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Arthur P. Kafando, Dg de la Poste : "Nous avons émergé du fond des eaux »

Publié le vendredi 6 janvier 2006 à 04h30min

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Inspecteur des postes et services financiers, Arthur P. Kafando est titulaire d’un diplôme d’études supérieures de l’Université de Paris I en Stratégie et gestion des entreprises et du diplôme du Centre d’études financières, économiques et bancaires (CEFEB).

L’actuel directeur général de la Société nationale des postes (SONAPOST), élue par l’Observateur paalga comme l’entreprise de l’année 2005 pour sa belle remontée en 2004, après l’année des vaches maigres en 2003, a occupé d’importantes responsabilités de 1983 à 2000 à la Poste avant d’être propulsé en 2001 à la tête de l’entreprise. Dans l’entretien qui suit, Arthur Kafando dévoile les politiques et stratégies développées pour faire davantage de la SONAPOST un établissement modèle.

M. le Directeur général, vous revenez de loin et avec vous votre société. Comment est-ce que la SONAPOST se porte aujourd’hui ?

• Je voudrais me réjouir, avec l’ensemble des acteurs de la poste, du chemin que nous avons parcouru depuis la titrisation des fonds des tiers qui nous avait amené dans une situation difficile. Lorsqu’on parle, en effet, de titrisation, entendez par là la transformation de l’avoir SONAPOST au niveau du Trésor public sous forme de titres de créances amortissables trimestriellement pendant dix ans. Depuis l’exercice 2004 (et comme je l’avais souhaité en 2003), nous avons pu émerger du fond des eaux, nous avons pu réaliser cet effort, et l’entreprise a fait des bénéfices.

C’est au crédit d’abord des autorités gouvernementales, à commencer par le ministre de tutelle, qui nous ont soutenu et accompagné, avec une mention particulière au chef du gouvernement (NDLR : l’entretien a eu lieu en fin décembre 2005) qui avait pris des engagements pour que la poste, qui est un service public de l’Etat, ne se retrouve pas dans une situation où elle ne pourra plus remplir sa mission de service public. Ensuite, l’ensemble du personnel de la poste, parce qu’on était arrivé à un niveau presque de découragement, car c’était difficile, mais il y a eu un sursaut de la part du personnel. Je tiens à féliciter l’ensemble des acteurs du terrain et à les encourager à poursuivre sur ce chemin, parce qu’il n’y a pas de résultat sans effort.

De façon pratique, vous avez été l’une des meilleures sociétés lors de l’assemblée générale des sociétés d’Etat. Sur quoi avez-vous joué pour arriver à ce résultat ?

• L’une des meilleures ! Disons que nous avons un bon signe du redressement de notre situation. Sur quoi avons-nous joué ? Il faut d’abord rappeler que pour la formation du résultat, la contribution des services financiers représentait près de 57%, soit environ 3 milliards de produits financiers reçus de l’Etat. La réduction des taux a eu naturellement des conséquences avec la réduction de ces produits de près de moitié. Il fallait trouver de nouvelles recettes pour combler le manque à gagner ou comprimer les charges vraiment de façon drastique pour que nous puissions sinon avoir des résultats positifs, du moins retrouver l’équilibre.

Nous avons donc combiné ces deux actions en faisant davantage d’efforts pour comprimer les charges tout en reconnaissant qu’il y a des charges incompressibles comme le coût du réseau et la masse salariale. Sur le budget de fonctionnement en général, nous avons procédé véritablement à des blocages de lignes budgétaires. Ensuite, un effort a été fait sur quelques nouveaux produits. Nous avons aussi mené une campagne promotionnelle sur le Teliman (1) qui, au départ, générait moins de 20 millions de FCFA. Nous escomptons réaliser un chiffre d’affaires de près de 140 millions. Ceci, grâce à la bonne tenue du produit, qui a connu une croissance vraiment fabuleuse, et nous nous réjouissons de l’adhésion de la population.

Une de nos actions a consisté à la création de salles de navigation Internet (cyberposte). C’est vrai qu’au début, l’on se demandait si ce produit serait rentable, mais nous avons une bonne croissance des revenus, ce qui prouve encore que le public aime la poste. Nous avons déjà à ce niveau pour cette année plus de 80% de rémunération sur notre prévision.

Enfin, un accent a été mis sur la gestion du courrier express pour réaffirmer le rôle de la poste dans son métier. Les chargés d’affaires ont bien travaillé avec le communicateur et nous avons eu presque le double en terme de croissance sur la réalisation d’une année à une autre. Il nous reste à ce niveau à renforcer les moyens logistiques pour que nous puissions réoccuper notre place d’antan au niveau national et poursuivre notre soutien à Chronopost, notre filiale, qui se porte bien aussi.

Pour beaucoup, l’explosion des NTIC est l’un des facteurs qui a failli être fatal à la poste traditionnelle. Comment est-ce que vous vous adaptez à la nouvelle donne ?

