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Sommes-nous pauvres ! ?

Publié le lundi 30 janvier 2006 à 08h17min

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La pauvreté, telle que les promoteurs du développement se la représentent est, nous dit-on, « un état apparent de dénuement »... C’est-à-dire la situation d’une personne qui manquerait visiblement de biens reconnus tels. C’est vrai, routes, écoles, dispensaires, etc., sont des biens reconnus, mais pouvons-nous dire de quelqu’un qu’il est pauvre de ces biens s’il n’en a pas besoin.

Disons-le, le pauvre, c’est celui dont les besoins sont supérieurs aux biens et qui souffre de ce déséquilibre. La pauvreté, par conséquent, commence, exactement, quand le ressort équilibrant le rapport entre besoins et biens se trouve cassé, pour que les besoins factices submergent les biens vitaux.

On développe par exemple, les cultures industrielles au détriment des cultures vivrières. Avec notre complicité active ou complice voire passive, l’Occident gonfle nos appétits multiformes en nous attirant habilement vers des biens toujours déplorables sachant qu’une fois mis sur l’orbite de son mode de vie, nous le chercherons quoiqu’il fasse, pour notre « bien ». Alors, en attendant de nous vendre chèrement les solutions, il nous distribue gratuitement les problèmes.

La pauvreté n’est donc l’état naturel ni d’Alfa ni d’oméga, ni d’aucun peuple. Elle est l’effet d’un processus culturel. Autrement dit, c’est la civilisation contemporaine marchande qui nous hisse au rang de pauvres, pour que nous lui soyons utiles. A bien observer, ce qui est utile pour les forces économiques mondiales, ce n’est pas le bonheur du village de Falagoumtou par exemple, mais leur pauvreté.

La pauvreté cultivée et entretenue !

Tant que ceux-ci resteront dans leur système et dans leur élément, ils seront imprenables pour l’industrie occidentale. Pour qu’ils aient besoin de routes, de bus, d’écoles, il faut qu’ils accèdent d’abord à notre moderne statut de pauvre. Au Burkina, par exemple, les bailleurs de fonds du Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) ne commencent pas par envisager la création des emplois d’où viendra l’offre, mais par le développement foudroyant de l’école, d’où viendra la demande.

Ainsi, en enflammant la demande sans susciter l’offre, les bailleurs du PDDEB sèment et arrosent la pauvreté et le chômage. Dans quelques années, la révolte d’une jeunesse instruite et désœuvrée exigera les biens que nous lui avons promis, mais ces biens ne viendront que des banques et des usines de ceux qui sont aujourd’hui experts humanitaires du PNUD le jour, industriels ou « mercenaires » , la nuit.

Au prochain bilan mondial du développement, les pygmées d’Afrique centrale pourraient s’aviser de classer le PNUD lui-même : 173/176e. Pourquoi ? Parce que selon l’échelle des valeurs qui est la leur, le développement prôné par certains gouvernants africains contient en lui les germes du non-développement. En attendant, leur gouvernement d’Afrique centrale organise une « mission » civilisatrice en faveur et au détriment des pygmées, qui consiste à les déloger de la forêt pour les reloger dans ce qu’il faut bien appeler des « camps de dressage ».

Autrement dit, le gouvernement veut les déconnecter de la nature pour les connecter à la culture et les forcer à être heureux, à leur bonheur défendant. On a donc décidé de « civiliser » les chasseurs de gibier pour qu’ils deviennent des chasseurs de mirage, de développer ceux qui n’ont jamais eu ni faim ni soif, pour qu’ils aient faim et soif d’argent. Ils ont vaincu le paludisme dans la forêt, ils en mouront à Bangui, mais pas avant d’avoir apporté leur quote-part à l’enrichissement des fabricants de produits pharmaceutiques. Dans quelques années, ils auront progressé et seront honorés du statut de « pauvres ».

