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Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

Publié le dimanche 29 janvier 2023 à 22h30min

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Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

Voilà une semaine que se jouait sur la scène diplomatique un drame qui ne devrait pas avoir lieu pour une fin d’un accord. Mais quand les affaires d’Etat dépassent les relations froides d’intérêts entre entités et se rapprochent des relations sentimentales, d’amour, de désamour et de ressentiments, on se retrouve dans le mélodrame comme s’il s’agissait d’un couple.

Entre la France et ses anciennes colonies, il a toujours été « question d’amour », de recherche d’un jardin privé, un entre soi qui a donné naissance à la funeste Françafrique. Il ne suffit pas de parler d’amour pour que tout soit parfait, car l’amour aussi est un jeu à somme nulle. Dans la relation franco-africaine, c’est la France qui donne aujourd’hui l’impression d’être la femme trahie, abandonnée par son conjoint pour une croqueuse de diamants. Entre la France et le Burkina, ces derniers jours, il nous a semblé que c’est ce scénario que la presse nous a décrit.

Le départ des 400 hommes des forces spéciales françaises de Kamboinsin donnera-t-il l’occasion au pays des hommes intègres de tisser des relations équilibrées avec les tous les pays du monde, où il ne se contentera plus que de la portion congrue ? Le gouvernement a-t-il saisi que le monde est actuellement dans une phase où les compétitions entre les nations s’exacerbent et qu’il ne faudrait plus reproduire les anciens schémas avec tous ceux qui se précipitent avec avidité sur le pays, car personne ne pensera à nos intérêts si nous ne les défendons pas nous-mêmes Burkinabè. Quelle est la nouvelle politique de coopération du pays ?

De quand date l’arrivée des militaires français de l’opération Sabre au pays des hommes intègres ? Il semble que c’est bel et bien le dictateur déchu, Blaise Compaoré, qui a autorisé l’arrivée des soldats français à Kamboinsin. C’était une première car avant lui, aucune autorité voltaïque ou burkinabè n’avait dérogé à la sacro-sainte règle que le premier président de la république Maurice Yaméogo avait adoptée de ne pas accueillir de troupes françaises en Haute Volta devenue Burkina Faso. Est-ce un sentiment de culpabilité qui a prévalu à la non signature d’un accord ? Toujours est-il que le premier accord date du 9 janvier 2015 sous la transition dirigée par Michel Kafando, révisé le 17 décembre 2018 sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré.

Ces troupes basées au Burkina n’avaient pas vocation à aider spécialement le Burkina, mais étaient là pour des missions dans l’ensemble du Sahel. Avec l’intensification des attaques terroristes et l’augmentation continue des pertes de vies civiles et militaires ainsi que du nombre des personnes déplacées, l’opinion publique au Burkina se demandait ce que faisaient les militaires français censés être venus pour mettre fin à son tourment. Les premières manifestations contre les troupes françaises au Burkina ne datent pas du dernier putsch dans le pays. Il faut se souvenir des blocages du convoi militaire de l’opération Barkhane en novembre 2021 à Bobo Dioulasso, Ouagadougou et Kaya.

Tout comme Barkhane, dont l’opération Sabre était une composante, celle-ci n’a pas apporté une plus-value à la lutte contre les groupes armés terroristes. Il est vrai aussi que le MPSR II les a accusés d’avoir hébergé le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, ce qui a suscité une manifestation contre les militaires français à Kamboinsin qui a fait peser la balance en sa faveur lors du coup d’Etat du 30 septembre 2022.

Certaines OSC (organisations de la société civile) en ont fait un fonds de commerce pour gagner des rentes auprès du nouveau pouvoir. L’hostilité à la présence militaire française est une opinion très vieille dans le pays remontant aux indépendances et très populaire dans les organisations de gauche et anti impérialiste. Le pouvoir du MPSR II par cette rupture vise à gagner des soutiens internes à sa cause, c’est pourquoi le président de transition est parti à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou pour en faire l’annonce.

