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Quand la presse, les cinéastes, les historiens, abordent le sujet des « Tirailleurs sénégalais », c’est un cortège d’images d’archives, de monument aux morts, de commémoration du passé. Curieusement on ne parle pas de ces hommes encore vivants. C’est cela qu’ont voulu corriger Didier Bergounhoux et Claude Hivernon avec « La reconnaissance ». Un documentaire où des tirailleurs burkinabè évoquent leurs difficultés du quotidien, le parcours invraisemblable pour obtenir la carte de combattant.

De quoi et de qui parle précisément ce documentaire ?

Ce documentaire donne la parole à d’anciens combattants burkinabè. Trailleurs voltaïques, engagés ou enrôlés, certains ont participé à la seconde guerre mondiale ( dont le regretté Sangoulé Lamizana ) et la
majorité d’entre eux aux conflits d’Indochine et d’Algérie. Ils ont défendu la France, leur mère-patrie comme on le leur laissait entendre à l’époque...

Et pour beaucoup, ils ne perçoivent pas de pensions, tentent depuis des années d’obtenir la carte du combattant, etc.

Pourquoi avez-vous décidé de le faire ?

C’est un documentaire que j’ai co-réalisé avec Claude Hivernon, ingénieur du son. Nous nous sommes recontrés en travaillant sur le film de Daniel Sanou Kollo, Tasuma.

Des anciens combattants de l’amicale de Bobo-Dioulasso étaient figurants sur le plateau de tournage, nous avons tout de suite échangé et sympathisé, leur sagesse et leur dignité nous ont vraiment impressionnés. Un soir nous avons
pris un verre à l’amicale et ils nous ont parlé de leurs problèmes pour percevoir les pensions, de la cristallisation. Avec Claude, nous avons décidé de tout faire pour qu’ils puissent parler librement de leur
situation.

Dans quelles conditions l’avez-vous réalisé ?

Il a d’abord fallu trouver une production, c’est un sujet qui intéresse peu de monde. En fait, moins on en parle, plus le temps passe et moins de pensions à
reverser. Une production nous a même dis que le sujet était bien mais qu’il manquait... de sang !

Finalement à force de persévérer, nous avons trouvé au bout de deux ans un producteur touché par le sujet ( Les productions de La Lanterne ) qui nous a aidés et un appui logistique et humain auprès de Sahélis production à
Ouagadougou. Ensuite nous avons tourné à l’Office national des anciens combattants (ONAC) de Ouaga, de Bobo et dans deux villages de brousse.

Nous tenons à remercier le président de l’Onac, Mamadou Sanfo, ainsi que tous ceux que nous avons rencontrés et qui ont tout fait pour la réussite de ce documentaire

Comment a-t-il été accueilli par le public ?

Il a été diffusé sur une chaîne du cable en décembre avec une bonne audience, ainsi qu’au festival d’Alès. Récemment grâce à Sanvi Panou, directeur du cinéma La Clé à Paris, le film a été projeté dans une salle comble.
Les gens sont très touchés. Beaucoup ignorent la situation de tous ces vieux.

Ce qui nous a vraiment fait plaisir, c’est l’intérêt des jeunes et je parle là de jeunes de toutes nationalités ou origine ; d’ailleurs plusieurs professeurs de lycées nous ont contactés pour le diffuser dans leur classe.

Sinon, le film est en sélection dans plusieurs festivals dont Vues d’afrique à Montréal.

Que retenez-vous de la situation des anciens combattant aujourd’hui ?

Un très grand sentiment d’amertume, en dépit des nombreuses interventions de leurs frères d’armes français, nombre d’anciens combattants africains vivent dans un état de précarité absolue, en particulier les mutilés. Quant
à ceux qui perçoivent la retraite du combattant, elle ne représente que le quart de ce que perçoivent leurs homologues français.

Enfin, nous pensons que l’histoire et l’engagement de tous ces hommes dont beaucoup sont morts au champ de bataille, a sa place à prendre dans l’enseignement et les livres d’histoire français. Non seulement nous leur devons le respect mais aussi la reconnaissance.

Cyriaque Paré

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