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« Faire Taire les Armes » : Quels rôles peuvent jouer les femmes ?

Publié le dimanche 16 octobre 2022 à 15h30min

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 « Faire Taire les Armes » : Quels rôles peuvent jouer les femmes ?

Quels rôles peuvent jouer les femmes dans le cadre de la lutte contre la prolifération des Armes Légères et de Petit Calibre et la violence armée dans nos Etats du Sahel.

Une communication de Christophe Raoul TAPSOBA, Associé de Liaison et de Coordination Sénior/UNMAS/Burkina Faso

Selon différentes études, on dénombre plus de 900 millions d’armes à feu en circulation dans le monde, soit à peu près 1 arme légère et de petit calibre (ALPC) pour moins de 10 habitants de la planète. ; 8 millions de nouvelles ALPC sont fabriquées chaque année par environ 1 249 entreprises d’armements réparties dans 92 pays. Concernant les munitions, 10 à 14 milliards d’unités de munitions sont fabriquées chaque année, ce qui est suffisant pour tuer chaque personne dans le monde deux fois. L’abondance des armes en circulation et l’existence de stocks de grande ampleur et peu contrôlées facilitent l’accès des civils, des criminels et des combattants à différents types d’armes.

Mais si ces armes constituent l’instrument dominant dans les conflits, elles ne sont pas utilisées qu’à des fins "militaires". Elles soutiennent également toutes les activités liées à la criminalité transnationale organisée (CTO), caractérisée dans la zone sahélienne par le grand banditisme, le terrorisme, les trafics de tout genre, la violence armée et les prises d’otages. Elles posent des problèmes quasi insolubles pour la sécurité des États et sont une menace permanente pour les populations (Small Arms Survey, Annuaire sur les armes légères/Gros plan sur la problématique, Oxford University Press, 2001, p. 215).

. Sur les 500 000 morts par an directement imputables aux armes légères et de petit calibre, 300 000 ont eu lieu dans le cadre d’un conflit et 200 000 dans les situations dites "pacifiques". La lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre devient à la fin des années 1990 une priorité internationale.

Les armes causent des dégâts physiques, matériels et psychologiques considérables sur le continent africain et empêchent tout progrès, tout épanouissement individuel et collectif. Elles annihilent tout effort de développement, étouffent toute énergie créatrice et toute réflexion constructive. Les premières victimes de cette situation sont incontestablement les jeunes et les femmes, véritables leviers de tout développement économique et social.

Plus de 90 % des incidents de violence armée se produisent en dehors des zones de conflit.

En 2017, plus de 210 000 tués (dont 84% d’hommes et 16% de femmes) du fait des ALPC ont été enregistrés à travers le monde. De 2012 à 2016, le monde a connu plus de 1 millions de morts liées aux armes à feu.

L’utilisation non contrôlée des ALPC a provoqué le déplacement de plus de 40 millions de personnes plus particulièrement en Afrique ces dernières années. L’aperçu de la situation humanitaire au 30 juin 2022 indiquait que le Burkina Faso enregistre 1 902 150 de personnes déplacées internes (PDI) ( OCHA, Burkina Faso : Aperçu de la situation humanitaire (Au 30 juin 2022).

La prolifération des armes à feu et l’absence quasi-totale de leur contrôle ont augmenté toutes les formes de violence : conflits intercommunautaires, extrémisme violent, grand banditisme urbain et rural, braconnage à grande échelle, trafics en tout de genre. Le bruit des armes à feu a rompu l’équilibre social harmonieux, paisible et heureux qui prévalait dans de nombreuses sociétés africaines.

En général, le contrôle des armes légères et de petit calibre se concentre sur les armes détenues par les forces de défense et de sécurité, donc les armes étatiques. Cependant, dans le monde, 85% des ALPC sont entre les mains de civils. En Afrique, plus de 40 millions d’armes sont détenues par les civils, mais une petite minorité possède une autorisation ou une licence de port d’arme.

Les crises politiques et militaires au Maghreb notamment en Tunisie, en Egypte et surtout en Libye ont provoqué la prolifération et la circulation illicite des armes dans les pays du Sahel.

La sous-région ouest africaine connait depuis des décennies plusieurs crises qui ont engendré une prolifération et une circulation illicite des ALPC. Les séquelles de ces crises demeurent toujours. En effet, les conflits armés, les crises qui sévissent au Sahel depuis plusieurs années, ont fait renaitre des mouvements avec des élans sécessionnistes et islamistes au Mali en 2012 avec comme corollaires des violences armées qui se sont par la suite étendues au Burkina Faso et au Niger. La porosité des frontières, la mal gouvernance et la mauvaise gestion des armes et des munitions détenues par les États ont créé un environnement favorable à la circulation illicite des ALPC et une instabilité dans la région, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes.

Impact des armes à feu sur les femmes

Les femmes constituent dans de nombreux conflits la plus grande part des victimes, y compris dans la traite d’êtres humains et les violences liées aux genre ; traitées comme des objets sexuels et sont souvent enrôlées contre leur volonté par différents groupes armés. En effet, dans les pays du Sahel de façon traditionnelle, il est reconnu que ce sont les hommes qui s’arment mais les principales victimes sont les femmes.

Sous la menace d’une arme, les femmes peuvent être victimes de violences sexuelles, ou de vengeance. En général les femmes restent dans les familles ou dans les camps de déplacés et les hommes et les jeunes partent au front.
Les violences sexuelles sur les femmes commises par les groupes armés troublent durablement et déstructurent la famille. En effet, il arrive que des femmes soient violées en présence de leurs maris, de leurs enfants ou de tout autre membre de la famille pour non seulement démoraliser ces personnes mais aussi pour tuer tout espoir de réunification avec celles-ci à la fin du conflit.