La souveraineté militaire du pays

La demande de départ des troupes a-t-elle pris de cours la partie française qui n’a pas vu ce coup arriver après la Centrafrique et le Mali ? Pourtant pas plus tard que le 10 janvier 2023, la secrétaire d’Etat Chrysoula Zacharopoulou, après une audience avec le président de transition à Ouagadougou, déclarait que « La France n’impose rien, elle est disponible pour inventer un avenir ensemble », assurant ne vouloir « influencer aucun choix, ni aucune décision, personne ne peut dicter ses choix au Burkina ». La prenant aux mots, les autorités burkinabè mettent fin à l’accord militaire.

Quand Ouagadougou disait que c’était dans l’ordre normal des choses, Paris demandait des clarifications. Après avoir été flou sur la réception de la note verbale datant du 18 janvier 2023, Paris a accusé réception le 24 janvier de la demande de retrait de ses militaires du Burkina Faso. Le ministère français des Affaires étrangères annonçant que « La France respectera "les termes de cet accord en donnant suite à cette demande". Et pour manifester sa déception la France a rappelé son ambassadeur à Ouagadougou pour consultation à Paris et pour voir comment inventer un avenir avec ce Burkina qui ne veut pas des militaires français.

Il est dommage que certains voient en cette demande de départ des militaires français, un pas du MPSR II vers le Mali. Comme on l’a dit, même s’il rompt l’isolement diplomatique du Mali sur cette question, c’est une décision qui s’inscrit dans la tradition de souveraineté militaire du Burkina Faso. Elle va aussi dans l’option de compter sur ses propres forces pour libérer le pays des groupes terroristes concrétisée par le recrutement des volontaires pour la défense de la patrie. Cela ne peut pas entraîner l’arrivée de Wagner dans le pays. Ce serait paradoxal, contradictoire et contreproductif de chasser des troupes étrangères pour en faire venir d’autres.

Une nouvelle coopération internationale

Le départ des forces spéciales françaises de Kamboinsin est l’occasion de plaider pour une nouvelle coopération internationale où nous défendons nos intérêts et nous prônons des relations mutuellement avantageuses. De ce point de vue, les autres pays n’ont pas à nous indiquer avec qui nous devons coopérer et quelle position nous devrons adopter sur les sujets en débat sur la scène internationale. Le modèle français qui voulait que les pays francophones s’alignent sur les positions françaises à l’Organisation des nations unies est celui que la Chine, la Russie essaient d’imposer aux pays africains.

La Russie est en ce moment en campagne en Afrique pour que les Etats africains la soutiennent dans son offensive contre l’Ukraine en votant contre des résolutions qui la condamnent. De même la Chine continentale conditionne ses relations à l’absence de reconnaissance de Taiwan avec qui elle-même collabore. Ce diktat imposé à l’Afrique par la Chine ne l’est pas pour les Etats considérés par elle comme incontournable d’Amérique et d’Europe. Nous devons mettre fin à ce modèle de coopération irrespectueux envers nos pays.
Le MPSR II doit réfléchir profondément à une nouvelle forme de diplomatie qui défende les intérêts du Burkina Faso.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 27 janvier 2023 à 22:28, par TANGA En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    SANA, cette fois on peut le dire pour vous : si tu ne peux rien contre le voleur, tu portes les effets qu’il te prend pour l’accompagner. C’est votre cas aujourd’hui.
    Oui, dans tous les pays du monde, toutes leurs presses essaient de redonner confiance aux gouvernants justes et pas aussi et aux populations ; mais vois avez toujours été de l’autre côté. Pourquoi, nul ne le sait sauf vous. Bref.
    Le sabre réintégrer à son fourreau ; du moins au Burkina.

