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La censure : bourreau des droits de l’homme

Publié le vendredi 13 janvier 2006 à 07h32min

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La censure, en droit, renvoie à l’ensemble des règles édictées et des mesures prisespar l’Etat ou par un pouvoir religieux tendant à contrôler, limiter,voire supprimer la liberté d’expression. Elle a plus ou moins existé de tout temps et peut frapper toute œuvre de production de l’intellect.

L’histoire de la censure est très étroitement liée à celle des régimes politiques des Etats. De tout temps, les modes d’expression de la pensée, ont été plus ou moins limités et toujours réglementés, même dans les démocraties libérales. Dans l’Antiquité, par exemple , Socrate, déclaré impie et coupable de corrompre la jeunesse, fut condamné à boire la ciguë. Alors que le philosophe était considéré comme un citoyen exemplaire, sa mort fut décidée car il s’opposait à l’idée reçue selon laquelle les astres avaient un caractère divin ou mystérieux, manifestation d’une indépendance d’esprit jugée intolérable et dangereuse dans la société athénienne du IVe siècle. De nos jours, la consécration du principe de la liberté d’expression interdit aux systèmes juridiques de prévoir des régimes de censure générale ou l’application de peines pénales pour des “ délits d’expression ”, même si des régimes spécifiques d’autorisation subsistent dans certains cas.

Manifestation de la censure religieuse et étatique

De nombreux ouvrages et manuscrits considérés hérétiques par l’Église furent brûlés, et leurs auteurs inquiétés ou punis... Cependant, c’est surtout à partir de l’instauration de l’Inquisition au XIIIe siècle que la censure religieuse prit un tour systématique et férocement répressif. Des tribunaux spéciaux, appelés tribunaux inquisitoriaux, furent institués ; chargés de réprimer les crimes d’hérésie et de sorcellerie, ils n’hésitèrent pas à prononcer les peines les plus dures à l’encontre des accusés.

Avec la découverte de l’imprimerie au XVe siècle, la censure s’exerça de façon préalable, soumettant les imprimeurs à une obligation de transmission des manuscrits avant impression, tandis que l’Inquisition était expressément chargée de surveiller l’orthodoxie religieuse des ouvrages. La censure religieuse n’épargna pas le domaine de la science, comme en témoignent les condamnations de Copernic (1616) et de Galilée, contraint par le tribunal de l’Inquisition d’abjurer ses théories en 1633. Avec l’affirmation de l’absolutisme, qui s’appliqua à organiser et à contrôler le monde des lettres, une véritable censure idéologique vint s’ajouter, sans se substituer toujours, à la censure religieuse. Tous les livres et toutes les gazettes devaient faire l’objet d’une autorisation préalable, qui pouvait être refusée par l’administration de façon arbitraire. Il existait un personnage directement chargé de ces autorisations, le directeur de la Librairie, à qui revenait la tâche d’assurer le respect de la censure et dont les pouvoirs en la matière étaient immenses. Au cas où un ouvrage était publié sans l’autorisation du directeur de la Librairie, et était considéré comme outrageant, des poursuites pouvaient être engagées (Diderot en fut victime, qui passa trois mois à Vincennes après la publication en 1749 de la Lettre sur les aveugles) et les auteurs condamnés au bannissement. Quant à l’imprimeur de ces ouvrages interdits, il encourait les peines du carcan ou des galères.

Régime juridique de la censure en matière de presse

A partir du XVIIIe siècle, la pensée philosophique procéda à une remise en cause de l’absolutisme et de l’exclusivité des dogmes religieux, attaquant par là-même le principe de la censure au nom de la liberté d’expression. Concrètement, c’est la Déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776 qui marqua un tournant en affirmant que la liberté est l’un des droits inaliénables de l’homme. En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 établit solennellement la liberté d’expression et d’opinion religieuse, son article 11 disposant que “ la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme.” A l’égard de la presse, c’est l’article 17 de la Constitution du 3 septembre 1791 qui consacra le principe selon lequel “nul homme ne peut être recherché ni poursuivi à raison des écrits qu’il aura fait imprimer ou publier ”.

Malgré cette affirmation solennelle, la censure ne disparut pas, dans un contexte révolutionnaire où la manifestation de toute opinion dissidente pouvait conduire à l’emprisonnement ou à la mort. Ainsi la Convention rétablit-elle la censure de la presse dans des termes particulièrement véhéments : “ Les empoisonneurs de l’opinion publique tels que les auteurs de journaux contre-révolutionnaires seront mis en prison et leurs presses, caractères et instruments, distribués entre les imprimeurs patriotes. ”

Les régimes applicables aujourd’hui en matière de presse prévoient, comme dans tous les États, des restrictions à la liberté totale d’expression, toujours motivées par des considérations d’ordre public. Certes, ce sont ces considérations qui, de tout temps, ont été avancées pour justifier la censure ; mais un État véritablement démocratique se reconnaît à ce qu’il propose une définition claire et limitative des atteintes à l’ordre public.

La liberté de la presse est caractérisée par un régime répressif, libéral puisqu’ aucune censure préalable ne vient limiter la production ni la diffusion des journaux et des livres, la répression n’étant mise en œuvre si ces ouvrages constituent une atteinte ou une violation de la loi. Ainsi, pour les livres, la loi exige seulement que soit remplie la formalité de “ dépôt légal ” auprès du préfet et du maire. Les périodiques sont, quant à eux, soumis à une déclaration écrite au Parquet lors de la création du titre.

Enfin, l’ouverture d’une imprimerie n’est désormais soumise à aucune censure gouvernementale. La répression prévue par la loi sur la presse prend la forme de saisies, qui peuvent être judiciaires, sur ordre d’un juge d’instruction (pour une raison de forme, le non-respect de l’obligation de dépôt légal, ou pour des raisons de fond, s’agissant d’œuvres obscènes risquant d’être exposées à la vue des mineurs, de publications incitant au meurtre ou à la violence à l’encontre des personnes, ou comportant des offenses à l’égard des chefs d’Etat ou de gouvernements étrangers).

El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
( Collaboration PADEG - SIDWAYA - REJIJ )

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 24 février 2015 à 10:09, par kabore aicha baye, etudiante en 3eme année Lettres Modernes/ université de koudougou En réponse à : Le phenomene de censure des oeuvres de la litterature de jeunesse

    quelles sont les œuvres de la littérature de l’enfance et de la jeunesse ayant été censurées et quelles peuvent en être les raisons ?

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