"Des gendarmes maltraitent et tirent sur un Burkinabè. La victime témoigne avant de mourir", c’est le titre qu’arborait notre confrère ivoirien "24 heures" à sa parution du 26 décembre 2003. Le 21 janvier 2004, l’oncle de la victime, Boukari Kafando est venu se confier à Sidwaya.

En arrivant à notre rédaction , il tenait entre les mains le numéro du confrère ivoirien dans lequel sont relatés les faits recueillis auprès des membres de la famille. "Issa Baba a reçu plusieurs décharges de chevrotine dans la jambe gauche. Ces bourreaux sont des éléments de la gendarmerie d’Ayamé en faction dans le village de Songan ce 19 décembre", lit-on.

Plus loin, le journal cite un membre de la famille qui a déclaré que le défunt a indiqué que dans la matinée, son frère aîné Adama Kafando l’a envoyé chercher des poulets dans sa ferme. "En allant, j’ai rencontré des gendarmes qui m’ont demandé de m’arrêter (...) Ils ont aussi demandé ce que j’ai en poche et j’ai sorti la boîte d’allumettes que j’utilise pour faire le feu afin de cuire mes goûters. Ils ont forcé l’autre poche pour me déshabiller. Un autre gendarme a dit qu’il me tirerait dans le dos si j’essaie de fuir", a témoigné le jeune Kafando.

Effectivement, il recevra "des balles au pied, et après, ils m’ont abandonné dans l’herbe" poursuit-il. Un certificat médical de décès établi au CHR d’Aboisso par le docteur Tiburce Kouamé Konan mentionne, selon "24 heures" , que la victime est décédée des "suites de traumatisme par arme à feu".

Issa Baba Kafando, après le départ de ses bourreaux, a perdu beaucoup de sang sur les lieux de l’incident par manque de mains secourables. "Puisque dans la zone, il y a une psychose quasi-générale qui fait que les gens ont peur de témoigner", raconte l’oncle du défunt. Cependant, les parents alertés ont pu le transporter jusqu’au centre de santé le plus proche (à Songan) où il reçut les premiers soins avant d’être référé à Aboisso. Sur la route de cette ville, le véhicule tombe en panne.

Les parents trouvent un autre véhicule mais la victime saignant beaucoup, ils opèrent une halte à Yaou (une quarantaine de kilomètres plus loin) où le blessé rendit l’âme. Issa Baba décédé, la misère de la famille n’en finit pas pour autant. Pour lever le corps "nous avons été éconduits par plusieurs responsables. On a fait des va-et-vient entre la mairie, le commissariat de police, la préfecture, la gendarmerie...

Et ce du vendredi, jour du décès à lundi où on a enfin pu enlever le corps de la morgue pour l’enterrer", a regretté l’oncle. Non sans avoir proféré des menaces : "le délégué représentant notre communauté d’Ayamé, un certain Issaka Bouda, a dit que s’ils ne veulent pas nous remettre le corps, alors, on le leur laisse. C’est après cela qu’on nous a autorisés à procéder à l’enterrement".

Le reporter du journal ivoirien dit avoir tenté d’avoir la brigade de gendarmerie d’Ayamé au téléphone. Après une brève consultation, son interlocuteur a fait savoir qu’il ne peut en dire un traître mot sur cette affaire. Mais, conclut-il, "toutefois, de source très proche de la gendarmerie, un des gendarmes faisant partie de l’équipe qui a commis le drame est très connu sous le sobriquet de majellulaire".

La famille Kafando est ressortissante de la région de Yako. Le père de la victime vit depuis une dizaine d’années à Bobo-Dioulasso. C’est de là que le jeune Issa Baba est parti pour rendre visite à son grand-frère qui exploite la plantation paternelle.

Souleymane SAWADOGO
Sidwaya