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Programme « Giving for change » de l’ABF : « On nous a appris qu’on peut se prendre en charge, sans demander de l’aide extérieure » (Mme Koudougou, leader d’association)

Publié le lundi 9 janvier 2023 à 20h40min

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Programme « Giving for change » de l’ABF : « On nous a appris qu’on peut se prendre en charge, sans demander de l’aide extérieure » (Mme Koudougou, leader d’association)

Accompagner les associations à base communautaire dans la mobilisation des fonds sur le plan local, la réalisation de leurs micro-projets de développement, l’identification des opportunités de financement et l’appui-technique, c’est la mission principale de l’Association burkinabè de fundraising (ABF), à travers notamment son programme Giving for change (donner pour le développement endogène). Un nouveau paradigme qui instruit les associations à base communautaire à adopter une stratégie de travail de « bas vers le haut, de haut en bas et le point de rencontre au milieu ». Une innovation, un nouvel état d’esprit qui paie sur le terrain des associations de développement. Une sortie-terrain auprès de bénéficiaires de la région de l’Est a permis, en mi-novembre 2022, de faire le constat de cette démarche innovante de l’ABF.

C’est d’ailleurs en pleine session de formation avec des associations partenaires que s’est effectuée cette sortie de constat sur le terrain. Cette formation, qui s’inscrit dans une série, a porté sur la « carte communautaire de performance » du programme Giving for change. Le concept de « carte communautaire de performance » est une démarche qui implique les communautés locales dans la conception et la réalisation des projets. C’est un élément qui fait partie (paquage de modules développés par l’ABF) des innovations de l’Association burkinabè de fundraising, déroulées à travers les programmes et modules.

Mme Koudougou

Ce qui est ici visé, c’est le « développement endogène », compris comme ce qu’on fait sur le terrain avec ses propres moyens et en impliquant la communauté. Dans une société où l’efficacité des organisations de développement se mesure aux financements des partenaires, le programme Giving for change apparaît incontestablement comme une réelle révolution des mentalités pour utiliser son propre potentiel. Et les bénéficiaires du programme n’ont de cesse, et avec fière allure, d’exprimer cette réalité qu’ils vivent désormais sur le terrain dans leurs activités au quotidien.

Parmi les organisations de développement, et dans la région de l’Est, Scoops Yanyema est une structure qui œuvre dans l’autonomisation des femmes, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, appuis-conseils, la gestion des ressources naturelles. Association de référence dans la région, Scoops Yanyema a plusieurs années d’expériences à son actif, aidée dans ses efforts par des partenaires nationaux et extérieurs, notamment néerlandais. Forte de cette expérience, Scoops Yanyema constitue aujourd’hui une sorte de chef de file ou de tutorat pour plusieurs associations bénéficiaires des programmes de l’ABF.

Les participants, attentifs à la formation sur la "carte communautaire de performance", dispensée par les coachs certifiés Paamba Lompo (ici débout) et Madia Tankoano.

« Avec le programme Giving for change de l’ABF, plusieurs organisations sont cooptées à travers la province du Gourma (même si l’insécurité ne favorise pas la prise en compte de toutes les localités de la région). Il faut dire que nous avons découvert l’ABF grâce à des partenaires néerlandais, qui nous ont parlé d’elle et nous ont remis le numéro du chargé de programme », retrace le premier responsable de l’association Scoops Yanyema, Lazard Sina. Le premier contact entre les responsables des deux organisations, Scoops Yanyema et ABF, va poser les jalons d’une réelle relation par laquelle, la première citée va se métamorphoser en découvrant le potentiel en elle, qu’elle n’avait jamais soupçonné. Le bain commence par le programme ‘’Change the Game Academy’’.

Formation en gestion des ressources, la nécessité d’un suivi-évaluation

« Cette formation a été d’une utilité inestimable ; elle nous a même permis de collecter des fonds à notre niveau ici et de pouvoir mener des activités qui étaient bloquées. Ce qui a été un grand ouf de soulagement, car soumettre à chaque moment des demandes aux partenaires pour réaliser des activités, ce n’est pas aisé. Mais avec ce programme déjà, il y a des moments où on arrive à mobiliser sur place les ressources pour les activités », détaille M. Sina, avouant qu’avec ce programme, il y a un réel changement dans la perception et la démarche de l’association.

