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Colloque international sur l’industrialisation : Zéphirin Diabré exhorte les entrepreneurs à avoir une « audace industrielle »

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Publié le dimanche 18 décembre 2022 à 22h11min

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Colloque international sur l’industrialisation : Zéphirin Diabré exhorte les entrepreneurs à avoir une « audace industrielle »

L’université Norbert-Zongo de Koudougou a accueilli un colloque international de scientifiques, le jeudi 15 décembre 2022. Ce colloque a été organisé par le Laboratoire d’économie appliquée (LABEA), en collaboration avec le Centre d’études et de recherche sur l’intégration économique en Afrique (CERIEA). « Développement industriel de l’Afrique dans le contexte de fragilité », tel était le thème du colloque dont la conférence inaugurale a été animée par le Dr Zéphirin Diabré, ancien ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale.

Ce colloque international sur l’industrialisation a été placé sous la présidence du ministre en charge de de l’Enseignement supérieur, Adjima Thiombiano, et le parrainage de Serge Poda, ministre en charge du Développement industriel. Il visait à promouvoir la connaissance dans le domaine de l’économie. Dr Zéphirin Diabré a été invité à animer la conférence inaugurale sur le thème « Développement industriel de l’Afrique dans le contexte de fragilité ».

Les notions de fragilité, d’industrie et d’industrialisation, ainsi que des propositions de politiques et stratégies ont été les points développés au cours de cette conférence.
Il est revenu au Pr Idrissa Ouédraogo de présenter le parcours prestigieux du l’ancien ministre d’État, avant qu’il ne débute sa communication. Zéphirin Diabré est sorti diplômé de l’École supérieure de commerce de Bordeaux, promotion 1982, où il a été élevé au rang de docteur en économie et gestion.

Pr Idrissa Ouédraogo

Revenu au Burkina en 1987, il entame une carrière de professeur à l’université de Ouagadougou. En 1992, il est nommée directeur adjoint de la Brakina. En 1997, alors qu’il est élu député et nommé président du Conseil économique et social, il démissionne et commence une carrière internationale dans la prestigieuse université américaine de Harvard. En janvier 1999, il est nommé directeur adjoint du PNUD, et en février 2006, il rejoint le groupe Areva. En octobre 2011, il s’installe comme consultant international dans le domaine du financement minier. Voilà résumée la carrière « neutre » de l’homme.

Zéphirin Diabré a entamé sa présentation en relevant cinq dimensions qui font savoir qu’un pays est en état de fragilité ou pas. Il s’agit des dimensions sécuritaire, politique, économique, sociale et environnementale. « Il est vrai que cette notion de fragilité prend une tournure quelque peu spéciale depuis quelques années, avec l’émergence d’une nouvelle menace sur le plan national ou international telle que la situation actuelle du pays », a lancé l’ancien ministre.

Pour lui, cela ne change rien à la difficulté de la tâche, car dès leurs indépendances, les États africains étaient déjà en état de fragilité soit par manque de compétences, soit par manque de ressources ou par manque de stabilité. Il ajoute que cette question de fragilité peut être regroupée sous deux angles différents. D’une part, elle est perceptible sous l’angle sécuritaire (conflits internes, conflits externes, terrorisme...), ce qui entraîne une incapacité fonctionnelle de l’État. D’autre part, elle est en lien avec la capacité de développement des États. Pour lui, l’État est dit fragile lorsqu’il ne peut pas construire des écoles, des infrastructures sanitaires, combattre la corruption, les inégalités sociales et le respect de l’Etat de droit. « L’Afrique est le berceau de la fragilité et chaque État a sa fragilité comme chaque humain a sa fragilité et sa faiblesse », dit-il.

Qu’en est-il de la notion d’industrialisation ?

Pour cette question d’industrialisation, le conférencier précise qu’elle est un processus qui réside du politique. Selon lui, elle se caractérise par le fait qu’elle rabaisse les normes actuelles de production. « Si l’industrie se définit comme la production des biens, l’industrialisation est une dynamique qui implique une volonté qui est d’ordre politique », a-t-il signifié.

Pourquoi faut-il s’industrialiser ?

« La science économique a établi que si l’on veut une croissance durable, un développement durable, une hausse de revenus durable et des emplois durables, c’est par l’industrie que l’on peut avoir », fait savoir Zéphirin Diabré.
Selon son explication, c’est lorsqu’il y a une transformation structurelle de l’économie, marquée par le déplacement des capitaux, de la main-d’œuvre et de la technologie. Il appuie en affirmant que tous les économistes conviennent que le secteur manufacturier est le secteur le plus productif. « Après l’Europe au 18e siècle et l’Amérique au 19e siècle, l’Asie est en train de nous faire la leçon », a-t-il rappelé, tout en ajoutant qu’il est impératif, si l’on veut se développer de manière durable et lointaine, de sortir du secteur agricole qui est de faible productivité, pour transformer l’économie afin de faire émerger le secteur industriel.

« Non seulement il faut s’industrialiser, mais il faut qu’il y ait une politique volontariste d’industrialisation », ajoute le conférencier. De même, il fait savoir que la contribution du secteur manufacturier au PIB est en chute constante depuis 1980. « De 2008 à 2011, la part de ce secteur en Afrique était de 11 ou 12%, alors qu’en 2018, il est déjà tombé à presque 10%, ce qui pose problème même si en Afrique du Nord le ratio est encore autour de 29% », affirme-t-il. Il poursuit en ajoutant que la part mondiale africaine dans la production manufacturière est d’environ -2%. Ainsi, plus de 60% de matières premières sont importées et plus de 50% de produits manufacturés sont exportés, selon Dr Zéphirin Diabré.

Zephirin Diabré ancien ministre d’État

Piste de solutions et stratégies

Le conférencier n’a pas manqué de proposer quelques pistes de solutions et des stratégies qui, selon lui, permettront de résorber les problèmes que connaissent les industries africaines. Le changement des mentalités, sortir de la bourgeoisie des marchés publics, la mise en place d’un système de financement et des marchés de capitaux, la réduction des coûts de transport, la mise en place d’une démocratie, une fiscalité moins pesante sont, entre autres, les propositions faites par Zéphirin Diabré. Néanmoins, ces propositions doivent s’inscrire dans un contexte de paix et de sécurité durable.

A l’écouter, l’Afrique a toujours la chance car les espaces sous-régionaux se reconstituent, ce qui pourra permettre une redéfinition des politiques et des stratégies. « On peut avoir des espaces sous-régionaux protégés de la mondialisation, car c’est difficile quand c’est un espace national. Alors, dans ces espaces protégés, on peut repartir avec de nouvelles formes d’industrialisation et reprendre un à un ce que nous importons pour voir si on peut les produire », a-t-il suggéré.

Par ailleurs, il propose la formation des jeunes dans les secteurs techniques dès leur bas-âge, tout en les exhortant à avoir ce qu’il a appelé « l’audace industrielle ». Pour lui, l’entrepreneur, au sens large du terme, c’est celui qui arrive à faire les choses dans l’adversité. « Il faut qu’on ait une vision d’entrepreneuriat et qu’on se dise qu’on peut réussir sa vie non pas en étant fonctionnaire, mais en osant quelque chose », a affirmé Dr Zéphirin Diabré.
Notons par ailleurs que les travaux de ce présent colloque international ont duré deux jours (15 et 16 décembre 2022), avec des présentations d’éminents professeurs venus des quatre coins de l’Afrique.

Prince Omar
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