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Commerce : La guerre des huiles aura-t-elle lieu ?

Publié le vendredi 17 février 2006 à 04h32min

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Le ministère du Commerce a décidé d’aller en guerre contre les
mauvaises huiles en lançant les inspecteurs de l’IGAE
(Inspection générale des affaires économiques) aux trousses
des unités clandestines de production. Une bonne initiative
certes, mais qui suscite des questions de fond qu’il faut aborder
avec beaucoup de réalisme.

A priori, la fermeture des huileries
sauvages participe de la mission de l’Etat de veiller au respect
des textes réglementaires pour la mise en place des unités et
du souci de préserver la santé des Burkinabè.
La mise sous scellé des unités hors-la-loi sur fond de
médiatisation vise donc à rassurer le public. Cependant, elle
appelle quelques interrogations légitimes.

Le gouvernement est victime de ses propres turpitudes.
Pendant des années, à travers ses services administratifs et
techniques, il a délivré des autorisations à tour de bras, et
fermé les yeux sur des pratiques notoirement attentatoires à la
santé publique.

En tout cas, de façon consciente ou non, les
autorités ont contribué à l’anarchie observée dans le secteur
des huiles. Pourquoi agit-on seulement maintenant ?
Deux explications possibles. Le gouvernement est contraint d’
agir parce qu’il a enfin pris conscience que son rôle est de
protéger effectivement 12 millions d’âmes sans défense. La
seconde hypothèse, la plus plausible, est la pression des
industriels de l’agro-alimentaire pris entre le feu des huiles
importées et celles produites localement.

Asphyxiés
économiquement par une concurrence déloyale de ces produits,
les opérateurs économiques ont maintes fois interpellé le
gouvernement sur son inertie en matière de protection du tissu
industriel local. Les contrôles qui ont lieu depuis une année
sont, d’une certaine façon, la mise en oeuvre de cette option de
protection. Le sens patriotique commande que l’on soutienne
l’Etat dans cette direction mais pas à n’importe quel prix.
Au plan intérieur, le démantèlement des unités clandestines
devra être systématique.

Tout en réorganisant le secteur,
l’administration doit être plus rigoureuse dans la délivrance des
autorisations et veiller au respect des normes de qualité en
matière de production d’huiles. S’il n’y en a pas , c’est le lieu d’en
élaborer afin que n’importe quel apprenti sorcier ne s’installe à
son compte parce que le secteur est jugé rentable. Le contrôle
de la qualité des huiles devra constituer un élément
déterminant du maintien ou non de l’autorisation de produire et
de mise à la consommation.

Mais, l’autre phénomène qui lamine les grandes unités de
production nationales demeure l’envahissement du marché
local par des produits hors zone UEMOA, et à des prix défiant
toute concurrence et de qualité douteuse. La fraude y est
certainement pour quelque chose. Nos frontières sont trop
poreuses.

Ce qui fait dire que l’action du ministère du Commerce sera un
feu de paille si elle n’est pas accompagnée de celle énergique
des limiers de la lutte contre la fraude. Les caisses de l’Etat s’en
porteraient mieux et la santé du consommateur également.
Le consommateur, voilà la cible de tous ces apprentis
industriels et de tous ces fraudeurs sans vergogne. Son argent
les intéresse. Mais pas sa santé. S’il est cependant
responsable de son choix d’acheter un produit, il demeure qu’il
n’est pas le garant de sa qualité, ni de sa disponibilité.

Le gouvernement est entré dans une logique qui doit interpeller
tous ces "développeurs" et autres ONGs pleines d’initiatives en
matière de lutte contre la pauvreté et d’activités génératrices de
revenus. Ils sont, pour la plupart, à l’origine des différentes
techniques d’extraction de l’huile de façon artisanale. Mais, ils
ont souvent ignoré royalement les conditions d’hygiène et le
respect de certaines normes de qualité, oubliant que la frontière
entre la ville et le village a disparu en matière de consommation.
Aussi bien le citadin que le paysan ont droit à la qualité et à la
protection de leur santé.

En cela, la lutte contre les huiles alimentaires de mauvaise
qualité, les fabricants véreux et les trafiquants de tous bords doit
se mener de façon transversale en association avec tous les
acteurs honnêtes de la filière.

"LE PAYS"

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