Faso, El Hadj Barro Dianguinaba.

Sidwaya (S.) : En tant que président de la section territoriale de Bobo-Dioulasso de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina Faso, quelle lecture faites-vous de la situation économique actuelle de Bobo-Dioulasso ?

El Hadj Barro Dianguinaba (B.D.) : La situation économique de Bobo-Dioulasso, à l’heure actuelle, s’est dégradée. Cela fait suite, en partie à la crise ivoirienne. Avant la crise, Bobo-Dioulasso bénéficiait de sa proximité avec le port pour conséquence de rallonger les distances. Car, les opérateurs économiques ont dû se diriger vers d’autres ports tels que ceux de Lomé au Togo, Cotonou au Bénin, Téma au Ghana... A partir de ces destinations, il fallait trouver des camions pour convoyer les marchandises vers Bobo-Dioulasso.

L’augmentation de la distance a provoqué des surcoûts. Et l’augmentation à répétition du prix du carburant ne nous a pas facilité la tâche. Ajouté à cela, le dédouanement des marchandises qui se fait sur la valeur, vous comprendrez que la situation économique de Bobo-Dioulasso est des plus difficiles. Et cela se constate même dans les rues avec la cherté des prix des produits. Des commerçants ont préféré délocaliser leurs activités vers d’autres villes du pays afin de réduire les dépenses... Tous les commerçants de la région et environnants, chacun à son niveau, ressent les effets de la crise ivoirienne sur ses activités.

S. : Comment vous organisez-vous pour faire face aux difficultés actuelles ?

B.D. : Face à cette situation difficile, nous ne manquons pas, à chaque fois que nous nous rencontrons, d’avoir des mots d’encouragements à l’endroit des opérateurs économiques. Ce n’est pas parce que la saison pluvieuse a été mauvaise qu’il faut abandonner son champ. Il faut s’armer de courage et vivre d’espoir même dans les situations les plus difficiles. Nous nous battons sur plusieurs fronts pour ne pas disparaître. Nous avons même demandé à l’Etat de prendre des mesures spéciales pour diminuer les impôts, le coût de l’électricité... pour nous permettre de continuer nos activités...

S. : Quelle a été la réaction du gouvernement face à cette demande ?

B.D. : Le gouvernement n’a pas encore réagi. Il n’a pas dit non ; il n’a pas non plus dit oui. La demande a été faite lors de la rencontre gouvernement/secteur privé en juillet 2005 à Bobo-Dioulasso.

S. : Outre la crise ivoirienne et la cherté des coûts de production, il y a d’autres phénomènes tels que la fraude, la contrefaçon qui menacent les entreprises burkinabè. Comment vous organisez-vous pour y faire face ?

B.D. : La fraude, la contrefaçon font énormément de mal à nos entreprises. Au niveau du Groupement professionnel des industriels (GPI), ce problème nous tient à cœur. Nous en avons parler lors de la rencontre avec le Premier ministre. Nous espérons que des mesures seront prises pour venir à bout de la fraude. Ça ne sera pas facile, nous le reconnaissons, car les fraudeurs, eux aussi, ne manquent pas d’imagination. Dans les jours à venir, il sera organisé à la Chambre de commerce à Bobo, une rencontre pour parler de la fraude. La fraude est une préoccupation de tous. Nous en parlons au cours des rencontres avec la douane.

S. : D’aucuns disent que c’est parmi vous les commerçants qu’il y a les fraudeurs et que par conséquent, vous devez connaître les fraudeurs. Que répondez-vous ?

B.D. : En effet, ce ne sont pas les cultivateurs qui fraudent. Ce sont les commerçants qui fraudent. Là je suis d’accord. La fraude c’est dans le domaine du commerce...

S. : Ce qui signifie que vous devez connaître les fraudeurs...

B.D. : Non. Nous ne connaissons pas les fraudeurs.

S. : Si ce sont les commerçants qui fraudent, vous devez les connaître. Peut-être même qu’ils sont membres de la Chambre de commerce... Ne pensez-vous pas que contre la fraude, vous devez prendre des dispositions en votre sein ?

B.D. : Il sera question de tout cela à la rencontre dont je faisais cas tantôt.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)
Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)


SOS pour l’industrie burkinabè

Comme soldat le Ryan, dans le film de Steven Spielberg, « il faut sauver l’industrie burkinabè ». Autrefois pourvoyeuse d’emplois, de richesses et donc de bien-être, la trentaine d’unités industrielles de la ville de Bobo-Dioulasso, anciennes comme nouvelles, petites comme grandes, toutes activités confondues, connaît des moments difficiles. Le mal est profond. Certainement pas incurable.

Mais avec le temps, il pourrait se gangrener. Au stade actuel, la situation peut encore être sauvée. Il suffit de lui administrer une trithérapie : lutter contre la fraude, lutter contre la contrefaçon et lutter contre la concurrence déloyale. Telles sont les « trois luttes » qu’il faut absolument menée pour sortir l’industrie burkinabè de la mauvaise passe.

Evidemment que les facteurs de production coûtent cher. Bien sûr que la crise ivoirienne a désorganisé le transit en rallongeant les distances et en provoquant de surcroîts à trous les niveaux : certainement que la baisse du pouvoir d’achat des Burkinabè ne favorise pas la consommation. Mais la priorité, c’est d’engager les « trois luttes » avec fermeté, sans complaisance. « Notre pays est beau par son cadre juridique. C’est l’application des textes qui pose problème », regrette un homme d’affaires.

Dans cette affaire, c’est de l’avenir du Burkina qu’il s’agit. Ce n’est pas une question d’humeur, de vouloir ou de ne pas vouloir, c’est une question de vie. Il faut agir en pensant aux générations présentes et futures. La mondialisation n’est pas une excuse pour laisser faire, se laisser aller. C’est celui qui se laisse emporter au gré du vent qui connaîtra un destin de feuille morte. « Mondialisation ne veut pas dire abandon ».

Ce n’est pas ramer à contre-courant que de prendre des mesures pour protéger un tant soit peu les industries burkinabè. D’ailleurs, les économistes ne manquent pas de désigner les plus grands libéraux comme les pays les plus protectionnistes. Au Burkina Faso, les unités industrielles contribuent par beaucoup à la vie économique et financière. Les taxes et autres impôts qu’elles paient contribuent à financer les activités de l’Etat.
Les emplois qu’elle génèrent permettent de distribuer des richesses. Et cela au profit de tous. Est-il judicieux de laisser mourir la poule aux œufs d’or ? Est-ce prendre une bonne option que de laisser scier la branche sur laquelle on est assis ? ...

« Nous payons nos impôts. Il faut donc nous protéger. Seul l’Etat peut sauver l’industrie burkinabè », soutient un club d’entreprises. Il en veut pour preuve le fait que vers la fin de l’année 2005, des entreprises qui étaient au bord de l’asphyxie ont retrouvé le sourire grâce à la fermeture des huileries clandestines. Les ventes ont repris car des mesures ont été prises pour freiner l’entrée massive, anarchique et frauduleuse des produits venus d’ailleurs.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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