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Soutenance de thèse à l’Université d’Orléans : Dr Ismaël Félix Dondassé analyse la fonctionnalisation en position bêta C(sp2)-H des énamides et son application à la synthèse d’hétérocycles azotés d’intérêt biologique

Publié le mercredi 27 juillet 2022 à 17h30min

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Soutenance de thèse à l’Université d’Orléans : Dr Ismaël Félix Dondassé analyse la fonctionnalisation en position bêta C(sp2)-H des énamides et son application à la synthèse d’hétérocycles azotés d’intérêt biologique

Docteur en Chimie à 29 ans depuis fin mars 2022, Ismaël Félix Dondassé fait partie désormais du cercle fermé des chimistes-organiciens. Le jeune Burkinabè, qui a fait sa thèse au sein de l’Institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA) à Orléans, a très bonne réputation en matière de résultats académiques depuis l’Université de Ouagadougou (actuelle Université Joseph KI-ZERBO). Sa thèse de doctorat a porté sur la « fonctionnalisation en position bêta C(sp2)-H des énamides. Application à la synthèse d’hétérocycles azotés d’intérêt biologique ». Nous l’avons rencontré par un soir du 20 juillet 2022 au bord du non moins célèbre fleuve traversant la ville de Sainte Jeanne d’Arc, la Loire. Il rêve grand pour son pays et espère apporter sa contribution dans l’édification de cette nation pour laquelle il espère un retour rapide à la paix.

Lefaso.net : Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter à nos lecteurs ?

Ismaël Félix Dondassé : Moi c’est Ismaël Félix Dondassé, je suis Docteur en Chimie organique. J’ai défendu ma thèse le 22 mars 2022 au Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) qui est basé à Orléans et qui est rattaché à l’Institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA), le laboratoire dans lequel j’ai effectué ma thèse.

Votre thèse a porté sur quel sujet ?

Ma thèse a porté sur la fonctionnalisation en position bêta C(sp2)-H des énamides. Application à la synthèse d’hétérocycles azotés d’intérêt biologique. Les énamides sont des substrats très utiles comme candidats médicaments et autres. Nous avons essayé d’utiliser de nouvelles méthodologies qu’on a développées au cours de notre thèse pour synthétiser des molécules d’intérêt biologique c’est-à-dire des molécules qui peuvent être utilisées comme médicaments, pesticides etc.

Et en français facile, ça rime à quoi tout ça ?

(Rires). C’est vrai que c’est un peu difficile de parler de ça en français facile. Je dirai que pour schématiser, aujourd’hui la recherche surtout en Chimie organique a besoin de développer de nouvelles stratégies de synthèse pour les molécules complexes c’est-à-dire que cette recherche a besoin de sauter les verrous qu’on a sur le plan de la synthèse de certaines molécules complexes.

Et ces molécules complexes sont très intéressantes comme candidats médicaments, pesticides, etc. Vous pouvez les retrouver quotidiennement dans votre vie. Si vous connaissez quelqu’un qui est agriculteur et qui utilise des pesticides par exemple, c’est de la chimie, ce sont des molécules qui ont été synthétisées. Si vous prenez des médicaments pour lutter contre telle ou telle maladie, c’est de la chimie aussi.

Ce sont des molécules qui sont synthétisées. Et donc la recherche a pour objectif de synthétiser ces molécules-là. Et pour synthétiser ces molécules, on a ce qu’on appelle la méthodologie qui est en fait une branche de la Chimie. Elle a pour rôle en fait de sauter les verrous comme je viens de le dire, c’est-à-dire trouver de nouvelles façons de synthétiser les molécules, trouver de nouvelles méthodes, de nouveaux schémas en tenant compte bien sûr des coûts des réactifs de départ, de l’environnement pour éviter de générer des produits toxiques, etc.

Et quand vous dites synthétiser les molécules, ça veut dire quoi ?

Ça veut dire tout simplement qu’on part des réactifs de départ qui sont des molécules moins complexes, qui sont souvent faciles à trouver dans les commerces, et on essaie de former à partir de ces réactifs des molécules beaucoup plus complexes. Si vous voulez, c’est une transformation de plusieurs réactifs de départ pour donner une molécule finale qui est beaucoup plus complexe que les réactifs de départ. Et cette molécule est désirée par exemple pour des propriétés biologiques, parce que comme je viens de le dire, on peut utiliser cette molécules comme un médicament, un pesticide, etc.

Et vous en tant que docteur aujourd’hui, qu’avez-vous découvert de particulier à l’issue de vos recherches et quelle est l’utilité de cette découverte-là ?

