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La poste à l’heure d’Internet

Publié le vendredi 30 décembre 2005 à 08h52min

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En 2003, lors de l’Assemblée générale des sociétés d’Etat, elle accusait un déficit de 435 millions de FCFA pour un chiffre d’affaires de 4 milliards 817 millions ; 2004 fut l’année de la remontée, presque spectaculaire, avec au bout du compte 5 milliards 400 millions engrangés en terme de chiffre d’affaires et un résultat positif de 143 millions de FCFA.

Par rapport à l’année précédente, c’est donc une augmentation de 500 millions qui ont été obtenus en un temps record par l’établissement d’Arthur Kafando, à savoir la Société nationale des postes (SONAPOST). Quelles sont les raisons du « miracle financier » de cette société qui est apparue lors de l’AG des sociétés d’Etat des 30 juin et 1er juillet 2005 comme l’une des entreprises les plus performantes ? C’est pour cette raison que nous avons choisi d’en faire notre entreprise de l’année.

Beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts lorsque les chiffres de la SONAPOST étaient au rouge en 2003 : plaintes, accusations de mauvaise gestion ... C’est à peine si on ne réclamait pas la tête du Directeur général actuel de la société, Arthur Kafando (1). C’est dans une telle ambiance que ce dernier et l’ensemble de son personnel ont redoublé d’effort et d’ingéniosité pour sortir, de la plus belle manière, la SONAPOST du trou. Comme pour confirmer le dicton selon lequel quand on a touché le fond, on n’a plus d’autre choix que de rebondir. Sauf à vouloir s’enliser complètement. Le résultat est visible depuis 2004 même si l’édifice demande encore à être consolidé. Mais qu’est-ce qui avait conduit la SONAPOST à creuser ce déficit.

Pour le directeur financier et comptable (DFC), Pascal Tenkodogo, la société, évoluant dans un domaine très concurrentiel et libéré avec le développement des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), il était difficile pour une structure de service public de répondre rapidement à « une concurrence déloyale et sauvage » du fait de la lenteur et de la complexité de l’administration. A cela est venue s’ajouter la crise ivoirienne, qui continue d’avoir des répercussions surtout sur certaines opérations essentielles de la société tels que l’envoi ou la réception des mandats et autres produits.

Le directeur des Services financiers (DSF), Pasteur Somé, dont les missions principales de la structure sont de développer une politique de mobilisation (Caisse nationale d’épargne (CNE), mandat, etc.), de gestion, de placement et de transfert de fonds (centres de chèques postaux (CCP), Teliman), ne savait d’ailleurs plus à quel saint se vouer avec les nombreuses accumulations de fonds dont la poste de Côte d’Ivoire reste redevable à celle du Burkina Faso.

Sale temps pour la poste burkinabè

« Dix mois avant le déclenchement de la crise, la Côte d’Ivoire nous devait 3 milliards 256 millions de FCFA. Nous avons fait d’énormes efforts pour entrer en possession de notre dû, en passant même par la voie diplomatique. Primo, on n’est pas payé et secundo, la poste ivoirienne continue d’accumuler des fonds qui doivent nous revenir. Nous avons donc décidé de tout suspendre.

Cela porte un coup de frein au transfert avec ce pays, mais nous avons proposé à nos compatriotes d’autres types de transfert, car le flux d’échange avec la Côte d’Ivoire est en moyenne de 300 millions par mois.

Voyez vous-mêmes ce que cela peut représenter en une année. Au total, on a 6000 clients épargnant à partir de l’étranger et les dettes ne concernent pas uniquement la Côte d’Ivoire puisque la poste nigérienne nous doit aussi 113 millions de FCFA. Tout cela a contribué à faire fléchir notre chiffre d’affaires sans oublier que si on avait ces fonds, on aurait pu faire des placements pour que ça nous rapporte quelque chose », renchérit celui que tout le monde appelle ici DSF.

A tout cela, s’ajoute la baisse du taux d’intérêt du Trésor, qui est passé de 10% à 6,50%. En effet, explique Pasteur Somé, l’argent collecté par la SONAPOST est versé au Trésor public qui, lui, reversait à son tour avec un taux d’intérêt de 10%, ce qui permettait aux clients de l’épargne ordinaire de bénéficier d’un taux d’intérêt de 6% et ceux de l’épargne retraite (compte bloqué) d’un taux de 8%. Et notre interlocuteur de constater qu’avant, c’était les meilleurs taux de la place.

