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Orpaillage au Burkina : La crise sécuritaire a occasionné une perte de près de 25 milliards de francs CFA en 2022

Publié le dimanche 20 novembre 2022 à 22h05min

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Orpaillage au Burkina : La crise sécuritaire a occasionné une perte de près de 25 milliards de francs CFA en 2022

Près de 25 milliards de francs CFA, c’est le manque à gagner des recettes produites par le secteur minier pour cette année 2022. Cette perte constitue l’un des éléments de l’état des lieux dressé à la conférence publique initiée par le Conseil burkinabè des mines, de la géologie et des carrières, ce vendredi 18 novembre 2022 à Ouagadougou.

Face à la crise sécuritaire au Burkina Faso, le manque à gagner des recettes produites par le secteur minier est de près de 25 milliards de francs CFA. Une conséquence de la fermeture des sociétés minières Avesoro (Centre-Est), Nordgold (Centre- Nord) et Rivestone Karma (Nord). Ce qui a engendré, selon le rapport 2020 de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), la perte de 2 257 emplois directs.

Au regard de la situation, la présente conférence du Conseil burkinabè des mines, de la géologie et des carrières (CBMGC) vise à proposer des solutions adaptées pour une meilleure sécurisation du secteur minier. La sécurité des convois et sites miniers industriels est particulièrement l’un des sujets à l’ordre du jour.

Une estimation du manque à gagner en termes d’emplois et de recettes dans le budget de l’État

Mais bien avant d’arriver aux recommandations, deux hommes ont présenté à l’auditoire, les réalités du secteur minier dans le pays. Il s’agit d’Élie Kaboré, directeur de publication de Mines actu Burkina, et du commissaire principal de police Arouna Gildas Bambara, directeur des opérations et de la prévention de l’Office national de la sécurisation des sites miniers (ONASIM).

Au-delà de ce qui est plus ou moins connu des conséquences de la crise sécuritaire (fermeture des établissements scolaires et des centres de santé…), Arouna Gildas Bambara a rappelé la fermeture des mines industrielles de Nétiana (Centre-Sud), Ouaré (Centre-Est), Taparko (Centre-Nord) et Youga (Centre-Est).

Il a indiqué par ailleurs que les sites miniers artisanaux sont fréquemment confrontés aux accidents meurtriers dont les éboulements, les explosions, les inondations de galeries et les incendies. Les orpailleurs artisanaux sont souvent atteints de maladies graves (maladie rénale, pulmonaire, neurologique, dermatose sévère…). Toute chose imputable à l’ignorance des acteurs de l’orpaillage artisanal, selon M. Bambara.

Les participants à la conférence publique du Conseil burkinabè des mines, de la géologie et des carrières

Les éboulements sont les plus fréquents

Des cas d’accidents énumérés plus haut, les éboulements sont les plus fréquents, a révélé le commissaire Bambara. L’éboulement sur le site d’orpaillage de Gassin dans le village de Lebri, commune de Tougouri (Centre-Nord), fait partie des exemples récents. C’était le vendredi 14 octobre 2022, et 27 morts ont été enregistrés.
Les explosifs utilisés par les artisans miniers sont stockés dans des conditions qui ne garantissent pas la sécurité. Il n’est donc pas rare de voir des explosions accidentelles se produire.

Le 21 février 2022, l’explosion sur le site de Gongombiro dans le Sud-Ouest a coûté la vie à 60 individus et blessé 83 autres, a rappelé le commissaire principal de police. Avant d’évoquer les inondations des galeries qui ont causé des morts par noyade. C’est le cas de l’inondation de la galerie de Bantara, située dans la commune de Kampti (Sud-Ouest). Le bilan était de neuf morts, le 15 juillet 2021. À cela s’ajoute le récent drame de la mine de zinc de Perkoa (Centre-Ouest), où huit morts ont été enregistrés, le 16 avril 2022.

En tout, ce sont plus de 300 personnes qui sont accidentellement mortes sur les sites miniers artisanaux de 2010 à 2020. Aussi, un important nombre de décès a été enregistré dans les mêmes circonstances, rien que pour l’année 2022.

