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FESPACO 2023 : Dramane Gnessi, le réalisateur qui fait jouer un imam, un « poulet » et un pasteur

Publié le lundi 6 février 2023 à 21h35min

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FESPACO 2023 : Dramane Gnessi, le réalisateur qui fait jouer un imam, un « poulet » et un pasteur

Que peuvent-ils bien avoir à se dire ? A regarder les têtes d’affiche de cette série que sont Justin Ouindiga, Halidou Pagnagde Sawadogo et Saturnin Milla, l’on est sûr d’une chose : les cinéphiles vont se fendre la poire. En prélude à la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou qui débute le 25 février 2023, LeFaso.net est allé à la rencontre du réalisateur de cette série, en compétition officielle dans la catégorie « Série Télévision ». Dans un court entretien, Dramane Gnessi nous parle de son métier et du tournage de la série. Action ! Ça tourne.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter davantage à nos lecteurs ?

Dramane Gnessi : Mon nom c’est Gnessi Dramane. Je suis né à Bobo-Dioulasso et j’ai 38 ans. J’ai fait un baccalauréat littéraire (BAC A4) au lycée provincial de Diébougou, puis en 2008 une licence en études anglophones à l’université de Ouagadougou, option littérature et civilisations américaines. En 2011, j’ai eu une bourse du département d’Etat américain pour aller faire un master aux États-Unis à l’université du Delaware.

Comment êtes-vous arrivé au cinéma ?

Quand j’ai obtenu la bourse pour les États-Unis, je suis parti pour faire un master en éducation. J’ai profité de la flexibilité du système éducatif américain pour me former en cinéma. J’étais donc entre deux départements : le département d’éducation et celui d’arts où je prenais des cours de cinéma. La formation s’est bien passée même si c’était vraiment intensif. Tous ceux qui ont fait des cours de niveau master savent comment ça se passe aux États-Unis. On avait neuf crédits par semaine au département d’éducation mais les neuf crédits, c’est beaucoup d’heures de lecture en plus, beaucoup d’heures de rédaction etc. Et s’il faut combiner cela avec un autre département, ce n’est pas du tout simple. Mais comme il y avait la volonté et la motivation, on y est arrivé.

L’affiche de la série en compétition officielle au FESPACO dans la catégorie « Série Télévision »

Aviez-vous des modèles dans ce métier ?

Depuis tout petit, nous avons été bercés par les films de Gaston Kaboré, feus Idrissa Ouédraogo, Missa Hébié, Saint-Pierre Yaméogo. Ces films ont suscité en nous cette vocation d’embrasser ce métier. C’est comme cela que la passion est née.

Qu’est-ce que vous aimez par-dessus tout dans ce métier ?

Je suis encore un jeune réalisateur et je tiens à le préciser. Mais dans ce métier de réalisateur, ce qui me plaît, c’est cette possibilité de jouer un peu avec les esprits des gens. Ce canal d’expression que nous avons n’a presque pas de limite. Nous avons une possibilité folle de donner libre cours à notre imaginaire, à notre imagination. C’est quand même spécial dans ce métier que j’apprends toujours.

Quelles sont vos sources d’inspiration dans la réalisation des films ?

Je m’inscris dans l’optique de faire des films pour inciter au changement. Tous les trois films que j’ai réalisés s’inscrivent dans cette logique. Mes films traitent de problèmes que nous vivons dans la société et cela incite au changement de mentalité. Nos films visent à soigner les maux de la société.

En 2019, vous avez réalisé votre première fiction intitulée « Le film ». De quoi est-il question ?

C’est un film inspiré de faits réels. De retour des États-Unis, j’ai eu quelques difficultés pour m’adapter. Le film parle des problèmes de bail et du fait de juger les gens sur leur apparence. Ces événements semblaient surréels que le titre de cette fiction ne pouvait être autre que “Le film”. Je ne croyais même pas à ce qui m’arrivait à un moment. J’étais comme dans un film.

Sur le plateau de tournage du deuxième long métrage « Al Hadj Moustapha » de Dramane Gnessi

Comment a été accueilli le film par le public burkinabè ?

Ce film a été très bien accueilli au ciné Burkina, au ciné Neerwaya et à Bobo-Dioulasso. Nous avons drainé beaucoup de monde. Les félicitations venaient de partout. C’était ma première expérience en fiction long-métrage. C’est ce qui nous a donné le tonus de bien vouloir continuer.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans la réalisation de ce film ?

Comme presque tous les jeunes réalisateurs, nous avons eu beaucoup de soucis, parce que j’ai entièrement produit le film moi-même. Quand il n’y a pas d’accompagnement, ce n’est pas du tout simple. On n’avance pas comme on le souhaite. On va à notre rythme. Dieu merci, nous y sommes arrivés. Comme le scénario plaisait aux acteurs, beaucoup ont accepté de m’accompagner sur la base du budget que j’avais.

Votre série L’imam, le poulet et le pasteur est en compétition officielle au Fespaco. Comment avez-vous réagi quand vous l’avez appris ?