Aujourd’hui, les données ont changé ; la CNE qui, au départ, était un service social pour la frange démunie de la population, ne pouvant pas accéder aux services bancaires traditionnels, était contrainte, forte de ses 6,50%, de revoir ses ambitions à la baisse du côté de ses clients également. C’est ainsi que le taux d’intérêt de l’épargne ordinaire est passé de 6% à 3,625% tandis que celui de l’épargne retraite a chuté de 8% à 4%. L’oiseau ne pouvant plus faire son nid petit à petit (2), des clients n’ont pas hésité à aller flirter avec d’autres structures de microfinance telles que les caisses populaires.

Ce qui est encore regrettable, a laissé entendre Pasteur Somé, c’est le fait que le statut de la CNE ne lui permet pas d’octroyer de crédit comme cela se fait dans les Caisses populaires. « Là-bas, il n’y a pas de taux d’intérêt, mais il y a le crédit qui attire les gens. Nous avons de ce fait mis en place une cellule de réflexion pour voir comment restructurer les Services financiers pour être plus concurrentiels. Pourquoi ne pas évoluer vers un statut d’institution mutualiste ou de structure régie par la loi de système bancaire ?

Mais la présence des caisses populaires n’a pas totalement ébranlé la CNE qui enregistre 15000 à 16000 nouveaux clients chaque année. Et de 1959 (date de création de la poste avec le 1er bureau de la CNE vers la BCB agence) à nos jours, la CNE totalise 370 000 comptes toutes épargnes confondues, dont 5426 comptes d’épargne retraite. Nous avons toujours un taux légèrement supérieur aux banques et même ceux qui nous ont lâché entre-temps sont revenus ou reviennent, car avec les agios leur dépôt diminue. », a lâché Pasteur Somé.

Dans la maison d’Arthur Kafando, il y a aussi ceux-là qui pointent du doigt le PAS (Programme d’ajustement structurel) comme étant la cause de cette descente aux enfers, à savoir la baisse drastique du taux d’intérêt puisque dans le premier mécanisme où le taux d’intérêt était suffisamment acceptable, la contribution de l’Etat était conséquente. Si l’environnement financier et économique est ingrat à certains services de la SONAPOST, les NTIC également ont affecté le courrier traditionnel et il est à noter que de plus en plus la tendance est au courrier électronique.

Pour certains d’ailleurs, c’est le fait de n’avoir pas pu s’adapter ou même anticiper les difficultés collatérales de l’explosion des NTIC qui a valu à la SONAPOST, comme à beaucoup d’autres de ses consoeurs à travers le monde, les problèmes qu’elle a connus. En plus, il faut compter avec la poste parallèle, œuvre des transporteurs routiers, créant une concurrence déloyale à certains niveaux alors que le monopole du courrier relève toujours de la poste. Là-dessus, l’institution s’est entendue en juillet 2005 avec les transporteurs pour récupérer la gestion du courrier dans les gares et en contrepartie leur verser un pourcentage. Face à tout ce cocktail de difficultés, il fallait une réaction prompte, des innovations, pour survivre et ensuite passer à l’offensive.

La remontée

C’est actuellement le credo de la société dont les produits de placements, de souscriptions lui ont permis de passer, en 2003, de 2 milliards 350 millions à 2 milliards 663 millions de FCFA en 2004. Les produits financiers (CNE, CCP, droits de commission des mandats, Teliman) pour leur part ont généré 848 millions de FCFA de chiffre d’affaires en 2004 contre 673 millions en 2003. En dépit des NTIC, les multiples initiatives et innovations de la Direction du courrier ont permis à la SONAPOST d’engranger 1 milliard 205 millions en 2004 contre 1 milliard 156 millions de FCFA en 2003.

Selon le directeur financier et comptable, Pascal Tenkodogo, l’impact des nouveaux produits et la reprise de certaines activités telles que le courrier ont permis de générer un chiffre d’affaires de 5 milliards 400 millions de FCFA en 2004, avec un résultat positif de 143 millions de FCFA contre 4 milliards 817 millions de FCFA, en 2003, avec un déficit de 435 millions de FCFA. En d’autres termes, c’est un bond d’un demi-milliard de FCFA qu’ont réalisé Arthur Kafando et ses collaborateurs.

Au nombre des innovations, il y a le bon partenariat de la société avec la FIB (La Financière du Burkina), qui demande à ses créditeurs d’ouvrir ou de disposer de comptes courant postaux, de même qu’avec d’autres sociétés ; ainsi que les cyberpostes et les cyberkiosques qui sont de nouveaux produits crées en rapport avec les NTIC.

A la direction des Systèmes d’information, structure en charge des nouvelles technologies, de l’informatique classique et de la gestion des applications technologiques, dirigée par Michel Ilboudo, on est très fier du comportement de ces produits et de l’engouement de la population et des entreprises vis-à-vis de Teliman, produit de transfert au plan national, dont une partie est basée sur l’informatique, qui, d’année, en année rapporte gros à la SONAPOST.