Désormais, leurs sources et ressources s’écouleront en direction du vide et du néant, car l’histoire de l’homo economicus à laquelle ils viennent d’être attelés par l’estomac, a les symptômes de l’hémorragie. Tout y est jeu, mais le jeu n’a pas de sens parce qu’il a pour règle la tricherie. En fait, les nègres ne sont plus esclaves de la production de la canne à sucre mais, ils sont esclaves de la consommation du sucre.

El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 30 janvier 2006 à 18:20, par Magid En réponse à : > Sommes-nous pauvres ! ?

    Il ne faut pas voire l’accés à l’économie de marché que d’une manière aussi sombre. Avoir accés à une plus grande diversité d’alimentations et surtout à d’avantage de services de santé reste fondamental surtout dans un pays où l’espérance de vie est fort faible.

    Magid

    • Le 31 janvier 2006 à 10:26, par Kat En réponse à : > Sommes-nous pauvres ! ?

      Très bien pensé et écrit El Hadj Ibrahiman SAKANDE, rien à dire.
      Bravo...C’est tellement revigorant d’entendre d’autres sons de cloche, surtout quand ceux-ci contiennent autant de vérité, même si bien sûr elle n’est pas l’unique vérité. Chapeau en tout cas !
      Kat

      • Le 2 février 2006 à 15:26, par L’analyste En réponse à : > Sommes-nous pauvres ! ?

        Pour aborder dans le meme sens,mais avec une ptite deviation,veuillez m’en excuser..

        La situation est irreversible.. quelque soit les strategies à "l’africaine" mises en place sans tenir compte du reste du monde ce sera un vain echec. Nous sommes obligé de suivre l’economie mondiale et de faire tout pour en devenir un acteur majeur ; sinon nous sommes mal. Les Nouvelles Technologies et Internet ont fondamentalement changé la donne et seront la cause majeure des migrations internes et externes dans les années à venir : tout le monde "peut" en theorie avoir accès à internet dans nos villes : google et c parti !! paris,new york, montréal,londres et hop, les buildings,les grosses voitures de rêve, les restos chics,les belles nanas (il y en a aussi beaucoup dans nos villes,je reconais (rires))... Comment voulez vous ke les jeunes reagissent ? Qu’ils restent là a glander alors qu’il ont vu le "mirage" ?. A un deuxième degré,prenez le village le plus reculé, une conexion internet et hop, tout le monde veut aller à Ouaga, Bobo.. Ceci est irreversible et ira grandissant. A nous et surtout aux autorités de tout mettre en oeuvre pour trouver des solutions,non pas au regard de ce qu’on souhaiterais que ce soit mais en tenant compte du nouvel ordre mondial. Je suis d’accord que le paysan dans sa case vit très bien et est heureux.. mais le jour où il se retrouvera dans une maison avec une télé ecran Plasma,la clim..n’essayez surtout pas de demander ses impressions.il est très très maheureux..s’il est jeune,je vous en di pas plus, adieu le village ! Que celui ki aurait pas fait pareil à sa place lève sa main et argumente (rires). Cette reaction est normale, tout le monde cherche le bien être..
        Une solution à l’Africaine est donc utopique de nos jours, car nous sommes en contact avec le reste du monde et il faut faire avec..

        Merci

  • Le 31 janvier 2006 à 12:41, par poular En réponse à : > Sommes-nous pauvres ! ?

    je suis sincèrement touché par votre article. l’analyse que vous faite de la notion de pauvreté est l’une des pertinentes. seulement, la question fondamentale que je me pose est de savoir comment sortir de cette situation ? en d’autres termes peut-on refuser ce état de fait ? et comment envisager notre developpement à l’africain au stade ou nous somme arrivé ?
    je suis persuadé que nous somme à un tournant de l’histoire de la pauvreté ou il faut agir. Nos politiques peuvent-ils faire quelque chose ? evidemment non. car eux memes sont convaincus de notre situation de pauvreté. ils sont déjà dans le système et rien ne peut leur faire comprendre que les populations n’ont pas besoin de ce developpement-ci.
    votre définition de la notion de pauvrété devrait etre imprimer et afficher dans toutes les écoles et universités d’afrique. il faut donner au bois sa forme definitive quand il est encore frais. Diallo, Niort France

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