  • Le 27 janvier 2023 à 22:55, par BIDASSE En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Au moins une dizaine de civils ont été tués jeudi lors de deux attaques de jihadistes présumés dans le centre-ouest du Burkina Faso, à environ 140 km de Ouagadougou. Selon un habitant, l’une a eu lieu à Doh, un village de la commune de Dassa ; l’autre à Bachoukorêpoun.

  • Le 28 janvier 2023 à 08:10, par Delcas En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Le monde est fait de relations. Plus votre carnet d’adresse est garni moins vous avez des difficultés à résoudre vos problèmes. Un coup de piston vaut mieux que cent ans d’étude. Pour l’ instant, le pays des hommes intègres peut se faire respecter sur le plan international en commençant par la gestion de la chose publique. Lutter contre le passe-droit et la corruption. Revoir certaines politiques de développement comme autant de Sankara. Consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons. Être fiers d’être burkinabé.

  • Le 28 janvier 2023 à 08:47, par Ed En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Cette analyse est cohérente. Il faut souligner que Macron, certes président français, n’est pas un exemple de neutralité et n’a pas de capacité à dialoguer. Il parle trop souvent sans avoir réfléchi.
    Actuellement, l’ennemi numéro1 est le terrorisme dans le monde. Le fait est que Poutine, dans sa folie, agit plus en son nom propre qu’au nom du peuple russe qui n’était pas menacé par l’Ukraine. C’est aussi du terrorisme qui laisse le monde sans solutions. Il y en a aussi ailleurs, comme Israël vis à vis des palestiniens.
    La folie meurtrière et le pouvoir exercé sur les autres avec l’appât de l’argent sont les problèmes de l’humanité.

  • Le 28 janvier 2023 à 08:59, par christian En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    M. SANA emploie le langage de Macron pour l’Algérie. Histoire d’amour.... Non. Ne jamais oublier que c’était un mariage forcé !!!Trois siècles d’esclavagisme, des décennies de colonialisme et quelques décennies encore de néocolonialisme, d’impérialisme.
    C’est en ayant cela à l’esprit qu’on doit analyser les relations entre le Burkina et la France : la domination, le paternalisme, le soft power de " l’aide au développement" et des ONG "humanitaires"...

  • Le 28 janvier 2023 à 09:14, par momine En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    si la force francaise veut cout que cout rester au Burkina,il faudrait que le Burkina a son tour envoie une force commando a Paris pour sauver les migrants en Mediterranean.Pourquoi n’ y a t il pas de base militaire africaine en europe et particulierement en France ? pas question que le sabre retourne Dan’s son foureau.

  • Le 28 janvier 2023 à 11:02, par christian En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Histoire d’amour, sentiments...M. Sana reprend (inconsciemment ?) les éléments de langage de Macron !!!!
    NON, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Et si l’on file la métaphore, on doit parler de mariage forcé, de viol ! Trois siècles d’esclavagisme, sept décennies de colonialisme, quelques décennies de néocolonialisme. Il y a une chanson de J.Ferrat, ancienne, qui pour parler des rapports de la France avec l’Afrique, parlait du Sabre et du Goupillon. Le soft power des missionnaires est devenu celui de "l’aide au développement" et des ONG "humanitaires". Mais les buts et les résultats sont les mêmes !

  • Le 30 janvier 2023 à 06:26, par TANGA En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Les Africains sont allés aider à lutter contre le nazisme ; ça c’était du concret !
    Mais ils ont été vite ramenés chez eux, certains ont pu avoir tout à la retraite mais beaucoup non. Il y en a qui par ce qu’ils ont osé réclamer euros droits ont été massacrés par ceux qu’ils ont aidé à rester vivants ( les tirailleurs du camp de thiarroy au Sénégal).
    De nos jours, ce sont des forces françaises stationnées dans nos pays pour l’intérêt de qui on ne sait pas, qui n’ont jamais et n’aide pas contre rien qui refusent de s’en aller.
    Comment voulez vous que les Africains ne commentent pas et ne disent pas ce qu’ils voient de ces forces françaises ?
    Ils n’ont qu’à rentrer au risque de se faire aider à rentrer chez eux. Comme disait l’autre : VOUS VA BIUGER !

