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Médias : Le REN-LAC dénonce la "politique des gombos"

Publié le vendredi 16 décembre 2005 à 06h52min

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"La politique des gombos répond aux exigences d’une politique
instituée dans laquelle les journalistes sont impliqués à leur
corps défendant dans l’ensemble, mais à laquelle quelques
uns adhèrent par conviction personnelle". Conséquence : de
"graves atteintes à l’éthique et à la déontologie". Tel est le
constat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC).

"Dans son rapport de 2003 intitulé, "la Presse burkinabè : Etat
des lieux", l’Association des Journalistes du Burkina (AJB) fait un
diagnostic de la corruption en milieu journalistique.

Cette
pratique connue sous le nom de "gombo" est d’autant plus
d’actualité qu’il est quasiment impossible de voir une
manifestation couverte par la presse surtout étatique sans s’être
acquitté des frais de prestation. Dans un tel contexte, est-il
possible que l’information juste soit véhiculée ? Nous vous
livrons le diagnostic de l’AJB.
La politique des gombos ou les gombos tout court dans le
jargon journalistique n’est pas une panacée burkinabè. Le
système est très développé dans de nombreux pays de la
sous-région. On peut seulement retenir qu’elle a une variante
nationale avec ses propres règles.

Le phénomène procède de deux origines. Une origine privée et
une origine institutionnelle. Dans un cas comme dans l’autre, il
désigne par l’image, le légume largement répandu et
consommé en Afrique et qui, par sa consistance, facilite la
déglutition. Autrement dit, le gombo est ce qui permet d’avaler
plus facilement, y compris les couleuvres. Il traduit aussi l’image
des billets de banque glissés en dessous de la table à un tiers.
Dans le milieu journalistique, le gombo désigne la politique des
petits cadeaux offerts aux journalistes en vue de s’attacher leur
amitié pour le jour J.

C’est une politique largement connue à travers le monde entier.
De part son caractère discret, c’est une opération entre deux
individus qui n’engage pas l’organe considéré. Plus d’un
journaliste a eu à s’en repentir auprès de sa hiérarchie quand la
supercherie a été découverte et plus d’un homme politique s’en
est mordu les doigts quand les journalistes scrupuleux ont feint
de jouer le jeu afin de pouvoir administrer des leçons de savoir
vivre à ceux qui ont eu la prétention d’acheter leur plume.

Il s’agit
jusque-là donc d’un jeu d’équilibre où la conscience
professionnelle joue un rôle régulateur de premier plan.
Sous cette forme, les gombos restent un phénomène marginal
et négligeable à certaines conditions. Entre autres, il faut :
- Que la presse ait une identité propre et forte ;
- Que les journalistes soient suffisamment formés et aient une
claire conscience de leur rôle et de leur importance dans la
société ;
- Qu’ils soient convenablement traités au sein de leur organe
surtout au plan salarial pour être à l’abri de la tentation ;
- Qu’ils jouissent dans l’opinion publique de la reconnaissance
sociale qui est souvent faite aux hommes de presse ;
- Qu’il existe au niveau général de la société, des règles saines
de compétition entre les différentes composantes ;
Que les autres pouvoirs dont la presse couvre les activités,
aient la transparence comme cap dans leur fonctionnement.

Dans le cas spécifique de la presse, l’influence grandissante
des pratiques propres à la communication rogne sérieusement
les pratiques d’information et renforce les difficultés de
discernement des limites éthiques. C’est une situation
d’ensemble désarticulée qui a favorisé l’institutionnalisation des
"gombos".
Au plan institutionnel, les gombos impliquent désormais et
directement les organes de presse, même quand l’agent chargé
de la couverture sur le terrain en tire une part négligeable.

Historiquement, l’institution des "gombos" au Burkina
remonterait au pouvoir du Front populaire. Elle s’est maintenue
et surtout s’est considérablement renforcée au point de faire
partie des règles écrites de la politique d’information non sans
poser de sérieux problèmes.

"Qu’est-ce que l’info aujourd’hui ?"

Le Conseil National de la Révolution (CNR) avait compris très
tôt l’importance des médias dans le système de gouvernance et
avait fait des organes de presse, des auxiliaires privilégiés de
son pouvoir. Il s’en était doté en très peu de temps d’un nombre
considérable (extension des heures de diffusion de la télévision,
création des radios locales, d’une multitude de publications de
presse écrite, lancement d’un quotidien national) parallèlement,
il était exigeant sur la présence effective de tous les médias
étatiques à ses nombreuses et longues manifestations alors
même que ceux-ci étaient sous-équipés et disposaient de très
peu de moyens de fonctionnement.

Par un lent glissement, les ministères les plus attachés à la
promotion de leur image ont rajouté à l’intention des journalistes
qui effectuaient les déplacements à leurs propres frais, des frais
d’essence. Cette formule s’est-elle aussi répandue à
l’ensemble des institutions.
Ils sont suivis étrangement par les Organisations non
gouvernementales (ONG) à la recherche de légitimité à faire
valoir auprès de leurs partenaires techniques et financiers et qui
vont user de tous les moyens pour bénéficier d’exposition
médiatique.

Une telle situation appelle cette question lourde de sens :
qu’est-ce que l’information aujourd’hui ?
On mesure par-là, le recul qui a été opéré en matière de
politique d’information depuis les critiques acerbes contre le
journalisme de développement. On mesure également
comment la presse privée que tout le monde appelait de ses
voeux depuis la fin des années 70, a subverti en moins de 10
ans le peu de rigueur morale qui faisait encore du journaliste,
un personnage respecté.

Aujourd’hui, le moindre espace dans
un organe public ou privé est à vendre pour qui sait y mettre le
prix.
La politique des "gombos" répond aux exigences d’une
politique instituée dans laquelle les journalistes sont impliqués
à leur corps défendant dans l’ensemble, mais à laquelle
quelques uns adhèrent par conviction personnelle.
Bien entendu, les graves atteintes à l’éthique et à la déontologie
dans le milieu de l’information trouvent dans cette politique leur
meilleur terreau."

Le REN-LAC se propose de publier vos réactions, vos
suggestions, vos dénonciations (si cela est conforme à la
déontologie et à l’éthique professionnelle). Vos critiques et
suggestions sont donc les bienvenues. Vous pouvez nous
contacter à l’adresse suivante : Réseau national de lutte
anti-corruption (REN-LAC) 01 BP : 2056 Ouagadougou 01, Tél. :
50 -33- 04- 73, Email : renlac@renlac.org , site :
http://www.renlac.org Tél. vert : 80-00-11-22 (gratuit).

REN-LAC

Le Pays

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