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Situation sécuritaire : Le comité des déplacés internes Bourasso interpelle le gouverneur de la Boucle du Mouhoun

Publié le dimanche 23 octobre 2022 à 20h44min

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Situation sécuritaire : Le comité des déplacés internes Bourasso interpelle le gouverneur de la Boucle du Mouhoun

Dans cette missive, le comité des déplacés internes Bourasso interpelle le gouverneur de la Boucle du Mouhoun sur la responsabilité de l’Etat dans les évènements qui ont conduit nombre d’habitants de la région jadis autosuffisants, notamment ceux de la localité de Bourasso, à devenir des déplacés internes au regard tourné vers d’hypothétiques généreux donateurs. Le comité estime que dans son rôle régalien, l’État a failli à sa mission et, de ce fait, a occasionné la mise en errance de près de 4 000 personnes d’un même village.

Monsieur Le Gouverneur

Votre nomination à la tête de la région de la Boucle du Mouhoun a réjoui plus d’un compte tenu de votre profil et du contexte sécuritaire difficile de la région. Malheureusement, la joie qui nous animait a été de courte durée car c’est sous votre règne que nous avons vu tomber tour à tour plusieurs localités du territoire régional comme Bourasso, Doumbassa, Solenzo, Douroula et les villages rattachés que sont Souma, Sâ, Koussiri et Kankono.

Monsieur le gouverneur, les attaques terroristes perpétrées à Bourasso du 3 au 26 juillet ont coûté la vie à au moins vingt-huit (28) personnes entrainé le déplacement de tous les habitants dudit village. Cette situation dramatique engage la responsabilité de nos gouvernants qui sont les premiers responsables de la sécurité des personnes et de leurs biens.

En effet, malgré les signes précurseurs et imminents d’une attaque terroriste, deux raisons ont conduit les populations à rester sur place.

Premièrement, les acteurs de la menace sont connus de la population pour être nés et avoir grandi, pour la plupart, dans les hameaux de culture de Bourasso et des villages environnants. La longue et familière cohabitation avait fait naître au fil des ans une certaine confraternité entre les communautés avant l’hydre terroriste.

Deuxièmement, la sécurité des personnes et de leurs biens revient aux gouvernants dans un État de droits. C’est pourquoi, vous ainsi que les Forces de défense et de sécurité (FDS) avez été régulièrement informés du danger qui planait sur notre village. Pour nous, toutes nos autorités ont failli. Comme l’a si bien dit Christian ESTROSI « la sécurité est la première des libertés, celle qui conditionne toutes les autres et qui permet de jouir de sa personne et de ses biens, souvent acquis au prix de beaucoup d’efforts ». L’État, à ce titre, devait, en tout temps et en tout lieu, porter secours et assistance aux populations civiles.

Monsieur le Gouverneur, le comité rappelle que l’attaque perpétrée à Bourasso dans la nuit du 3 juillet 2022 a débuté à dix-huit (18) heures et n’a cessé qu’aux environs de vingt-trois (23) heures. Ainsi, les Groupes armés terroristes (GAT) ont eu le temps de massacrer tranquillement les habitants sans défense.

Le lendemain, c’est-à-dire le 4 juillet 2022, la population de Bourasso, s’attendait naïvement à une réaction rapide des autorités et surtout à une riposte vigoureuse des FDS. Malheureusement, rien n’y fit.

Vers dix (10) heures, l’espoir des populations s’amenuisa. Des rumeurs, faisant état du retour des GAT ont obligé par instinct de survie toute la population à prendre une décision rapide, urgente, pénible mais, somme toute, salvatrice : quitter Bourasso le plus tôt possible ! Ainsi, quelques instants après, chacun était en route pour aller le plus rapidement et le plus loin possible du village, abandonnant les vingt-deux (22) corps sans vie des frères, des sœurs, des épouses et des maris abattus la veille.

De Bourasso, nombreux sont ceux qui se rendront à Dédougou (33 km) à pied, à vélo, à motocyclette, à bord de tricycles, en cars, etc. en cédant aux herbes et aux arbres épineux, chaussures, vêtements et quelquefois une partie de leur chair. Une grande partie de la population s’est également retrouvée à Nouna (22 km).

