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Partis d’opposition : le devoir républicain

Publié le mercredi 18 janvier 2006 à 08h04min

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Incapacité à provoquer l’alternance pour la gestion du pays, des comportements scandaleux rangeant au magasin des accessoires leurs obligations envers la république...Voilà les dernières hérésies des partis d’opposition au Burkina Faso. Le peuple a besoin d’hommes plus imaginatifs que des individus qui vivent par la politique.

Finies les élections présidentielles de novembre 2005 au Burkina Faso. Toutes les prévisions ont échoué. En effet, ils sont nombreux ces burkinabè qui de bonne foi avaient cru que ces élections allaient constituer sans nul doute un tournant décisif dans l’histoire politique de ce pays.

Car elles intervenaient dans un contexte politique nettement différent des précédentes élections, faisant suite à l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO et trois de ses compagnons d’infortune. On se rappelle que cet assassinat avait suffisamment indigné le peuple burkinabè dans toutes ses composantes. Celui-ci à travers les nombreuses marches du Collectif avait démontré au régime Compaoré que « trop c’est trop ! », « halte à l’impunité ! ».

Le Président Compaoré était directement interpellé puisqu’aux termes de la Constitution du 11 juin 1991, il a l’obligation de veiller au respect de la Constitution. Or l’article 2 de ce texte dispose que : « La protection de la vie, la sûreté et l’intégrité physique sont garanties. Sont interdits et punis par la loi, l’esclavage, les pratiques esclavagistes, les traitements inhumains et cruels, dégradants et humiliants, la torture physique ou morale, les sévices et les mauvais traitements infligés aux enfants et toutes les formes d’avilissement ». Peut-il exister des traitements inhumains et cruels que l’assassinat de Norbert et ses compagnons ?

Plus de cinq ans après ce crime, alors que des éléments suffisamment graves rapportés par la Commission d’enquête mise sur pied au lendemain du crime de Sapouy mettent en cause un groupe de personnes bien identifié, on est étonné que le droit n’ait pas encore été dit.

Ce désaveu du régime Compaoré s’est révélé encore au lendemain des élections législatives de mai 2002 par l’entrée en force de l’opposition au Parlement, 54 députés contre 57 pour le parti au pouvoir, score historique de notre histoire politique. Ce score traduisait un sentiment de lassitude d’une population qui en avait marre d’une gouvernance politique et économique qui ne lui profite guère.

Malheureusement le capital de sympathie engrangé par celle-ci allait prendre un coup sérieux, au point de constituer un obstacle à l’alternance au pouvoir qu’on pouvait espérer au sortir des élections de 2005. Il faut avoir le courage de l’assumer, le premier responsable de cette cuisante défaite aux élections présidentielles de novembre 2005, c’est d’abord et surtout l’opposition burkinabé toutes tendances confondues.

Un homme politique burkinabé n’affirmait-il pas que « le parti au pouvoir n’est pas fort, c’est l’opposition qui est faible » ? Comme l’a souligné maladroitement le directeur national de campagne du président Compaoré, l’opposition doit arrêter de mentir en cherchant un bouc émissaire à son incapacité organisationnelle, à son narcissisme, au total à ses errements.

En réalité, cette élection ressemblait plus à une « élection dans une élection » où chaque opposant avait en face de lui deux adversaires, le candidat Blaise Compaoré et chacun des candidats de l’opposition. A ce jeu tout devenait facile pour le président sortant. La disproportion des moyens de toute nature n’explique pas tout. Que l’opposition parlementaire ( Paren, Unir/ Ms, PAI...) se rappelle qu’elle est arrivée à l’Assemblée Nationale avec des moyens ridicules.

Oui les moyens sont incontournables dans les démocraties modernes d’aujourd’hui, mais avec un peu d’intelligence et avec très peu de moyens, l’opposition aurait pu faire un meilleur score aux dernières élections présidentielles. Les partis de l’opposition nouvellement arrivés à l’hémicycle ont raté toutes les occasions qui leur avaient été offertes sur un plateau d’or pour relativiser le pouvoir du CDP.

Sont de ces occasions, les fameuses affaires de millions versés aux élus. Non ! Un élu du peuple digne de ce nom ne peut pas ne pas renoncer par principe à tous ces avantages, ne fut ce que de façon pédagogique. A défaut, tout cet argent devrait être en partie versé à ces nombreux misérables des temps modernes qui pullulent dans nos villes et villages. L’argument selon lequel le peuple solliciterait énormément les élus ne peut pas suffire à expliquer l’attitude de nos élus.

Et puis c’est parce qu’il est pauvre qu’il mendie chez son élu, puisque toutes ces sommes versées à nos élus auraient pu servir à réduire la proportion croissante de misérables dans ce pays. Non ! aucun être humain digne de ce nom n’éprouve du plaisir à mendier de l’argent et les élus de l’opposition qui sont sensés vivre avec le peuple réel doivent le savoir plus qu’aucun autre homme politique.

Le peuple sait reconnaître ses défenseurs de ses bourreaux. C’est pourquoi aux élections législatives de mai 2002, il avait donné l’occasion à l’opposition d’arriver en force à l’Assemblée Nationale. Face aux nombreuses sollicitations, il aurait fallu expliquer au peuple le rôle véritable de l’élu et de lui dire à quoi avaient bien pu servir tous les millions reçus.