Pour ce qui est des produits en cours, il y a Money express, un système de transfert rapide d’argent en partenariat avec les groupements de caisses d’épargne de l’UEMOA et l’IPS light, qui permet de suivre à la trace un courrier à l’intérieur du pays tout comme à l’extérieur. Ce qui va permettre de situer les responsabilités en cas de perte du courrier ou d’un problème quelconque.

« Des colis et des courriers sont souvent volés ou violés depuis l’extérieur »

Autre projet en bonne voie, c’est la construction, avec l’appui de l’Inde, d’un bureau d’échange moderne. En effet, le Centre national de Tri (CNT), le cœur de la société, est plus que dans un état désuet, lamentable. Il est très étroit et à voir les lieux délabrés avec des fils d’électricité pendant à certains niveaux (NDLR : on a même vu un compteur non fonctionnel datant des indépendances trôner à côté des têtes des agents), des sacs traînant partout, etc.

A voir aussi les conditions de travail des pauvres agents, on se demande comment dans une telle situation, ils arrivent à fournir « un travail de qualité, apprécié au-delà de nos frontières », dit-on. Pour le directeur du Courrier, Salam Sanfo, le futur CNT qui sera construit permettra à ces derniers de travailler en toute sécurité (cabines séparées) avec des camera de surveillance et des dispositions conformes à tous les centres de tri modernes pour éviter non seulement des pertes de courriers, mais également garantir la sécurité des gens qui y travaillent.

Et parlant de perte de colis, Salam Sanfo confiera que malgré les brebis galeuses que pourraient abriter la nationale de la poste, il reste que la plupart des colis contenant des cellulaires, des chaussures et autres objets de valeur, ont été ouverts ces derniers temps depuis un pays européen. « Nous encaissons les coups, a-t-il dit, et sans compter que nous dédommageons le client lorsque ces torts sont constatés. Nous avons toutefois pris des dispositions avec ces partenaires et aujourd’hui on n’a plus enregistré d’autres pertes ou viol de courrier ou de colis ».

Et que pense la clientèle, voire le consommateur, des produits de la SONAPOST ? Louis Tapsoba, venu récupérer son courrier dans sa boîte à lettres, estime, tout comme Emmanuel Compaoré, que les produits de la SONAPOST sont de bonne qualité, mais le premier cité pense que les opérations classiques sont toujours importantes alors que Internet offre plus d’opportunités à la poste pour moderniser ses produits. Et parlant de NTIC, il a émis le vœu que les cyberpostes soient dotés d’appareils performants pour une connexion plus rapide.

Quant à la sœur Marie Christine Zongo, missionnaire de la Divine Volonté, à la Patte-d’oie, elle loue l’accueil chaleureux qu’on lui réserve lorsqu’elle vient affranchir ses courriers. Cette religieuse se dit fascinée par la ponctualité et la rapidité de Post’Eclair.

Fernand Nana, étudiant, qui venait de retirer un colis endommagé (photo vitrée) arrivé de France, regrette de ne pas savoir à qui incombe cette casse durant le transport de son colis. Outre cela, Fernand Nana exhorte la société d’Arthur Kafando à tout mettre en place pour réduire la durée d’attente des colis envoyés par avion.

Satisfaction de Marc Ilboudo dont la structure est affiliée à la poste et qui indique n’avoir jamais enregistré de rapports tendus ou conflictuels avec la SONAPOST sur les prestations. Ce sentiment n’est pas partagé par Mathias Ouangré qui venait d’expédier un mandat pour le compte du Projet cantines scolaires.

En effet, ce dernier dit garder un mauvais souvenir de la CNE pour avoir perdu 80 000 FCFA au moment où il quittait une caisse populaire de la place pour cette structure, il y a quelques années. « On m’a soutiré 80 000 de 170 000 FCFA et mon carnet d’épargne est là pour le pourver. Ce jour-là, j’ai vu le responsable de la CNE qui m’a posé des questions mais c’est resté lettre morte ».

Excepté ce coup de gueule, ce client tire son chapeau à la SONAPOST pour ses cyberpostes qu’il apprécie, en plus d’autres produits. Certes, des choses restent à parfaire, mais dans la société d’Arthur Kafando, le sens du professionnalisme, la détermination et le travail bien fait et rentable ont droit de cité. Un exemple qui mérite d’être reconnu et salué, tout en invitant d’autres sociétés d’Etat et même du privé, sous perfusion, à lui emboîter le pas.

Cyr Payim Ouédraogo
L’Observateur

(1) Dans le cadre de ce dossier, nous vous proposerons dans l’une de nos prochaines éditions, un entretien que nous a accordé Arthur Kafando, le patron des lieux.

(2) « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » ; tel est le logo-slogan de la CNE.

Observateur Paalga

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