En tant que doctorant, durant ma thèse qui a duré quand même 3 ans et demi, j’ai réussi à faire trois publications scientifiques qui sont aujourd’hui publiées dans des journaux assez côtés (Ndlr : retrouvez quelques publications à la fin de cet interview). On a encore un article qui est en cours d’écriture, en collaboration avec mon ancienne directrice de thèse.

Alors nous avons développé plusieurs méthodologies pour fonctionnaliser ces énamides-là notamment nous avons développé une méthodologie de fonctionnalisation des énamides en positionnement bêta soit par un processus radicalaire soit par catalyse. On sait que les radicaux libres en Chimie sont généralement très difficiles à maîtriser et nous, on a réussi à maîtriser ces radicaux libres-là pour réussir l’alkylation des énamides en position bêta.

L’alkylation ?

Ça veut dire fixer un alkyle. Je prends un exemple : un groupe méthyle est un groupe alkyle. On a réussi à faire cela, je ne dirai pas que c’est une nouveauté, mais c’est quelque chose qui est assez bien car cela permet de sauter des verrous pour ce type de Chimie parce que la plupart des chimistes organiciens ont un peu peur d’utiliser les radicaux parce qu’on peut dire que c’est une Chimie qui est assez difficile à contrôler. Et souvent les produits sont assez instables. Et donc, nous, nous avons réussi à maîtriser cela et à réaliser cette synthèse-là. Cela peut permettre à d’autres chimistes d’utiliser la méthodologie que nous avons développée pour synthétiser des molécules beaucoup plus complexes et arriver à obtenir des candidats médicaments ou des pesticides.

Vous êtes étudiant burkinabè, quelle peut être la portée de ces résultats-là pour votre pays ?

En ce qui concerne la portée de ces résultats pour un pays comme le mien qui est le Burkina Faso, je pense que ça peut se mesurer à plusieurs niveaux. Déjà sur le plan de la recherche, ces résultats peuvent être exploités par les chercheurs de mon pays, puisque moi-même j’ai fait une grande partie de mes études au Burkina Faso. J’ai commencé la Chimie au Burkina Faso.

Je pense qu’il y a de très grands chercheurs au Burkina Faso qui peuvent considérer les résultats que j’ai obtenus durant ma thèse pour développer de nouvelles choses en s’appuyant sur mes résultats. Je pense qu’il y a également une certaine fierté parce que voir un Burkinabè réussir à faire une thèse dans un domaine aussi spécifique ; cela peut inspirer d’autres jeunes qui peuvent se dire que c’est possible de faire de grandes études et c’est possible d’apporter quelque chose à la science et à la recherche.

C’est évident que ma recherche est une recherche fondamentale. Il n’y a pas une portée visible, palpable. Et comme le disait un de mes professeurs, si vous sortez dans la rue et vous dites à ceux qui passent que l’eau (H2O), c’est deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène, les gens vous diront que vous êtes un fou. L’idée pour moi, ce n’est pas de parler de cela dans la rue, parce que je pense que les gens ne comprendront pas ce que je fais et ensuite je ne pense que ce serait vraiment important pour eux.

Mais je pense que dans le milieu de la recherche scientifique et d’experts en chimie, je pourrai présenter mes travaux et, comme je l’ai dit, susciter l’intérêt de plusieurs chercheurs et aussi de certains jeunes chimistes qui pourront suivre aussi mes pas. Je pourrai également apporter mon expertise pour que le Burkina synthétise certains produits chimiques (médicaments, pesticides) sur place au lieu de les importer. De même, je peux contribuer à analyser les produits que nous importons pour nous assurer de leurs qualité et fiabilité.

Avant de revenir sur vos projets futurs après votre thèse, est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours ?

Alors, je dirai que j’ai fait un bac série C au Collège de la Salle. J’ai obtenu mon bac en 2010. Après le baccalauréat, je suis allé à l’Université de Ouagadougou (Ndlr : actuel Université Joseph KI-ZERBO) et je me suis inscrit en Sciences et Technologies (ST). Après, il fallait faire un choix déjà au semestre 2, parce qu’au semestre 2, il fallait choisir entre Maths-Physique-Chimie et CBBG (je pense que c’est la Science de la Vie et de la Terre). Moi j’ai choisi Maths-Physique-Chimie.