Sans aucun doute, le peuple aspire à l’alternance, mais pas à n’importe quel prix. Il est à la recherche des « hommes qui vivent pour la politique » et non « ceux qui vivent par la politique », et ces dernières, Dieu seul sait qu’ils sont nombreux dans ce pays. Certes, il faut reconnaître que dans l’opposition burkinabé, on rencontre des personnalités dont l’engagement politique est très sincère et à la limite, on pourrait dire qu’elles se sacrifient à leur façon pour leur nation en construction.

Mais ces opposants doivent savoir que les qualités recherchées chez un homme politique, ce n’est pas seulement la droiture morale. Et comme l’affirmait le général De Gaulle, un homme politique se doit non pas d’être rusé, ce qui est moralement condamnable, mais il lui faut suffisamment d’habileté pour la conquête du pouvoir. Et le peuple se laisse beaucoup plus séduire par l’apparence que par les choses profondes.

Pour reprendre la théorie marxiste du changement révolutionnaire, on peut dire qu’au Burkina, les conditions objectives du changement existent, mais pas encore les conditions subjectives. S’il n’ y a pas un sursaut d’orgueil de la classe politique, l’histoire rattrapera notre pays. Et comme l’a si bien rappelé le très respectable Président du Collège des sages, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le pays risque de se retrouver dans la situation d’avant le 13 décembre 1998. Inéluctablement, le Burkina avance vers la concentration du pouvoir politique dans les mains d’une et une seule famille politique.

Le président du Faso réélu se doit ici d’être très vigilant. Il doit mettre l’intérêt de la nation burkinabè en construction au dessus des petits calculs politiciens en s’engageant résolument vers le renforcement de la démocratie au Burkina Faso. Il doit veiller à l’exécution des dernières recommandations du très contesté « Conseil constitutionnel ».

En effet, le conseil proposait entre autres que « les bonnets rouges », les responsables administratifs villageois se tiennent un peu plus discrets dans l’organisation des différents scrutins électoraux. Pour une fois les grands conseillers ont été véritablement sages et il faut le leur reconnaître, même si les dernières nominations effectuées au sein de cette institution viennent davantage jeter du discrédit sur elle. En effet, comment comprendre la nomination de personnalités largement contestées dans la presse et semble t-il aussi par le dernier rapport de la commission d’enquête sur les magistrats dans une institution aussi prestigieuse ?

Selon notre confrère l’Evénement du 10 janvier dernier, l’ancienne présidente du tribunal de grande instance de Ouagadougou, Mme Alimata Oui dont les frasques judiciaires ont été suffisamment relayées par la presse, aurait été illégalement nommée en qualité de juge constitutionnel par le Chef de l’Etat sur proposition du ministre de la justice. En effet, la loi fait obligation dit-on au ministre de la justice de requérir d’abord l’avis du conseil supérieur de la magistrature avant de proposer la nomination d’un magistrat au conseil constitutionnel.

Ce qui n’aurait pas été fait. Une telle entorse à la légalité entache gravement le crédit non seulement du conseil lui même, mais c’est surtout l’Etat de droit qui est en danger au pays dit des hommes intègres. Et il y a de quoi s’inquiéter sérieusement, surtout qu’aucun parti politique, ni aucune organisation de la société civile n’a dénoncé cette violation flagrante de la loi. Sous d’autres cieux, le ministre de la justice aurait été contraint à donner des explications sur un tel sujet devant la représentation nationale.

Le rôle de l’opposition s’est finalement cela, parce que l’alternance tant réclamé exige un préalable : que la démocratie et l’Etat de droit se construisent au quotidien..

Quand un ministre est limogé parce qu’il est présumé avoir détourné des centaines de millions de fcfa , l’opposition est tenue d’exiger de la part du gouvernement des poursuites judiciaires contre un tel ministre. Si elle ne le fait pas, elle n’est plus digne de parler au nom du peuple. Et elle ne dispose d’aucun argument pour justifier son inaction devant des faits aussi graves.

L’action des médias doit recevoir un écho retentissant dans la société politique et dans la société civile ( il s’agit ici de tous les mouvements associatifs), sinon les journalistes sont mis en danger. Et c’est un tel autisme de la classe politique et de la société civile qui a conduit à la fin tragique de Norbert Zongo et trois de ses compagnons.

L’opposition burkinabé, si elle existe encore, doit prendre ses responsabilités et au lieu seulement de contester « l’ordre CDP » actuellement établi, innover par ses propositions à même de renforcer le processus démocratique en cours. Peu importe que le pouvoir s’érige contre ses reformes, l’opinion nationale et internationale découvriront la vraie face de l’actuel régime.

La situation claire-obscure de la démocratie burkinabè ne peut profiter qu’aux hommes politiques médiocres qui veulent vivre de la politique. Or à ce jeu c’est le peuple qui sort perdant, et toute la nation avec. Qui peut soutenir que c’est avec plus de cent partis que la démocratie se construit ? Qui peut soutenir que le nomadisme n’est pas condamnable non seulement du point de vue du droit, mais aussi du point de vue de l’éthique ?
Non ! L’homme politique qui veut gérer la cité se doit d’être un modèle de vertu.

La démocratie, on l’oublie souvent n’est pas autre chose que le régime qui donne le primat à la vertu. L’actualité politique nous apprend qu’en Angleterre, le président du parti des libéraux a dû démissionner parce qu’il avait des problèmes avec l’alcool. Le fait pour lui d’être dépendant de l’alcool a justifié qu’il démissionne de la tête de son parti. Les hommes politiques burkinabè, ceux de l’opposition en particulier doivent se ressaisir ici et maintenant.

Famaghan Traoré
Bendré

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