Les jeunes qui sont enrôlés de gré ou de force dans les rangs des groupes armés constituent généralement une aide de travail précieuse pour la femme surtout en milieu rural. La perte de ces jeunes constitue non seulement un choc émotionnel, mais également une perte de garantie de bras valides, d’économie et d’assurance pour ses « vieux jours ».

La crises sécuritaire et humanitaire au Burkina Faso avec son impact disproportionné sur les filles et les femmes entraînent une augmentation du nombre de cas de violence basés sur le genre (VBG). Ces VBG sont aggravées par des facteurs comme la pauvreté, le chômage, les déplacements, la destruction des moyens de subsistance, l’effritement des structures communautaires, etc. Tout cela augmente les risques d’Exploitation et d’Abus Sexuels (EAS). Malheureusement, des normes culturelles et sociales inégalitaires et néfastes sont dans certaines situations utilisées pour justifier ces actes et nuire à des individus ou à des groupes vulnérables. Les répercussions des conflits et catastrophes sont dévastatrices sur les droits des filles avec une augmentation de la violence basée sur le genre, les mariages précoces ou forcés et les obstacles à l’éducation qui risquent de compromettre l’avenir des femmes et des filles.

Dans les régions du Burkina Faso les plus touchées par l’insécurité et les déplacements (Centre-Nord, Sahel, Est, Nord), 12% de la population totale, soit plus de 2,6 millions de personnes, auront besoin d’une assistance immédiate pendant la période de soudure et ce sont les femmes et les filles qui en subissent à court et long terme les conséquences.

La question sécuritaire contribue à aggraver les autres besoins : par exemple l’accès à l’eau est désormais de 63% avant la crise a 44%. Là aussi, ce sont les femmes et les filles qui en paient la plus lourde tribu.

A contrario, il a été rapporté par le ministère en charge du genre du Burkina Faso que des femmes sont de plus en plus complices, voire actrices de la violence armée. Selon ses informations non spécifiques, les femmes sont signalées au sein des groupes armés terroristes où elles contribueraient à l’identification des cibles à attaquer, à la protection de leurs maris terroristes recherchés par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et à assurer la logistique au profit de ces derniers.
Depuis quelques années la crise sécuritaire est marquée par un phénomène nouveau, celui de l’utilisation d’engins explosifs improvisés (EEI) par les groupes armés terroristes (GAT), et que les populations connaissent très peu, d’où leurs effets dévastateurs.

De 2017 au 31 mai 2022, on enregistre 388 incidents liés aux EEI, avec au moins 749 victimes, dont 380 tués et 369 blessés.

Les populations civiles, empruntant les voies ou sont placées ces engins, (à priori elles ne sont pas les cibles des GAT) représentent un tiers des victimes constituées essentiellement de femmes et d’enfants.

Les conflits armés affectent gravement les femmes et les filles qui sont exposés à un à des problèmes de santé mentale avec des risques de dépression et d’anxiété.
Au vu des conséquences socio-économiques énormes sur les femmes, il est important que les femmes soient au cœur de la lutte contre la violence armée et participent à la création de solutions durables par leur présence active et effective dans les espaces de dialogues et de prise de décisions.

L’engagement « Faire Taire les Armes en Afrique » et la participation des femmes
Dans le cadre de l’agenda 2063 l’Union Africaine a mis en œuvre une initiative continentale dénommée « faire taire les armes » (Lusaka (Zambie), 2016 l’Union Africaine décrète le mois de septembre comme mois de l’amnistie « Faire Taire les Armes », dont le but est de mettre fin à toutes les guerres, aux conflits civils, à la violence sexiste, aux conflits violents et à la prévention du génocide ; afin de parvenir à une « Afrique intégrée, prospère et pacifique ».

Quels rôles peuvent jouer les femmes dans ce contexte d’insécurité et de vulnérabilité grandissant marqué par la circulation des ALPC ?

Traditionnellement, mises en retrait, les femmes occupent une place de médiation et de recherche de la paix au sein des communautés, elles facilitent la gestion non violente des conflits, et la réconciliation en tant que médiatrices au sein de leurs communautés.

De nos jours de nombreuses organisations et associations féminines œuvrent dans le domaine de la paix et de la sécurité à travers des programmes communautaires et nationaux de sensibilisation et de renforcement des capacités dans la gestion des conflits.

A l’instar des épouses des forces de défense et sécurité qui se mobilisent chaque jour, de nombreuses organisations de la société civile féminine travaillent en synergie d’actions pour rendre effectif l’esprit de l’axe stratégique 3 du Plan d’action 1325 du Burkina Faso qui vise à « promouvoir le rôle des femmes dans la gouvernance du secteur de la Défense et de la Sécurité »

Le thème retenu cette année par le Gouvernement du Burkina Faso : « Pour mon pays je dis non aux ALPC et aux EEI » offre une plateforme pour l’engagement des femmes à participer activement à la caravane pour le plaidoyer organisée dans les régions et aux actions de sensibilisations prévues dans ce cadre ; ainsi elles pourront par la suite prendre part à la résolution des conflits communautaires et locaux.

Au-delà de l’acceptation de ce rôle dans la société, c’est également l’espace qui doit être ouvert aux femmes, qui représentent plus de 50% de la population burkinabè selon le dernier recensement général de la population. Les femmes peuvent de ce fait contribuer à promouvoir la paix, la sécurité, et le développement en œuvrant à la lutte contre la circulation illicite des ALPC, l’extrémisme violent.

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