Il vous souviendra, Monsieur le Gouverneur, que les habitants de Bourasso, après une longue période de dénuement, s’étaient fait une santé économique reluisante avec la production des cultures de rente ces deux dernières décennies.

La plupart des ménages avaient au moins un moyen de déplacement, quelques noyaux d’élevage et des greniers pleins de céréales. L’autosuffisance alimentaire était enfin une réalité à Bourasso.

Malheureusement, le jour de la première attaque, c’est-à-dire le 3 juillet 2022, après avoir ôté la vie à vingt-deux (22) personnes, les assaillants ont emporté motos, tricycles, petits et gros ruminants. Les jours d’après, ils sont revenus pour emporter charrettes, vivres, vêtements et ustensiles de cuisine, cambrioler les boutiques et brûler ce qu’ils ne pouvaient emporter. De nos jours, de réguliers passants nous signalent que certaines maisons abandonnées à Bourasso sont actuellement occupées par des HANI. En plus, des véhicules empruntant l’axe Dédougou-Nouna sont quelquefois arrêtés et fouillés par ces derniers à la recherche précisément de ressortissants de Bourasso dans le but de les exécuter.

Ces attaques barbares marqueront durablement la population : traumatisme physique et psychologique, pauvreté endémique. Pauvreté parce que leur seule source de revenu était la TERRE. Elle leur a été enlevée, volée.

Malgré l’assistance portée par des personnes morales et physiques, les Personnes déplacées internes (PDI) de Bourasso à Nouna comme à Dédougou rencontrent des difficultés alimentaires, de logis et de scolarisation de leurs enfants.

D’abord, tout en remerciant les donateurs, reconnaissons qu’un déplacé interne sans emploi peinera à assurer le loyer de façon régulière et à faire face aux charges de santé. Ensuite, où trouver les condiments pour assaisonner les mets à base de riz et de maïs offerts par les donateurs ? Enfin comment assurer une bonne éducation à un enfant qui se nourrit principalement de riz blanc ou de bouillie de maïs sans sucre et qui dort à la belle étoile, exposé aux intempéries (pluies, vent, froid, …) ?

Il est choquant et dramatique pour un Homme qui, depuis sa naissance, n’a jamais payé le loyer, le bois de chauffe, l’eau de boisson, les vivres, etc… de faire face à ces impératifs en vingt-quatre (24) heures d’apprentissage. Il est déprimant de voir ses biens accumulés jour après jour, année après année à la sueur de son front, être collectés et convoyés vers une destination inconnue par une quelconque personne dont le seul mérite est de détenir illégalement une arme de guerre !
C’est pourquoi, Monsieur le Gouverneur, nous, Déplacés internes de Bourasso, condamnons avec la grande fermeté tout acte terroriste. Dans son rôle régalien, l’État a failli à sa mission et, de ce fait, a occasionné la mise en errance de près de quatre mille (4 000) personnes d’un même village.

Par conséquent, en attendant notre retour à Bourasso dans un cadre sécurisé, nonobstant les dons éphémères fournis par les structures sociales, ONG, Projets et Programmes, Partis politiques, nous, Déplacés internes de Bourasso, demandons :

1- La prise en charge effective des besoins alimentaires, sécuritaires, sanitaires et psychologiques des Personnes déplacées internes ;

2- La sécurisation des biens toujours restés à Bourasso ;

3- La scolarisation en ce début d’année scolaire 2022/2023 de tous les enfants des Personnes Déplacées Internes ;

4- L’identification des responsables GAT évoluant dans la commune de Bourasso pour faciliter des pourparlers entre communautés ;

5- La sécurisation de l’axe Dédougou-Nouna - frontière du Mali ;

6- Le retour sécurisé de toutes les Personnes Déplacées Internes dans la Commune Bourasso.

Tout en souhaitant que vous ayez une oreille attentive à ce cri de cœur, veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur, l’expression de notre profonde gratitude.

Le Président du Comité

Ko Louis COULIBALY

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