Les conflits miniers sont particulièrement dommageables

Par leur nombre, les conflits miniers sont classés en quatrième position au Burkina Faso, après ceux du foncier, de l’élevage, de la chefferie traditionnelle. En témoignent les importants dégâts survenus lors du conflit entre la société Houndé Gold SA et des habitants de la localité d’implantation de la mine, le 17 mai 2022, confie le directeur des opérations de l’ONASIM. Cet affrontement a occasionné deux morts. Aussi, un braquage contre un acheteur d’or à Djikando (Sud-Ouest) aurait été à l’origine d’un conflit qui s’est soldé par la mort de neuf personnes et la dévastation d’une grande partie du site en 2021.

À entendre le conférencier, bien d’autres sources de conflits sont à prendre en compte. Le fait que la plupart des artisans miniers se trouvent sur des sites bénéficiant d’un permis de recherche, constitue d’emblée une source de conflits. Sans oublier le déguerpissement de ces derniers, les promesses non-tenues des sociétés minières vis-à-vis des populations, les nuisances causées par l’activité, la non-perception de l’apport des sociétés minières au développement local, etc.

Les dégâts de l’orpaillage sur l’environnement au Burkina Faso

9,5 tonnes de cyanure saisies en 2021

Concernant l’impact de l’activité minière sur l’environnement, M. Bambara soutient que l’usage outrancier de produits chimiques dangereux comme le cyanure et le mercure contamine les sols et les eaux. Conséquence, ce sont plusieurs animaux domestiques et sauvages qui sont ainsi intoxiqués, et les hommes non plus ne sont pas épargnés.

À en croire le directeur des opérations de l’ONASIM, le commissariat central de police de Boromo a saisi 9,5 tonnes de cyanure, 36 rouleaux de 250 mètres de cordons de mise à feu et 3 800 détonateurs en 2021. Le même service, dit-il, a confisqué deux tonnes de cyanure, 250 détonateurs et 165 bâtons d’explosifs en février 2022.

L’or et le financement du terrorisme

« La consommation de stupéfiants est un phénomène beaucoup plus rependu qu’on ne le pense. Si le cannabis est consommé dans tous les établissements d’enseignement secondaire de Ouagadougou, qu’en est-il des sites miniers artisanaux ? », s’interroge le commissaire principal de police Gildas Bambara.

le commissaire principal de police Arouna Gildas Bambara, directeur des opérations et de la prévention de l’Office national de la sécurisation des sites miniers (ONASIM)

Pour lui, la consommation des stupéfiants sur les sites miniers se justifie par la dureté des activités minières artisanales. « Des artisans peuvent passer cinq jours d’affilé dans les galeries sans mettre le nez dehors. Les conditions de travail et le désordre qui y règnent font d’eux de grands consommateurs de cette substance psychotrope, avec tout ce que cela engendre », a-t-il déploré.

Quant au financement du terrorisme, le directeur des opérations de l’Office national de la sécurisation des sites miniers (ONASIM) affirme que plusieurs sources ont montré que l’activité minière artisanale y est impliquée d’une manière ou d’une autre. Comme illustration, le commissaire Bambara relève que si certains sites miniers sont attaqués (les cas les plus récents sont Kougdiguin (Nord) en avril 2022 et Alga (Centre-Nord) en juin 2022), d’autres sites, qui sont sous emprise des Groupes armés terroristes (GAT), sont épargnés.

« Il n’est donc pas exclu que les artisans miniers de ces sites versent des rentes de gré ou de force aux GAT. Par ailleurs, les sites miniers sont considérés comme leurs potentiels lieux de retraite », estime M. Bambara. Les enfants eux aussi sont malheureusement touchés par les méfaits de l’orpaillage. Cela, bien que le travail des enfants soit interdit par le code minier sur les sites. L’orpaillage est à l’origine de la déscolarisation des enfants dans certaines localités.

