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Partenaires au développement et plans nationaux : Ménage ou phagocytose ?

Publié le jeudi 22 décembre 2005 à 08h10min

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Sous couvert d’aide humanitaire ou d’appui au développement des organisations internationales, non gouvernementales et autres associations de salut public s’immiscient trop souvent dans les projets sectoriels et transectoriels élaborés par les gouvernements.

Cet amalgame d’objectifs et de moyens d’actions en créant le flou autour de certains plans nationaux a fini par faire l’objet d’une question orale à l’Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne l’enseignement bilingue. Ce sujet n’est pas le seul en cause et l’on est en droit de se demander quel est l’impact réel des politiques nationales de développement face au droit d’ingérence par les finances auquel recourent nombre de partenaires.

Si les explications pour répondre à cette question orale ont paru satisfaisantes, il n’en demeure pas moins que la suspicion est désormais permise pour beaucoup de cas méconnus du public et que le monde des associations et ONG demeure peuplé d’organes dont il est impérieux de connaître les objectifs réels.

Tous les indicateurs construits pour mesurer la bonne santé des Etats africains sont négatifs et l’image de l’Afrique est celle d’un continent délabré, devenu pour cette raison un énorme marché pour les organisations internationales et non gouvernementales tant humanitaires que développementistes. Au chevet des Etats africains réputés incapables de s’articuler autour d’une modernité dont ils maîtriseraient mal les enjeux, accourent des "experts" de tous poils mais aussi de petits ronds-de-cuir souvent otages de fixations diverses, le dénominateur commun de cette faune bigarrée, toujours dissimulée derrière des personnes morales, étant un portefeuille bien garni et une méconnaissance profonde de l’âme africaine.

En effet, les financements dont disposent ces personnes leur ouvrent la voie à toutes sortes d’ingérences auxquelles elles confèrent une virginité toute neuve et une innocuité certaine en les empaquetant sous le label de : "aide au développement".

Experts dans la médiatisation du moindre de leur geste, ces aideurs en chef ont fini par polluer mêmes les projets les mieux conçus et les mieux adaptés en leur inoculant des appendices fondés le plus souvent sur de fragiles interprétations de la société africaine et une aptitude très relative à articuler le devenir africain. Nul place où leur main ne passe et repasse si bien qu’au bout du compte ils finissent par envahir des plates-bandes qui n’avaient nullement besoin d’une telle intrusion lorsqu’ils ne créent pas des pseudo programmes dont la caractéristique principale est de diviser et de contrarier les populations. Les solutions qu’ils proposent et les voies qu’ils empruntent sont les meilleures et il faut les y suivre au nom de la modernité présentée comme le rempart à la dictature infâme d’une tradition obsolète dont l’Afrique n’arrive pas à se défaire.

Munis de telles assurances, les programmes nationaux auxquels ils s’associent d’autorité sont alors cisaillés par ci, limés par là, bref deviennent l’exécutoire de leurs inspirations changeantes. Ainsi, en marge de processus autour desquels l’unanimité est faite et auxquels aucune attention n’est accordée, sont déployés d’énormes moyens axés sur des futilités n’ayant fait au préalable aucun consensus et dont on voit mal l’impact sur le devenir du pays.

Priorités aux besoins des nationaux

A travers leur financement qu’elles octroient du reste, pour la plupart de manière suffisante, certaines organisations internationales (OI) et non gouvernementales (ONG) piègent ainsi des pans entiers du devenir national dans des projets et programmes dont le moins qu’on puisse en dire est qu’ils sont byzantins. La bonhomie avec laquelle les structures nationales chargées de l’application des politiques sectorielles subissent cette colonisation des OI et ONG justifie l’inquiétude de nombre de citoyens qui se demandent à présent qui fait quoi en réalité, pourquoi et pour qui ?

En effet, la pertinence de certains engagements dits nationaux et médiatisés à grands frais n’est pas toujours évidente pour ceux pour lesquels ils ont été conçus et ce n’est pas ce cotonculteur de la région de Boromo qui dira le contraire lui qui, un beau matin, alors qu’il se rendait dans son champ au volant d’un véhicule utilitaire dans lequel il avait entassé ses trois épouses et ses nombreux enfants, s’est fait intercepté par les Forces de l’ordre.

De fil en aiguille, il apprendra avec effarement que parmi les enfants qu’il emmenait au champ pour la récolte du coton, cinq n’étaient pas en âge de travailler et que par conséquent, il y avait là un cas manifeste d’exploitation des enfants par le travail. La maréchaussée ce jour-là se montra intransigeante. On croit rêver. On a peine à croire qu’une telle scène se soit passée au Burkina Faso où jusqu’à présent, partout dans les campagnes, dès cinq (05) ans, l’enfant participe déjà à la vie de la famille ne serait-ce qu’en portant la nourriture à ses frères au champ ou en puisant de l’eau pour sa mère.

L’éradication des mutilations génitales féminines dont la pertinence techniquement se passe de commentaire a été elle aussi abordée avec une telle maladresse qu’elle n’a réussi qu’à diviser la population. D’un côté, il y a ceux qui grâce à l’éducation ont conscience de l’inutilité et de la barbarie de cette pratique, de l’autre, il y a ceux qui à partir de la tradition voient ces pratiques comme la manifestation d’une identité culturelle irréductible.

Entre les deux, la loi dans toute sa rigueur, sévit sans état d’âme. N’aurait-il pas fallu une approche moins répressive ? Tout se passe comme si de grandes décisions qui engagent la responsabilité de l’ensemble de la Communauté étaient prises non seulement à l’insu des "bénéficiaires" mais aussi au mépris de leur nature profonde et de leur mode de rapport au monde. On conçoit difficilement que des plans d’actions nationaux, conçus par des nationaux fassent si peu de cas des spécificités nationales au nom d’une modernité que seule une minorité perçoit comme telle.

Trop souvent, l’action des OI et des ONG contribue à introduire des variantes à la pertinence très relative dans l’édifice d’ensemble qu’elles sont censés contribuer à faire bâtir. S’il est important pour les pays pauvres de bénéficier du soutien financier des organisations “développementistes”, il est encore plus important pour eux que ce soutien soit déployé à l’intérieur de programmes épousant harmonieusement les plans d’actions élaborés par les nationaux eux-mêmes.

Autrement, il y a comme des relents d’ingérence à la limite d’une appropriation qu’il faut chercher alors à comprendre.

Luc B. NANA
Sidwaya

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