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<I>chronique du fou</I> : Au nom de Dieu, des ancêtres et de la politique...

Publié le vendredi 6 janvier 2006 à 04h41min

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Entre nous, n’est-il pas temps de mettre fin aux dérives
constatées chez certains chefs traditionnels et religieux ? A la
faveur de la campagne électorale pour la présidentielle, on a eu,
au sein de cette corporation censée constituer les guides
moraux et spirituels de la société, la confirmation d’une pratique
en vigueur : la pratique à outrance de la politique.

Par la force de
la coutume ou de la religion, et en vertu d’une hiérarchisation
sociale qui leur confère une certaine responsabilité, imams,
"nanamsé", pasteurs et prêtres sont les consciences de la
société et les dépositaires des valeurs de justice et
d’humanisme. Ils sont, de ce fait, des arbitres ou médiateurs
sociaux, en principe, irréfutables.

Mais, et pour revenir à la
campagne électorale passée, certains de ces leaders d’opinion
se sont mués en agents de partis politiques, pour ne pas dire
d’un parti politique, se jetant à corps perdu dans la mêlée pour
défendre telle ou telle chapelle, convaincre les "sujets" ou
fidèles incrédules, obliger les chefs traditionnels à embrasser
leur ligne politique, bref, prêcher pour tout, sauf pour les raisons
qui fondent leur rôle premier.

En enlevant leur bonnet (rouge ou blanc) pour porter des
casquettes aux effigies de partis politiques, les leaders
traditionnels et religieux se dépouillent en même temps (ne
serait-ce qu’aux yeux des populations) de leur légitimité. Ils
créent une confusion liée au cumul de mandats et portent ainsi
une entorse aux règles du jeu politique et républicain. On ne sait
plus qui est qui ni qui fait quoi, dans cette faune où acteurs
traditionnels ou confessionnels se mêlent de tout.

Cette
politisation outrageuse fait d’eux, non plus des recours crédibles
pour arbitrer les litiges sociaux ou même nationaux, mais des
acteurs partisans, au même titre que les hommes politiques.
Il apparaît de plus en plus évident qu’une forme d’arnaque
entoure aujourd’hui la fonction de chef traditionnel ou religieux,
puisqu’il y a une utilisation détournée des attributs qui sont les
leurs.

Chose plus grave, les chefs qui prennent leur bâton de
pèlerin pour prêcher le langage des partis politiques
contribuent, d’une certaine façon, à maintenir les populations
dans l’obscurantisme. Dans des sociétés encore marquées du
sceau du respect de la tradition, leur parole tient lieu souvent
d’édit ou de "fatwa", et peu sont les personnes enclines à y
déroger.

Au lieu de prêcher la Bonne parole, qu’elle soit puisée
aux sources de la sagesse traditionnelle ou des écritures
saintes, certains leaders traditionnels ou religieux passent le
clair de leur temps à servir aux populations des messages de
soumission à un leader ou un programme politique.
Ce qui choque, ce n’est pas tant l’engagement politique, mais
les prises de position partisanes. Quand l’Eglise catholique, à la
veille du scrutin présidentiel, lance un message aux fidèles et
aux candidats, elle fait de la politique.

Mais il s’agit de cette
politique constructive, car neutre et désintéressée. Elle ne fait
que jouer son rôle d’éveil de la société, face aux dangers divers
qui la menacent, y compris la démagogie politique. L’ambiguïté
dans laquelle nagent, par contre, certains, dans leur rapport à la
politique, leur profite bien. Les récompenses pleuvent, en
termes de véhicules flambant neufs ou de promotions
administratives.

Mais pour combien de temps ? En se
compromettant avec les hommes politiques qui, en général,
n’ont d’autre souci que celui de préserver leur parcelle de
pouvoir ou d’y accéder, les gardiens de la tradition et de la foi
entament irrémédiablement leur crédit. Mais si ces gens ne sont
pas conscients du tort qu’ils peuvent causer au peuple, celui-ci
doit les rappeler à l’ordre.

Il s’avère de ce fait impérieux qu’à défaut d’un statut, dont
l’élaboration a suscité les remous et les résistances que l’on
sait, un code éthique soit édicté pour baliser l’action de certains
leaders d’opinion au Burkina.

Cela peut consister, par exemple,
en une séparation stricte des rôles et des pouvoirs. Un chef
traditionnel, doit se décharger de ce statut, s’il veut entrer en
politique. Ainsi, tout sera clair dans l’esprit de tous. De sorte que
l’on ne continue pas d’abuser du peuple.

Le Fou

Le Pays

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