Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un accident domestique ?

Dr Kiéma : Les accidents domestiques sont des accidents de la vie courante. Ce sont des événements malheureux qui peuvent survenir à la maison ou aux alentours de la maison.

Quels sont les accidents domestiques les plus courants ?

Les accidents domestiques sont un large éventail. Il y a les chutes qui peuvent être du haut d’un arbre, du haut de l’escalier ou du balcon. On peut parler aussi des brûlures par contact direct avec les flammes ou par contact avec un objet chaud. On a les intoxications aux produits toxiques ou aux médicaments. Il arrive que les enfants ingèrent de la potasse, de l’acide. Il y a les étouffements dus au fait que les enfants avalent de petits objets qui se retrouvent dans leurs poumons et qui peuvent les étouffer. A côté de ça, il y a les noyades qui sont aussi assez fréquents.

A-t-on une idée de l’ampleur du phénomène ?

Dans le monde entier, on estime à 800 000 le nombre de décès d’enfants chaque année qui sont imputables aux accidents domestiques, toutes causes confondues. En Europe, où ils sont venus à bout des maladies infectieuses, les accidents domestiques sont passés première cause de mortalité chez les enfants de 0 à 5 ans. Mais en Afrique, où on est encore préoccupé par les maladies infectieuses comme le paludisme, les gastro-entérites ; il faut dire que les accidents évoluent à bas bruit. On peut les taxer d’épidémie silencieuse. C’est un constat réel, même si les chiffres ne sont pas beaucoup disponibles, il ne se passe pas un jour sans que des familles soient victimes d’accidents domestiques.

Quels sont les facteurs de risque des accidents domestiques ?

Ces accidents domestiques concernant les enfants sont liés à l’âge, mais aussi au degré d’éveil des enfants. Les risques ne sont pas les mêmes selon l’âge de l’enfant. Néanmoins, ce qu’on peut retenir, c’est que les enfants qui sont âgés d’au moins deux ans sont beaucoup plus exposés aux accidents domestiques parce qu’ils ont une liberté de mobilité. Ce sont des enfants qui sillonnent toute la maison, donc les risques d’accidents domestiques sont augmentés. En plus de ça, on peut citer le sexe. Les petits garçons sont beaucoup plus exposés aux accidents domestiques, parce que généralement ils débordent d’énergie, ils sont beaucoup plus téméraires face aux risques et sont beaucoup plus pressés de découvrir leur environnement.

Dans la maison, y a-t-il des pièces où les risques d’accident sont plus accrus ?

L’environnement dans lequel évoluent les enfants va aussi être un facteur de risque. Toutes les pièces de la maison peuvent présenter des dangers potentiels pour les enfants. Mais de ce qui ressort le plus, c’est la cuisine qui est le nid de dangers, le nid d’accidents domestiques pour les enfants avec des cas de brûlures assez graves qui surviennent.

Quand on est témoin d’un accident domestique, quels sont les bons réflexes à adopter ?

Le premier réflexe, c’est de travailler à garder son sang-froid. Lorsqu’on perd son sang-froid, on perd ses moyens. Ensuite, la conduite à tenir va dépendre du type d’accident devant lequel vous vous trouvez. Lorsqu’il s’agit d’un enfant par exemple qui est en train de s’étouffer parce qu’il a avalé de travers des grains de cacahuètes, il faut lui administrer cinq tapes vigoureuses dans le dos, derrière les deux omoplates. S’il s’agit d’un cas de brûlure qui s’est produit, ce qu’il y a lieu de faire, c’est d’appliquer de l’eau à température ambiante sur la partie qui a été brûlée.

S’il s’agit d’un cas de chute, vérifiez d’abord si la personne est toujours consciente et la mettre en position de sécurité, de profil gauche, en attendant d’arriver dans un centre de santé. S’il s’agit d’un cas d’intoxication, ce qu’on a l’habitude de voir, c’est que si un enfant ingère par exemple du pétrole, les parents ont tendance à faire vomir avant d’arriver à l’hôpital. Ce n’est pas bon, c’est très dangereux.

Si on considère des cas où les enfants ont ingéré des produits corrosifs tels que l’acide, lorsque l’enfant ingérait l’acide, tout le tube digestif a été brûlé et si vous le faites vomir, ça va brûler encore pour ressortir et donc on se retrouve dans une situation où vous compliquez le cas de l’enfant en le faisant vomir. Devant les intoxications, il ne faut pas administrer un produit pour inciter l’enfant à vomir, il faut juste regagner le centre de santé le plus proche. En fonction du produit qui a été ingéré, l’enfant pourra bénéficier d’une prise en charge adéquate par des agents de santé formés à cela.

Comment peut-on prévenir les accidents domestiques ?

Les accidents domestiques étant variés, leur prévention aussi va aller au cas par cas. Mais déjà à la maison, il faut s’assurer d’être très rangé, ne rien laisser au hasard parce que les enfants sont imprévisibles. Lorsqu’on considère le cas des intoxications, il faut éviter de ranger les produits toxiques à côté des produits alimentaires. Il faut bien ranger les médicaments hors de la portée des enfants. Et pour les cas de brûlures, il faut le plus possible éviter l’accès des enfants à la cuisine. Il faut faire attention aux casseroles qui ont un bras qui déborde. Il faut s’assurer de toujours refermer le robinet de la bouteille de gaz.

De quoi peut être composé un kit de premiers secours ?

Il est très important effectivement d’avoir un kit de premiers secours à la maison. Ce kit peut être constitué du nécessaire parce exemple pour prendre en charge rapidement les blessures. On pourra y mettre du sparadrap, des bandes, des ciseaux, un désinfectant tel que l’alcool ou de la Bétadine. On peut ajouter bien d’autres choses comme un thermomètre.

Un dernier mot ?

Merci à toute l’équipe de Lefaso.net qui nous donne l’opportunité de sensibiliser sur les accidents domestiques. Nous sommes conscients que c’est un domaine où nous devons faire beaucoup d’efforts pour sensibiliser les parents aux mesures préventives et surtout aux premiers gestes à poser avant d’aller à l’hôpital. En décembre dernier, nous avons tenu une sorte de masterclass à l’endroit des parents sur la prévention et la gestion des accidents. Nous prévoyons, avec notre structure Kids Health, une deuxième session pour fin février et nous serons vraiment ravis d’accompagner des parents pour renforcer leurs capacités dans ce domaine.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Ange Auguste Paré
Lefaso.net