• C’est vrai, lorsqu’un nouveau médium se met en place, pour les intervenants dans le secteur des communications tels que la poste, des interrogations se posent. C’était la même préoccupation lors de la découverte du téléphone, du télégraphe, de la radio... chaque fois le secteur postal doit se chercher une nouvelle voie d’adaptation. Après le congrès de Beijing en 1999, les responsables de l’Union postale universelle, ont, au regard de la baisse du volume du courrier postal (-15%), attiré l’attention des dirigeants des postes et les a invités à s’investir dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour compenser le manque à gagner prévisible.

Mais au niveau de la poste du Burkina, notre action dans ce domaine a pour le moment concerné quelques produits que nous comptons renforcer. Il s’agit du Teliman ; des cyberpostes ; de l’international postal system (IPS), système de transport de courrier ; de l’international financial system (IFS), système de transfert rapide de fonds. L’IPS est un système de suivi du courrier qui amène plus de qualité, un meilleur suivi des envois et un traitement diligent des réclamations. Un client qui aurait un courrier à acheminer sur Bobo ou Abidjan pour ne prendre que ce cas, quelle que soit la direction, peut mieux être informé du parcours et même de la perte. Toutes ces activités que nous avons lancées visent la modernisation des activités postales sans pour autant occulter notre métier de base qui est la gestion du courrier.

On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, c’est bien connu, et le climat social s’en est souvent ressenti. Comment est-ce que ça va aujourd’hui avec le syndicat maison ?

• Que ce soit dans le passé et mieux encore aujourd’hui, nous avons toujours eu une bonne disposition d’esprit vis-à-vis des structures et associations qui existent dans notre entreprise. Personnellement, j’ai opté, depuis mon arrivée à la tête de cette entreprise, pour une démarche de gestion participative. Nous avons chaque fois convié les structures de travailleurs à échanger avec nous sur les problèmes que nous traitons.

Mieux, au cours des moments difficiles, nous avons invité le syndicat à consulter les travailleurs et recueillir leurs contributions sur les voies de solutions. Nous allons poursuivre dans cette voie, celle d’associer chaque fois que cela est possible les travailleurs à la recherche de solutions aux grands problèmes qui pourraient se poser à notre entreprise. Aujourd’hui, nous avons avec le syndicat une très bonne et franche collaboration. Je tiens de ce fait à le féliciter pour sa hauteur d’esprit et surtout que le syndicat ne fait pas de la revendication systématique. Il comprend les difficultés que vit l’entreprise et ne demande pas l’extraordinaire.

Il s’agit avant tout de préserver l’outil de travail pour tout le monde ?

• Tout à fait. Ils ont adhéré à notre plan de relance. Le syndicat même a lancé un appel à Son Excellence le Premier ministre lors de l’assemblée générale des sociétés d’Etat pour la sauvegarde de l’entreprise et qu’ils voudraient mettre tout en oeuvre pour cela. Donc, c’est vraiment une démarche citoyenne qui va au-delà de la revendication.

Dites-nous quel est votre petit secret, votre gri-gri, pour que le climat se rassérène ainsi ?

• Nous ne pouvons pas avoir toutes les solutions, mais nous plaçons l’homme au centre de nos préoccupations. Je crois que nous avons une démarche que nous voulons positive vis-à-vis de tous les acteurs de la poste. Nous leur tenons un discours franc certes, mais un discours qui montre au personnel que nous sommes avec lui à tout moment.

Parmi les problèmes dont se plaignent régulièrement vos clients, il y a les pertes de courrier, les vols de mandat, etc. Qu’est-ce qui se passe véritablement ? Est-ce que la situation a évolué depuis quelques années ?

• Je pense que toutes les entreprises, tout comme les sociétés humaines, souffrent parfois du comportement de personnes malveillantes. Nous avons eu parfois des agents indélicats qui n’ont pas su épouser la démarche de l’entreprise et qui pensent que pour réussir, il faut utiliser des raccourcis. Pour cela, la Direction générale demeure ferme pour ne jamais tolérer qu’un agent se mette par exemple à subtiliser un paquet et à détruire notre métier.

Un objet de correspondance est sacré, nous prêtons serment de le remettre sans en prendre connaissance, sans violer le contenu. Imaginez que vous adressiez un courrier avec un message confidentiel et qu’un agent se permette d’en prendre connaissance. C’est dire qu’il n’y aura plus de sécurité dans les transactions et les relations humaines. Pour juguler un tant soit peu ce problème, nous comptons augmenter le rythme des contrôles. Nous avons 74 bureaux de poste et l’Inspection générale, avec un objectif de deux contrôles par bureau et par an, couvre difficilement tous les bureaux.

Nous avons donc décidé de mettre en place des inspections régionales dans les quatre régions postales, ce qui va permettre d’augmenter les contrôles et aider à réduire les indélicatesses. En sus de cela, nous voulons mettre dans les grands centres de tri des systèmes de vidéo surveillance pour que les vacations ne soient pas parfois utilisées pour subtiliser des paquets. S’agissant des détournements et autres malversations, je lance un appel pas seulement aux gestionnaires de caisse, mais à l’ensemble des travailleurs de la poste pour qu’ils soient des agents qui nous aident dans la sauvegarde des biens publics.