  • Le 30 janvier 2023 à 11:45, par Gwandba En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    Il ne faut se perdre dans des explications qui n’ont que pour seules objectifs, tirer le meilleur pour soi.

    Chaque partie protège ses intérêts. on ne peut en vouloir à la France de chercher la meilleur manière de garder son avantage sur les pays africains. C’est à ces derniers de trouver le moyen de sortir par le haut dans ce jeux de dupes où chacun embrasse et caresse l’autre pour en tirer le meilleur de son côté.

    Bravo aux africains d’aujourd’hui qui, de par certaines actions rebattent les cartes pour un autre tour. Se retrouvant en difficulté, la France tente par toutes les manières de garder sa chasse gardée sauf que cette fois-ci, les données ont changées.

    Les africains ne sont plus mystifiés par son charme car, ils ont appris à se regarder eux-mêmes. Fin... Pour certains.

    Il en existent encore qui sont toujours sous l’emprise du charme français et n’attendent que la première occasion pour vendre père, mère et enfants.

    Surtout ceux qui adoptent des pseudonymes des cours d’eaux en langue mooré pour tromper les autres. On en trouve même sur ce forum.

    Pour revenir à la France qui, visiblement ne veut pas faire une mise à jour de son logiciel, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Il reste peut être et encore BAZOUM ET OUATTARA comme griots chantant ses louanges mais ça ne va plus duré de ce côté aussi. Elle ferait mieux de rendre à l’évidence.

  • Le 31 janvier 2023 à 08:18, par kwiliga En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    "la première occasion pour vendre père, mère et enfants... Surtout ceux qui adoptent des pseudonymes des cours d’eaux en langue mooré pour tromper les autres. On en trouve même sur ce forum."
    J’ai du tellement froisser votre égo, pour que vous vous livriez à de telles mesquineries.
    D’un autre côté, vos arguments concernant la politique française me paraissant sensés et exprimés d’une manière tout à fait mesurée, je ne peux ici que cautionner vos propos.
    Et puis, après tout, seul l’avenir nous en dira davantage.

    • Le 6 février 2023 à 09:32, par Gwandba En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

      kwiliga

      Cher Kwilga. Pour me froisser ou froisser mon égo, il en faudrait beaucoup plus. D’autant que je suis un apprenant. Ce qui par ricochet pourrait dire qu’il est bien enfuit dans la profondeur et la capacité d’indulgence que je peux avoir pour les autres et moi-même. Donc n’hésitez pas avec moi.

      "Et puis, après tout, seul l’avenir nous en dira davantage."

      C’est en cela toute la différence qui nous sépare parfois. Parce que pour moi, l’avenir sera comme nous voulons qu’il soit en le façonnant aujourd’hui pour qu’il ait des voix tracés lui permettant de se quantifier demain.

      Pour vous et d’après ce que je comprends, l’avenir est un jeu du hasard dans lequel vous n’avez aucune possibilité d’intervention. Il sera ou ne sera pas. Quoi de plus normal que vous penser que votre salut viendra de celle qui a du mal et ne sait pas comment faire aujourd’hui pour trouver l’harmonie chez elle. Tout ce qu’elle sait faire, de la trouver pour les autres.

      Surtout quand ceux-ci lui permettent son statue confortable de nation qui compte par les autres et profite allègrement de vos vos réserves pour renflouer ses caisses et ensuite vous narguer.

  • Le 1er février 2023 à 20:18, par soyons vrais En réponse à : Coopération militaire Burkina–France : Le Sabre remis dans son fourreau

    "LA FRANCE N’A PAS d’AMIS, ELLE N’A QUE DES INTERESTS""
    Mais alors, peut-on parler d’amour ? Cet amour n’a jamais existé. Dieu sauve le Faso, dieu bénisse le Faso

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