C’était un sentiment de joie intense. J’étais en voyage pour un tournage dans la région du Sud-ouest du Burkina. Quelque part vers Boromo, un ami m’appelle pour me dire que la série est en compétition officielle. J’ai dû arrêter le véhicule quelques minutes pour laisser passer l’émotion avant de continuer. C’est un honneur d’être retenu au Fespaco. C’est inqualifiable.

De quoi parle la série ?

“L’imam, le poulet et le pasteur” est une série comique qui rit un peu de nos différences. Ça ne se moque pas. Il y a une différence. La série rit donc de nos différences sur le plan culturel et surtout religieux. Ces temps-ci, les esprits sont chargés, prêts à dégainer quand il s’agit de religion. J’en veux pour preuve cette pancarte (brandie lors du meeting de soutien à la transition, ndlr) qui portait des écritures en arabe et qui a fait le tour des réseaux sociaux. Les gens se sont insultés partout. Chacun est prêt à dégainer. Cette série aborde donc nos différences en matière de religion, de conviction afin de désarmer les esprits et désamorcer un peu les cœurs. C’est ça l’idée de la série.

Dramane Gnessi avec le comédien Halidou Pagnagde Sawadogo qui a joué dans la série.

On retrouve dans ce film de grosses pointures du cinéma burkinabè comme Justin Ouindiga dit “GSK”, Halidou Sawadogo alias “Pagnagdé ” et Saturnin Milla . Comment s’est passé le tournage ?

Le tournage s’est bien passé grâce à Dieu. C’est cela aussi l’avantage de travailler avec des aînés qui sont prêts à vous guider, à vous apporter un plus, à vous faire profiter aussi de leurs expériences. Les jeunes, les techniciens, tout le monde était prêt à donner le meilleur de lui-même. J’ai bénéficié d’un accompagnement magnifique.

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Sur cette série par exemple, je vais raconter quelque chose qui ne va pas plaire au grand frère GSK. Il a joué le rôle de Noaga (poulet en langue mooré), un adepte de la religion traditionnelle. Coïncidence, dans la vraie vie, le grand frère GSK est aussi un adepte de cette religion. Il m’a dit qu’il se sentait bien à l’aise dans ce rôle. Il se souciait de ce qui allait arriver au personnage parce qu’il incarne quelque chose en quoi il croit. Il a insisté pour que la psychologie et la cohérence du personnage Noaga soient respectées. Il suivait de près l’évolution du personnage dans toute la série.

Aussi, quand j’ai contacté Pagnagdé (Halidou Sawadogo), je lui ai d’abord donné le scénario à lire avant qu’on ne parle du rôle qu’il allait incarner. Il a pris le scénario un soir, le lendemain matin à 8h, il m’a appelé. Il avait déjà fini de lire le scénario parce que c’était intéressant. Et quand il m’a appelé, il m’a dit : “Dis-moi que je serai l’imam dans cette série”. (Rires). J’ai répondu : “Oui. J’ai pensé à vous pour le rôle de l’imam”. Les gens se sont bien sentis dans cette série que j’ai écrite et ça me va droit au cœur.

Quelles sont les qualités pour être un bon réalisateur ?

Les qualités que j’ai vues chez mes devanciers, ce sont des qualités d’humilité et de flexibilité. Ce sont des gens qui osaient des choses. Ils ont déjà tracé le chemin et nous aussi, nous marchons sur leurs pas avec beaucoup d’humilité et de respect. C’est important.

Quels sont vos rapports avec les autres réalisateurs ?

Dieu merci, les aînés sont dans cette dynamique de partager leurs expériences avec les jeunes comme nous. Les ateliers, il y en a plein à Ouagadougou. J’y participe quand mon calendrier me le permet. Ces doyens ont grandement contribué à nous faire évoluer, à nous guider, à nous donner des conseils pour mieux faire les choses.

Le réalisateur Dramane Gnessi (en dread) avec son équipe de tournage quelque part au Burkina

Quel regard portez-vous sur le cinéma burkinabè ?

Je suis encore petit pour parler du cinéma burkinabè. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, le cinéma burkinabè a besoin d’un peu plus de soutien dans la production, l’exploitation et la diffusion. On n’a pas assez de salles de cinéma. Le grand frère MCZ l’a souligné à une rencontre que nous avons eu hier (lundi 30 janvier 2023, ndlr). Nous n’avons que deux salles de cinéma vraiment fonctionnelles à Ouagadougou et ce n’est pas assez pour une capitale de cinéma. Si on a plus de salles, on pourra mieux exploiter nos œuvres et être indépendants. On n’aura plus besoin de beaucoup de financements de la part des partenaires et de l’Etat.

Un mot de fin…

Je dis merci à votre média, aux acteurs, à l’équipe technique, à tous ceux et celles qui de près ou de loin ont soutenu cette série-là. On se verra bientôt sur les grands écrans. On souhaite bonne chance à la série et que vivement nous remportons le premier prix en série à cette 28e édition du FESPACO.

Propos recueillis par Fredo Bassolé
Lefaso.net

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