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Professeure Fatoumata Badini/Kinda : La sociologue qui voulait être institutrice ou infirmière

Publié le mercredi 17 août 2022 à 23h10min

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Professeure Fatoumata Badini/Kinda : La sociologue qui voulait être institutrice ou infirmière

L’histoire du Professeure Fatoumata Badini/ Kinda est celle d’une jeune fille qui rêvait d’être infirmière ou médecin. Finalement, elle deviendra Professeure titulaire en sociologie, la première femme à atteindre ce niveau au « pays des hommes intègres » ; Professeure associées des universités en 2016 ; chevalier de l’ordre des palmes académiques, chevalier de l’ordre du mérite de la santé et de l’action sociale avec agrafe Promotion de la femme. Tout cela grâce à son courage et à sa persévérance mais aussi à son père, ancien combattant, qui n’a vu aucun inconvénient à scolariser tous ses enfants pour leur garantir un meilleur avenir.

Fatoumata Badini/Kinda, est entrée dans le cercle fermé des Professeurs titulaires du Burkina Faso en 2018 en obtenant son grade en sciences humaines, option sociologie urbaine, à l’issue des travaux de la 40e session des comités consultatifs interafricains du Conseil africain et malgache des enseignements supérieurs (CAMES), à Niamey les 09 et 18 Juillet. Fille d’un ancien combattant, Professeure Fatoumata Badini/Kinda est membre d’une famille musulmane, modeste et pratiquante. Le père avait deux épouses et chacune d’elles a eu dix enfants. Elle est donc d’une fratrie de 20 enfants dont neuf sont aujourd’hui en vie.

« Ce n’était pas l’aisance ni la très grande pauvreté non plus », dira-t-elle. Tous ses frères et sœurs ont bénéficié d’une scolarité, filles comme garçons. C’est ainsi qu’elle a eu la chance d’aller à l’école et de faire ses premiers pas à l’école primaire Tang-Zuugu fille à Koulouba, une école catholique tenue par les sœurs blanches à l’époque. En 1969, elle a obtenu son premier diplôme. Le Certificat d’études primaires (CEP) et son entrée en 6e. Ses études secondaires, elle les poursuivra au Lycée municipal de Ouagadougou où elle décrocha son baccalauréat série D, à la session de 1978. Très petite, la pionnière des femmes sociologues rêvait d’être institutrice ou infirmière car admiratrice de ces dernières.

Un parcours qui ne fut pas un long fleuve tranquille

La sociologie pour Pre Badini est le fait, à la fois du hasard et dans une moindre mesure par choix, de son propre aveu. « Après l’obtention de mon baccalauréat, série D, il était question de s’orienter. Etant donné que j’étais un peu forte en mathématique mais moins forte en physique chimie, je me suis renseignée sur une filière où j’allais avoir à faire uniquement qu’aux mathématiques », a-t-elle confié avec humour.

Elle bénéficiera d’une bourse nationale voltaïque et le service des bourses s’est occupé de sa préinscription à l’université de Nantes pour la sociologie. Le départ pour la France a eu lieu le 11 septembre 1978. Ces débuts à Nantes, une commune à l’ouest de la France, située au sud du massif armoricain, n’ont pas été faciles. Il lui a fallu tout découvrir, s’adapter au climat et la nourriture qui sortait du tôt et du riz de Ouagadougou. A cela s’ajoutent l’organisation des cours dans les grands amphithéâtres, la vie universitaire en cité universitaire et les bousculades au restaurant universitaire, l’environnement social plus ou moins renfermé quand on ne vous connaît pas. La régularité de la bourse voltaïque était à saluer seulement, elle figurait parmi les plus faibles taux et il fallait s’organiser en conséquence.

« J’ai dû faire de petits boulots en marge des cours (vendange, garde des enfants, ménage dans les bureaux) pour se procurer des compléments de revenus et faire des économies pour envoyer au pays », raconte-elle. La dernière année de thèse a été la plus difficile. Sa bourse a été coupée car ayant opté à mi-parcours pour la thèse de doctorat unique (04 ans) au lieu de la thèse de 3e cycle qui est de trois ans. il a fallu supporter cette 4e année de thèse sans bourse. « Des familles amies à Nantes ont volé à notre secours », se rappelle-t-elle. Une des difficultés, non des moindres, fait-elle savoir, était relative à la communication avec les parents restés au pays.