Si dans un bureau de poste vous constatez que votre collègue pose des actes répréhensibles, dans l’intérêt de l’entreprise et même de cet agent, il faut le reprendre ou informer votre supérieur de ces actes. Parfois les gens disent ne pas vouloir faire de mal à un collègue, et ce faisant, mettent l’entreprise dans une mauvaise posture. Nous allons veiller à ce que ces détournements crapuleux n’aient plus droit de cité.

On a parfois l’impression que les indélicatesses ne sont pas réprimées, en tout cas, pas toutes. Est-ce qu’il y a des blocages quelque part ?

• (Rire). Pour ce qui nous concerne, tous les agents indélicats sont passés en conseil de discipline et sanctionnés comme il se doit et parfois même par le licenciement, qui est la sanction ultime. Mais pour ce qui concerne les autres aspects, je me réserve de porter un jugement ; je voudrais seulement souhaiter que des efforts soient faits pour que l’éducation citoyenne soit, et que l’on n’en vienne pas à encourager des actes et pratiques qui ne renforcent pas le développement de notre pays.

Vous parliez tantôt de nouveau centre de tri. Quelle sera la configuration de ce centre ?

• Effectivement, nous avons reçu de notre ministère de tutelle un courrier qui nous invitait à soumettre des projets à un programme appelé « Team 9 », initié par le gouvernement indien. La Poste a soumis deux projets dont l’un a été retenu (projet de construction d’un bureau d’échange). Je me réjouis que dans ce lot de projets, celui de la poste ait été retenu.

Il s’agira de bâtir un nouveau bureau d’échange semi-mécanisé pour améliorer la gestion du courrier. Nous avons choisi de ne pas refaire un centre de tri manuel et de ne pas également aller au centre de tri automatisé où tous les courriers sont traités par voie électronique. Car notre volume de courrier et notre niveau de développement ne le justifieraient pas. Il y a eu des expériences malheureuses dans ce domaine dans certains pays de la sous-région et en Afrique centrale ; donc nous sommes avertis.

Un système intermédiaire donc...

• Oui, un système intermédiaire qui nous permettra d’avoir une infrastructure moderne qui dispose de bandes transporteuses de courriers, ce qui facilitera le travail des agents. L’agencement du local va éviter aux gens de travailler dans un environnement très pollué (poussière) surtout que les sacs nous viennent de partout et on ne sait pas dans quelles conditions. Souvenez-vous du problème de l’anthrax. C’est pour dire que des précautions doivent être prises pour que les agents du centre de tri ne contractent pas de maladies du fait du travail.

Nous sommes soucieux de la santé des agents qui y travaillent. En plus de cela, nous aurons l’avantage d’être dans la zone proche de l’aéroport pour faciliter le transit et les mouvements du courrier. Voilà en gros le projet que nous avons soumis dans le cadre de « Team 9 » et qui va certainement améliorer l’activité postale dans son ensemble.

Est-ce que cette modernisation, comme on le voit souvent, ne va pas entraîner des réductions de personnel ?

• Je ne pense pas, à ce stade, que le nouveau bureau d’échange va amener un départ de personnel. Nous allons le redéployer vers d’autres localités, le requalifier pour d’autres métiers.

A l’orée de 2006, quels sont les autres grands chantiers et les nouvelles ambitions que vous nourrissez pour votre entreprise ?

• L’objectif que nous nous sommes fixé c’est d’abord de renforcer les résultats que nous avons eus en 2004, et d’assurer une bonne croissance de l’entreprise. Si cet objectif est atteint nous pourrons investir davantage dans l’innovation, parce qu’innover coûte cher. Il n’est pas non plus judicieux d’ouvrir plusieurs fronts à la fois. Notre objectif est de réaliser pour les années à venir des résultats bénéficiaires.

Après quoi, nos chantiers sur l’innovation vont consister à renforcer tout ce qui concerne la modernisation de la gestion à travers les NTIC, parce qu’il est inconcevable qu’à notre époque, les clients continuent de s’aligner et de suer à grosses gouttes pour retirer de l’argent alors qu’on peut mettre à leur disposition des distributeurs de billets ou des guichets automatiques.

Nous allons encore développer les partenariats parce que nous nous sommes rendu compte qu’il n’est pas toujours facile de mener certains chantiers seuls, compte tenu de leurs coûts. Nous mettrons également l’accent sur la gestion de nos ressources humaines. Je pense qu’il faut donner plus de moyens pour la formation du personnel et surtout les jeunes, définir des bons plans de carrière qui donnent ce sentiment d’appartenance à l’entreprise, toute chose qui peut accroître de façon considérable leur productivité. Pour terminer, je voudrais profiter de l’intérêt que vous nous portez pour souhaiter une bonne année 2006 à nos clients, à vous-même, au journal et à toutes les postières et postiers.

Entretien réalisé par Cyr Payim Ouédraogo

(1) Rapidité en dioula ; désigne un système instantané de transfert électronique de fonds à l’échelle nationale

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