Photo de la digue 2 SOREMIB Tailling : présence des enfants sur les sites de Poura

« Le maire de la commune de Diébougou nous a confié avoir trouvé le directeur d’une école en larmes. Tous les élèves avaient abandonné les cours pour l’or », relate le commissaire principal de police Gildas Bambara
Si le code minier, en son article 135, dispose que l’État assure la sécurisation des sites miniers, le décret d’application n’est toujours pas encore adopté. Bien que le code date de 2015. En plus, l’ONASIM, créé par le gouvernement depuis décembre 2013 pour la sécurité des mines, n’a pas encore été opérationnalisé. Et le gouvernement a décidé de la suspension des activités minières artisanales pour des raisons sécuritaires, fait-il savoir.

Sans transition, le directeur de publication de Mines actu Burkina, Élie Kaboré, a dépeint à son tour la situation du secteur minier, au terme de la communication de son prédécesseur.

Mentionnant la fermeture de plusieurs projets de recherche du fait de zones devenues quasiment inaccessibles, M. Kaboré a rappelé au public un drame qui s’est produit dans le Sahel. « Le cas le plus effroyable est celui intervenu le 16 janvier 2019. Un géologue de nationalité canadienne de la société Progress Minerals a été enlevé sur un site de recherches dans le Sahel et exécuté », a-t-il révélé.

Élie Kaboré, directeur de publication de Mines actu Burkina

De son avis, la fermeture des projets de recherches n’est pas de nature à assurer un avenir radieux pour le secteur minier. Car il sera difficile, dans l’avenir, de développer de nouveaux projets miniers si l’on n’y prend garde, parce que la recherche aura manqué.

Un peu plus loin dans sa présentation, le directeur de publication de Mines actu Burkina a fait un focus sur l’impact socio-économique de la crise sécuritaire à l’égard des sociétés minières. Il explique que la situation a contraint les sociétés à déployer de gros investissements dans la sécurisation des sites miniers et le transport des travailleurs. La situation a également entraîné la révision des temps de rotation des travailleurs, ainsi que des dépenses pour sécuriser les convois terrestres d’approvisionnement. Ces investissements augmentent donc les dépenses d’exploitation des mines et réduisent les marges imposables.

Sur le plan social, Elie Kaboré met en exergue le chômage technique, le licenciement, le non-renouvellement de contrats à durée déterminée et l’arrêt de nouveaux recrutements. L’objectif des sociétés minières est de réduire au maximum les charges salariales. Toute chose qui participe à la baisse de la production de l’or.

Les recommandations

Au regard de tout ce qui précède, Elie Kaboré exhorte notamment le gouvernement à organiser une assise inclusive pour réfléchir sur la question, aux fins de trouver des pistes de solutions consensuelles. Il propose que soit intégrée, dans la stratégie globale de lutte contre le terrorisme, la sécurisation des mines. M. Kaboré suggère aussi qu’une stratégie de sécurisation des mines soit définie afin d’éviter les traitements au cas par cas.

Le commissaire principal de police Gildas Bambara préconise, quant à lui, l’adoption du décret portant modalité et mise en œuvre de la sécurisation des sites miniers, conformément à l’article 135 du code minier. Il recommande aussi d’intégrer, dans les missions quotidiennes de contrôle des forces de sécurité, la lutte contre la circulation illicite de produits chimiques dangereux et les substances explosives à usage civil ou militaire. Invitation est également faite au gouvernement d’assurer la fermeture définitive de tous les sites miniers situés dans des forêts classées ou des dans des réserves forestières.

Face à l’ignorance de la plupart des artisans miniers, le directeur des opérations de l’ONASIM pense qu’il est nécessaire de les sensibiliser davantage avant de mettre l’accent sur la répression.
Plusieurs personnalités étaient présentes à ce rendez-vous pour apporter leur pierre à l’édifice. Il s’agit entre autres du Pr Séni Mahamadou Ouédraogo, ancien ministre de la Fonction publique, et du Pr Stanislas Ouaro, ancien ministre de l’Education nationale.

Hamed NANEMA Lefaso.net

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