« A l’époque, même le téléphone fixe n’était pas vulgarisé dans les familles. Nous avions des nouvelles par lettres écrites. Il fallait attendre quatre à cinq mois pour recevoir une nouvelle correspondance. Par moment on avait le mal du pays et le moral assez bas. La voix des parents me manquait énormément. Le réconfort venait des familles amies de Nantes, des camarades voltaïques à Nantes et des amies à l’université ou à la cité universitaire », relate-t-elle. Qu’à cela ne tienne, tour à tour elle décroche le DEUG en 1980 puis la Licence en 1981. Ensuite, la Maîtrise et le DEA, respectivement en 1982 et en 1983. En 1987, elle obtient son Doctorat unique en sociologie. Son thème est : « Ménages populaires à Ouagadougou ». Elle aura passé neuf ans à Nantes, ponctués de quelques vacances au pays. En 1987, de retour dans son pays, elle donne son premier cours durant son Service national populaire.

Des regrets et des réussites

Pre Badini n’oubliera jamais le jour de son inscription sur la liste d’aptitude de professeur titulaire en sociologie. C’est d’ailleurs pour elle, sa plus grande satisfaction et sa plus grande réussite. Elle est également fière d’avoir pu encadrer bon nombre d’étudiants. En effet, plusieurs étudiants et étudiantes passeront à son école. Elle a dirigé 122 mémoires de maîtrise soutenus, plus de 60 mémoires de Master 2, encadrés et soutenus et 07 thèses dirigées ou co-dirigées et soutenues.

Celle qui fait valoir ses droits à la retraite, a encore quelques thèses et mémoires de Master en cours d’achèvement en main. Ce n’est pas anodin de rappeler que Pre Badini a eu, lors de son premier stage terrain en 1989, le Prof. Alkassoum Maiga (Ancien ministre des enseignements secondaires) comme étudiant. Celle qui a été faite, depuis 2016, professeure associée des universités sera élevé en 2013, au grade de chevalier de l’ordre des palmes académiques et ensuite chevalier de l’ordre du mérite de la santé et de l’action sociale avec agrafe Promotion de la femme.

Elle a été la première responsable du Labo genre de l’Université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ). Elle a beaucoup lutté pour la promotion du genre au Burkina Faso. C’est tout naturellement qu’elle regrette la faible institutionnalisation des études de genre dans les universités africaines francophones comparativement aux universités africaines anglophones qui ont développé des départements de Gender Studies. Il y a aussi la prise en compte réelle de la problématique genre à l’UJKZ en termes de ressources humaines, financières et matérielles. Pre Badini regrette aussi n’avoir pas pu approfondir ses connaissances en anglais et en informatique. « Ce qui me limite énormément dans mes prestations scientifiques », confie-t-elle.

Des postes stratégiques occupés

Dame Badini a occupé des postes stratégiques au sein de l’université de Ouagadougou actuelle université Joseph Ki-Zerbo. En 1990, elle est nommée responsable de la filière socio (philosophie et sciences humaines). Poste qu’elle occupera jusqu’en 1995 où elle sera promue à la tête du département de sociologie. Elle est la principale actrice des grandes victoires de ce département. Entre 2013 et 2020, cumulativement, tout en étant membre du Conseil d’administration de l’UJKZ, elle était la responsable du laboratoire genre et développement et la directrice de la promotion des enseignements DPE-CAMES.

Professeure Valérie Rouamba, actuelle responsable du Labo genre de l’Université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ), la présente comme étant « une femme leader qui a su tracer les sillons pour celles et ceux qu’elle a devancés. Généreuse enseignante, elle a donné le meilleur d’elle-même sans réserve pour accompagner et stimuler ses étudiants dont beaucoup font la fierté de leurs employeurs aujourd’hui. C’est une mère protectrice pour ses étudiants et étudiantes, combattante pour la cause de la femme, pionnière des études sur le genre au Burkina Faso, personne-référence aux niveaux national et international. Elle est une fierté nationale ». Elle a consacré sa jeunesse, ses ambitions à l’enseignement et à la recherche au Burkina Faso en général et en particulier, à la sociologie et aux études de genre.

Obissa Juste MIEN
Lefaso.net

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