« Je peux le dire haut et fort, les retombées sont énormes. Grâce aux connaissances acquises avec le programme, on a pu, la première fois organiser notre foire, mobiliser sur place plus de trois millions de francs CFA. On s’est donc dit que si on peut organiser des activités pour récolter une telle somme, pourquoi pas ne pas institutionnaliser la foire. Le changement est donc réel, net et c’est visible. Avant, quand on avait besoin de mener une activité ou d’un montant, il fallait adresser une demande au Pays-Bas. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas, parce que nous arrivons à prendre en charge beaucoup de choses et notre organisation se sent à l’aise », présente, sourire aux lèvres, le président de l’association Scoops Yanyema, Lazard Sina, Mieux, grâce à l’action de l’ABF, plusieurs organisations au plan local ont décidé de fédérer les énergies à travers les points qui leur sont communs. Ce qui permet, entre autres, le partage des bonnes pratiques entre associations.

La session de formation, ce sont aussi ces séquences de détente.

L’Association de la jeunesse pour la promotion de la culture et la valorisation des ressources naturelles (AJPR) bénéficie également du programme de l’ABF. Initiative née au départ dans un quartier de Fada pour apporter une touche à la célébration de l’indépendance par l’animation, elle va finalement prendre la forme d’une association, au regard des succès qu’elle a rencontrés. Mais tout comme ces nombreuses associations au Burkina, l’AJPR se bornait à la démarche classique de demandes d’aides à chaque date pour dérouler son activité, avoue un des responsables.

« Si ce programme n’existait pas, il fallait le créer. Honnêtement, on s’est rendu compte que beaucoup d’associations travaillent sans maîtriser ce qu’elles font. Certaines personnes pensent que faire des prestations de service, c’est cela la solution ; alors que non. C’est ce que nous faisions avant ; on faisait des activités et ce qu’on gagnait, on bouffait et on reprenait l’année suivante en cherchant à nouveau des partenaires. Ce qui ne résout pas le problème. Maintenant, avec les formations que nous avons reçues avec ABF à travers ses programmes, on a la maîtrise des choses. Quand vous suivez la formation, au bout de quelque temps, vous vous auto-financer. Ce programme est vraiment une grande solution pour nos structures de s’auto-financer », indique ce responsable de l’AJPR, une association qui étend désormais son domaine d’intervention à l’éducation, la culture et à l’environnement.

Lazard Sina

Regard dans le rétroviseur, il se réjouit que des pratiques classiques asservissantes soient reléguées au rang du passé. « Scoops Yanyema était une organisation qu’on sollicitait régulièrement pour soutenir nos activités. Elle a eu l’idée de nous faire bénéficier des formations de l’ABF. Ça a été le déclic, si on peut le dire ; parce qu’il y a beaucoup de choses qu’on ignorait en réalité du fonctionnement des associations, telle que la mobilisation des ressources. La formation a permis de changer de perception. A titre d’exemple, avant, et comme cela est de pratique dans les organisations sous nos cieux, quand il y avait une activité, ce sont quelques-uns des membres du bureau qui se mobilisaient. Mais aujourd’hui, après la formation, la mobilisation des membres est totale. Avant, l’association pouvait faire trois mois sans rencontre. De nos jours, nous tenons des rencontres chaque fin du mois, pour faire le point des actions », a confié le membre de l’AJPR. C’est pourquoi souhaite-t-il d’ailleurs la consolidation du programme Giving for change et son élargissement à d’autres associations à base communautaire qui ont pour cheval de bataille, le développement de la région de l’Est. L’AJPR plaide également pour, et comme pour couronner, une formation en gestion des ressources. Elle souhaite en outre que l’Etat répertorie les associations, chacune dans son domaine, pour faciliter les éventuels accompagnements techniques et administratifs.