Et au semestre 3, il fallait choisir encore entre la Physique, les Maths et la Chimie. Et j’ai choisi donc la chimie. Après cela, j’ai fait une Licence en Chimie pure toujours à l’Université de Ouagadougou (Ndlr : actuel Université Joseph KI-ZERBO). Ensuite, j’ai commencé le Master 1 que j’ai validé en étant major. Je rappelle qu’à l’Université de Ouagadougou (Ndlr : actuel Université Joseph KI-ZERBO), j’ai toujours été major. Après cela, vu les conditions de l’Université de Ouagadougou (Ndlr :

actuel Université Joseph KI-ZERBO) parce qu’il y avait beaucoup de grèves, de problèmes socio-politiques qui faisaient qu’on n’étudiait pas dans de bonnes conditions, j’ai voulu vraiment venir en France afin de poursuivre mes études dans de bonnes conditions et développer mes compétences sur le plan scientifique notamment sur le plan de la Chimie. J’ai postulé dans des universités en France et j’ai été accepté à l’Université d’Orléans. Et donc en 2016, je suis venu en France. Et quand je suis venu en France, j’ai dû reprendre le Master 1 en chimie organique.

Et après le Master 1, j’ai été retenu pour faire un master 2 en Chimie des molécules bioactives, option synthèse et conception. Après ce Master 2, plusieurs professeurs m’ont remarqué et m’ont sollicité pour faire une thèse et donc il fallait trouver les financements. J’étais en contact avec plusieurs professeurs. J’ai par la suite eu un financement de l’école doctorale, j’ai passé un concours pour obtenir ce financement-là pour faire une thèse en Chimie organique à l’ICOA (Institut de Chimie Organique et Analytique).

Tout s’est bien passé durant votre thèse ?

Je peux dire que j’ai travaillé quand même dans de bonnes conditions parce qu’on avait les équipements qu’il fallait mais ce n’est pas évident parce que quand on est étudiant étranger, bien sûr il y a toujours de petits couacs. Il fallait passer outre cela pour tenir malgré les obstacles et réussir à finaliser ma thèse. Le laboratoire était très bien équipé, j’avais aussi, je ne dirai pas un très bon encadrement (rires), parce que je ne pense pas que j’avais un très bon encadrement, mais quand même j’avais une directrice de thèse qui maîtrisait son sujet avec qui je pouvais discuter de temps à autre. Je pense que dans l’ensemble j’ai eu de très bonnes conditions de travail.

Et quels sont vos projets à court et à long termes ?

À court terme, c’est déjà travailler en France parce que je pense que la thèse est déjà en elle-même une première expérience professionnelle mais pour moi c’est important d’avoir la possibilité de travailler encore en France, de prendre encore un peu plus d’expériences sur la façon de travailler en France, sur la méthodologie de travail et pouvoir également me développer en tant que personne.

Et bien sûr à long terme, il est évident que mon souhait c’est d’apporter quelque chose à mon pays le Burkina Faso parce que je pense que le Burkina Faso a contribué à 90% à me former. Pour ce faire, je suis déjà en train de réfléchir sur la question, ce que je peux apporter à mon pays et la forme la mieux adaptée pour réussir à rendre au Burkina Faso ce qu’il m’a apporté.

Alors je pense que cela peut prendre plusieurs formes. Déjà sur le plan de l’enseignement c’est-à-dire enseigner au Burkina Faso dans le domaine de la chimie organique pour transmettre ce que j’ai appris et susciter des passions chez certains jeunes chimistes, je pense que ma passion pour la Chimie vient de certains professeurs quand j’étais au Burkina Faso notamment le Pr Yvonne Bonzi que je salue au passage, le Pr Karifa Bayo qui ont été mes enseignants et qui m’ont beaucoup amené à aimer la chimie.

Je pense qu’ils ont contribué à ce que je sois aujourd’hui docteur en Chimie. Comme je le disais tantôt, l’enseignement peut être une première forme. Il y a aussi le domaine de l’entrepreneuriat que j’envisage notamment le domaine de l’entrepreneuriat dans la chimie. Mais pour le moment, je préfère ne pas en parler vu que je n’ai pas encore tout établi.

Un dernier mot ?

C’est dire merci à tous les Burkinabè, merci aux lecteurs qui vont nous lire et à notre peuple qui souffre actuellement à cause du terrorisme. J’ai une pensée pieuse à l’endroit de tous ceux qui ont été touchés par ces faits-là. Je prie aussi pour que dans quelques temps, on puisse vaincre ce mal-là et retrouver la cohésion qu’on avait avant. Pour terminer, je souhaite quand même dire merci à mes parents qui m’ont beaucoup soutenu durant mes années d’étude que ce soit au Burkina Faso ou en France.

Liens de quelques publications de Dr Ismaël Félix Dondassé :

Iridium‐Catalyzed β‐C(sp2) − H Borylation of Enamides – Access to 3,3‐Dihalogeno‐2‐methoxypiperidines : https://www.sciencedirect.com/org/science/article/abs/pii/S1434193X22083360.

beta-C(sp2)-H Alkylation of enamides using xanthate chemistry : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02990031.

Iron catalyzed β-C(sp2)–H alkylation of enamides : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03360102.

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