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Flambée du prix du pétrole : Se serrer encore la ceinture

Publié le lundi 30 janvier 2006 à 07h41min

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La déclaration du directeur général de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY), la semaine dernière est tombée comme un couperet pour le consommateur burkinabé : “ le prix du pétrole ne baissera pas en 2006 ”.

Cette phrase résume parfaitement le rôle essentiel que joue le pétrole dans la vie économique d’un pays, de surcroît, enclavé et sans débouché maritime tel le Burkina. Elle sous-entend également que les Africains doivent encore se serrer la ceinture face à la flambée du prix du cours qui, certainement va toucher le social. Depuis quelques années, le prix de l’essence à la pompe au Burkina ne cesse de monter en flèche alors que le salaire est resté le même.

Si le prix continue de monter, estiment les analystes, il faut s’attendre à ce que de nombreux Burkinabè abandonnent la voiture ou la mobylette le 10 du mois pour se débrouiller pour rejoindre leurs lieux de travail. Il faut également s’attendre à ce que la persistance de cette flambée du prix du pétrole provoque un effet d’entraînement au Pays des hommes intègres avec une augmentation en cascade des prix de transport, des produits industriels, du prix du kilowatt/heure et des produits de première nécessité... etc.

Le Burkina, à l’instar d’autres pays africains, paye son liquide “ précieux ” dans les pays européens plutôt qu’au Nigeria ou en Angola . Pourtant, les produits et activités générés par l’or noir ont compté en 2003 pour 27% dans le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique centrale et 76% des exportations de la région. La présidentielle de 2005 au Gabon a été l’occasion pour ce pays de réviser son budget à la hausse, avec 14,2% supplémentaires par rapport à 2004, grâce à l’augmentation des recettes pétrolières (+28,7%). Il en est de même du Nigeria qui a procédé à une augmentation équivalente (24%) des dépenses publiques dans son budget 2005 grâce au surplus budgétaire, tiré de la hausse des cours et estimé à 4,6 milliards de dollars fin 2004.

Malgré cette embellie de leur économie, la rente pétrolière ne semble pas profiter aux consommateurs africains. “ Cette croissance ne s’est ressentie ni dans le panier de la ménagère, ni en termes d’emplois ”, affirment les experts. Selon eux, on assiste à une croissance sans cesse de l’économie mais sans le développement. Pour preuve, le produit national brut (PNB) par habitant du Nigeria qui était de 1000 dollars US en 1987 n’est plus que 320 dollars en 1996.

Aujourd’hui, la majorité des 130 millions de Nigérians, à savoir 80% survivent avec moins d’un dollar par jour. Comment comprendre que le Nigeria, premier producteur de pétrole brut africain et l’Angola (deuxième producteur africain), se trouvent actuellement au rang des nations les plus pauvres après trois décennies d’exploitation pétrolière ?

Pour montrer l’importance et l’actualité des produits pétroliers, M. Hubert Yaméogo a confié que ce n’est pas le Burkina qui fixe le prix du pétrole sur le marché. Lequel de la vingtaine de pays producteurs de pétrole en Afrique subsaharienne fixe alors le prix du pétrole ? Cette question pose le problème d’exploitation du pétrole en Afrique et l’on est en droit de se demander à qui appartient effectivement le pétrole en Afrique ?

Les licences de recherche et l’exploitation des puits sont contrôlées par les multinationales qui fixent, par conséquent, le prix du cours à leur guise et selon les intérêts du moment. Le premier contrat de partage signé en 1996 en Côte d’Ivoire attribuait 35% des parts à UMIC, une société américaine, 55% à Shell et 10% à PETROCI. Les Etats africains producteurs de pétrole, pour la plupart, vivent exclusivement de la rente et de sa redistribution.

Ils jouissent donc d’une très grande autonomie par rapport à leur population, puisqu’ils sont capables de fonctionner et de renforcer leurs services sans recourir à l’impôt. L’essentiel du jeu économique et socio politique consiste dès lors, à s’approprier les fruits de la rente et à déterminer le quota de la répartition au détriment du reste de la population. On se souvient encore de la rocambolesque affaire de corruption du géant pétrolier français Elf qui a révélé qu’en huit ans d’instruction, le pétrole a permis de remplir les poches de politiciens et de dirigeants français et africains.

Le maintien de ces gouvernements au pouvoir malgré la gestion peu orthodoxe des revenus issus de la vente du pétrole montre, à n’en pas douter, que le pétrole africain est un enjeu pour les puissances occidentales et la Chine, nouvelle arrivée sur le marché africain. Il constitue plus que jamais une valeur stratégique et la stabilité des Etats où il coule concerne désormais au plus haut point, le marché international. Comment alors concilier croissance et développement afin que l’or noir soit une locomotive pour le décollage de l’Afrique et une solution aux nombreux maux qui minent ces pays ?

Il est regrettable de constater que pour les Etats, les intérêts stratégiques vont de pair avec les appétits des pouvoirs en place. Cette préoccupation laissera-t-elle un jour la place en Afrique au souci de développement comme facteur de stabilité ? Toute chose qui justifie certainement le dépit d’Axelle Kabou : “ Et si l’Afrique refusait le développement ? ” L’or noir serait-il alors une malédiction pour l’Afrique ?

Par Issa SOMA
Sidwaya

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