« On ne peut pas monter un projet sans la participation de toute la communauté »

L’Association pour la promotion des jeunes du Gulmu pour l’auto-emploi (APRAJEGEM/A) est une autre bénéficiaire de cet esprit d’innovation dont l’ABF dote les organisations de la société civile. « Nous sommes à la cinquième session de formation avec ce programme, sur le développement endogène, la mobilisation des soutiens et des ressources locales, les droits humains, les défis et genre et aujourd’hui la CCP (la carte communautaire de performance). (…). C’est pour que tout le monde puisse s’impliquer en tant qu’acteur.

On nous a appris qu’on peut travailler ensemble et se prendre en charge sans demander de l’aide extérieure. Avant, on menait les activités sans savoir quels sont les avantages et les inconvénients. Avec ce programme, on s’est rendu compte qu’on faisait le développement endogène, mais sans le savoir. On faisait la mobilisation des ressources sans le savoir. C’est vraiment un plus pour nous », explique Lamoussa Edith Koudougou, chargée des relations extérieures de l’APRAJEGEM/A. Au regard de l’effet bénéfique de ce programme, Lamoussa Edith Koudougou sollicite une formation sur la gestion financière et le suivi-évaluation.

Même perception pour Paramanga Clémentine Lankoandé de l’association des femmes handicapées du Gourma, spécialisée dans le bouillon local « le soumbala ». « On a su que les ressources doivent être locales, c’est important. Avant, on était assis et on attendait. Avec ce qu’on a découvert, on s’est rendu compte qu’on pouvait faire beaucoup de choses. On peut mobiliser des fonds, quitte à demander ajouter. Même en matière de gestion des associations, notre façon de voir les choses a totalement changé ; on a compris maintenant que de retour de chaque formation, il faut partager les connaissances avec les autres membres, c’est très important. Ça profite beaucoup à tout le monde », a relaté Mme Lankoandé.

Mme Lankoandé, les regards tournés vers les perspectives.

Cependant suggère-t-elle, l’ABF doit suivre les associations qu’elle a ciblées. « Il faut qu’elle (ABF, ndlr) cherche à comprendre est-ce que son objectif est atteint avec nous. Il faut qu’elle nous suive jusqu’à nos sièges, c’est très important », invite Paramanga Clémentine Lankoandé, pensée tournée vers des perspectives encore plus audacieuses pour sa structure, l’Association des femmes handicapées du Gourma.

Paamba Lompo est l’un des deux formateurs (coachs) certifiés pour le compte de Scoops Yanyéma qui ont, sous les regards avisés de Joanny Tougma (coach de l’ABF), assuré la session des 14 et 15 novembre 2022. C’est d’ailleurs grâce au partenariat entre son association d’origine avec Scoops Yanyema qu’il a bénéficié des compétences qui l’ont hissé au rang de coach certifié.

« Beaucoup d’associations font de la mobilisation de ressources locales, mais avec amateurisme. Avec cette formation, elles arrivent à organiser leurs activités et reviennent même vers nous pour nous expliquer le bénéfice de ces sessions de formation », a-t-il résumé avant de préciser que la session qui vient de s’achever se veut « un outil complémentaire de la trajectoire ».

« De nombreuses structures savent monter les projets, mais ne savent pas qu’on ne peut pas monter un projet sans la participation de toute la communauté. On ne peut pas partir de façon isolée. Le module est le bienvenu. Ça parle de comment monter la carte sociale, la carte de performance au niveau communautaire et avec les prestataires de service. Ce module montre l’interaction entre les entités qui doivent se mettre ensemble pour réaliser les activités », explique le coach certifié, Paamba Lompo, marquant sa satisfaction vis-à-vis des participants.

Au-delà de ces bénéficiaires, le coach lance un appel général, notamment à l’endroit des membres des associations : « Il faut profiter de chaque formation qui s’offre à vous, même si elle est petite. On ne dit jamais que c’est petit. On ne finit jamais d’apprendre. Allez-y vers les formations, payez parfois pour vous former, car aujourd’hui, tout est basé sur les connaissances ».

Pour mémoire, l’Association burkinabè de fundraising (ABF, https://www.abfburkina.org/) est une organisation qui accompagne les associations à base communautaire dans la réalisation de leur mission par la consolidation de leurs compétences professionnelles en mobilisation de soutiens et des ressources.

O.H.L
Lefaso.net

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